Zimbabwe : Les faibles prix obligent les agriculteurs à délaisser le coton au profit du piment œil d’oiseau

| février 4, 2019

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Pour Caritas Dube, la culture du coton pour l’exportation lui donnait l’impression d’avoir gagné à la loterie. Les prix étaient bons et l’agriculteur de 70 ans réalisait de superbes bénéfices grâce à cette culture. Cependant, en 2006, la sécheresse a commencé à toucher les cotonculteurs et les cotoncultrices comme monsieur Dube. Les cours mondiaux ont chuté, obligeant plusieurs à abandonner cette culture.

Monsieur Dube explique : « Avant 2006, la Société cotonnière du Zimbabwe nous achetait le kilogramme de coton à 0,90 $ US. Le prix du kilogramme a chuté à 0,36 $ US. Cela nous a anéantis. Les acheteurs soutenaient simplement que le marché mondial du coton était saturé et que le nôtre n’était plus si important. »

Monsieur Dube vit dans le district de Gokwe situé au nord-est du Zimbabwe. Il a tenté de poursuivre la production du coton, dans l’espoir que les prix remonteraient. Mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, les revenus du coton ont continué à diminuer, et plusieurs cotonculteurs et cotoncultrices étaient incapables de rembourser les crédits accordés pour les intrants agricoles.

Il se rappelle : « Je me souviens encore de la façon dont nos dettes du coton ont entraîné la saisie de notre bétail, nos bicyclettes personnelles et nos tuyaux d’eau par les créanciers. »

En 2012, monsieur Dube a abandonné le coton et a commencé à cultiver des piments œil d’oiseau, car ceux-ci se vendaient à de meilleurs prix. À cette époque, les agriculteurs et les agricultrices vendaient le kilogramme de piment à 3 $ US et beaucoup de cotonculteurs et cotoncultrices optèrent pour cette culture.

L’Union européenne a accordé des subventions pour aider les agriculteurs et les agricultrices à cultiver le piment œil d’oiseau au moyen de pratiques telles que le semis direct, une méthode selon laquelle les paysans et les paysannes cultivent sans labourer le sol, et une pratique souvent associée à l’agriculture de conservation. Pour cultiver le piment œil d’oiseau en semis direct, monsieur Dube dit creuser des trous de plantation dans son champ et ne pas utiliser de charrue.

Innocent Chifamba est un autre cultivateur de piment œil d’oiseau, originaire du district de Gokwe qui produisait autrefois du coton, mais qui a délaissé celui-ci en 2012 après la chute des prix.

Monsieur Chifamba déclare : « Les techniciens agricoles nous ont appris à cultiver et soigner les piments œil d’oiseau. Ses bénéfices sont trois supérieurs à ceux du coton. Ce piment est moins exigeant en pesticides que le coton. »

Monsieur Dube et monsieur Chifamba vendent leurs piments à l’organisation Better Agriculture qui les envoie à Nando’s, une chaîne de restaurants basée en Afrique du Sud.

Michael Dawes est le directeur d’Agriculture Partnership Trust. L’Union européenne a créé cette organisation pour aider les agriculteurs et les agricultrices ruraux à délaisser les cultures comme le coton qui souffrent de la mauvaise conjoncture des marchés au profit de cultures rentables comme les piments œil d’oiseau.

À ses dires, l’organisation recommande aux agriculteurs et aux agricultrices de bien faire sécher les piments avant de les transporter au marché parce que les piments frais se vendent à des prix aussi bas que 0,80 $ US le kilogramme.

Monsieur Dawes explique : « À Gokwe, nous faisons venir des techniciens agricoles pour vérifier la teneur en eau du sol, les semences et [l’acidité] du sol avant que les agriculteurs puissent semer. Durant la maturation, nous jumelons chaque agriculteur avec un acheteur de piment de confiance. »

Selon monsieur Dawes, les producteurs et les productrices réalisent plus de bénéfices en cultivant les piments œil oiseau. Il soutient que les bons prix ont finalement fait changer d’idée à ces derniers par rapport à la culture de cette denrée. En effet, les piments séchés se vendent entre 2,85 $ et 3 $ US le kilogramme.

Chaque plant produit à peu près 800 grammes de piments secs, et monsieur Dube possède 750 plants sur sa ferme. L’an dernier, sa famille a récolté 600 kilogrammes qu’il a vendus à 3 $ US le kilogramme. Il a gagné 1 800 $ US.

Monsieur Chifamba affirme avoir tiré énormément profit de la culture des piments œil d’oiseau. Il a creusé et réparé un forage, érigé une clôture et construit une cuisine et une toilette sanitaire. Ce sont des réalisations qu’il n’aurait pas permettre avec les revenus du coton.

Cette année, monsieur Chifamba mettra en terre 2 000 plants de piments œil oiseau sur 1 080 mètres carrés. Il déclare : « Le revenu du piment œil oiseau a permis à ma famille d’acheter une nouvelle mobylette et de se lancer dans l’élevage de poules et de porcs. Nous pouvons diversifier le régime alimentaire de nos familles. »