Des femmes journalistes se battent pour les droits humains en Somalie

| juillet 23, 2023

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Le simple fait que Bilan, le seul organe de presse entièrement féminin de Somalie, soit toujours en activité un an après sa création avec l’appui du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement)  est en soi un exploit. 

La réussite de Bilan, qui ose publier des sujets sur des thèmes habituellement passés sous silence, témoigne du courage de ces jeunes femmes qui travaillent dans le pire climat pour des journalistes en Afrique.

Les journalistes de Bilan sont confrontés à l’hostilité et au danger à plusieurs niveaux. Leurs droits fondamentaux sont menacés au quotidien. 

Lorsque Shukri Mohamed Abdi, la plus jeune membre de l’équipe, a décidé de travailler dans les médias, elle a affronté l’opposition féroce dans le milieu rural dont elle est issue et dans lequel l’idée même d’être journaliste est inconcevable. Elle et sa famille ont fait l’objet de menaces et d’agressions physiques de la part de groupes opposés à ses reportages. Les journalistes sont violentées par des personnes qui pensent que les femmes ne devraient pas travailler dans les médias. 

Les attaques se sont intensifiées lorsque la rédactrice en chef de Bilan, Fathi Mohamed Ahmed, est tombée enceinte. Des gens lui hurlaient dessus alors qu’elle se rendait au travail, lui disant de rentrer chez elle, là où était sa place. Refusant de laisser tomber, Fathi est devenue une pionnière des droits des femmes au travail, amenant régulièrement son bébé au bureau où les membres de l’équipe s’organisent pour s’en occuper.

En Somalie, les journalistes travaillent dans un environnement qui demeure répressif. Si certaines restrictions ont été levées par une nouvelle loi votée en 2020, cette dernière ne remplit pas les critères internationaux en matière de liberté de la presse. Pendant huit années consécutives, la Somalie est arrivée en tête de l’Indice mondial de l’impunité du Comité pour la protection des journalistes.Les journalistes sont menacés tous les jours par des groupes ou des individus qui s’opposent à leur travail. 

Les femmes journalistes sont également victimes de harcèlement sexuel à la fois sur leur lieu de travail et à l’extérieur. Elles sont, de surcroît, harcelées sans relâche sur les réseaux sociaux. Selon les journalistes de Bilan, le fait d’évoluer au sein d’une équipe composée uniquement de femmes a pour avantage de leur permettre travailler dans un espace plus sûr. Cela leur donne la liberté de proposer et de publier des reportages qui seraient passés sous silence dans un média à dominante masculine.

En plus de lutter pour leurs droits fondamentaux, les journalistes de Bilan ont également attiré l’attention du public sur des sujets importants en lien avec les droits humains et qui n’avaient encore jamais été abordés. 

Elles ont notamment publié des articles sur les abus sexuels subis par de jeunes orphelines pendant la pandémie de COVID-19 ; quand les orphelinats ont rouvert, certaines jeunes filles sont revenues enceintes ou avec un nouveau-né. Bilan a également attiré l’attention sur les droits des personnes vivant avec handicap dans un article sur une école pour enfants autistes dont certains des enseignants sont également atteints de ce trouble.

Ceci étant, tout n’est pas que morosité et pessimisme. Beaucoup d’articles de Bilan sont très encourageants et célèbrent le rôle des femmes dans les affaires, la politique, la sécurité et la vie culturelle. 

En créant un espace dans lequel des femmes peuvent rendre compte de ce qu’elles considèrent comme des sujets importants, Bilan a donné l’occasion au public, en Somalie comme à l’étranger, de découvrir le pays sous un autre angle. Maintenant qu’elles ont la possibilité de s’exprimer, les journalistes de Bilan peuvent soulever des questions fondamentales liées aux droits humains, dans un pays où ces derniers sont souvent bafoués, proscrits ou ignorés.

Photo : PNUD Somalie

Cette histoire a été adaptée d’un article publié par le PNUD, écrit par Mary Harper. Pour lire l’article dans son intégralité, rendez-vous sur: https://www.undp.org/stories/somalias-women-journalists-fight-human-rights