admin | janvier 4, 2016
Le seul foyer que Ruth Charedzera ait jamais connu est la ferme Robbstale de 450 hectares, à Mhangura, dans la province Mashonaland occidentale du Zimbabwe.
Mme Charedzera est née dans cette ferme en 1957, y est allée à l’école, et c’est là qu’elle a travaillé et même rencontré son mari. Elle a élevé cinq enfants sur la ferme, et prend actuellement soin de 11 petits enfants. Tout naturellement, Mme Charedzera est très attachée à la ferme. Pour elle, c’est son foyer.
Toutefois, Mme Charedzera et ses collègues risquent de se retrouver à la rue. Ils pourraient rejoindre les milliers de personnes qui ont perdu leurs emplois et leurs maisons dans le cadre du programme de réforme agraire en cours au Zimbabwe.
En 2012, des fonctionnaires du ministère de l’Administration territoriale ont subdivisé la ferme Robbstale en quatre parcelles. Une parcelle a été remise aux premiers propriétaires blancs, et les trois autres ont été allouées aux familles autochtones. La concession où Mme Charedzera est née et a grandi a été attribuée à Leonard Matizanadzo, un militaire à la retraite.
M. Matizanadzo s’est rendu au tribunal pour faire expulser les travailleurs de sa nouvelle propriété, et s’est vu accorder un avis d’expulsion en mars 2015.
Le 18 novembre 2015, le shérif adjoint local s’est rendu à la ferme avec 14 policiers vêtus de tenues antiémeutes pour expulser 200 personnes, dont 75 enfants, qui vivaient dans la concession.
Mme Charedzera se souvient : « Ils sont arrivés à la ferme un mercredi, vers 10 h du matin. Ils étaient très intimidants. La plupart des hommes et certaines femmes étaient au champ, mais j’étais à la maison avec les enfants. Les [policiers] … ont ouvert violemment les [portes] avant de charger pêle-mêle nos effets dans un camion. »
Mme Charedzera lutte pour contenir ses émotions avant de poursuivre : « Ils nous ont interdit de nous approcher des maisons. Ceux qui tentaient de récupérer leurs biens ont été repoussés par des bombes de gaz lacrymogène qu’ont leur lançait. Les policiers avaient l’air si menaçants que la plupart des femmes se sont réfugiées avec leurs enfants dans la ferme située de l’autre côté de la route. »
Elle ajoute : « Nous observions désespérément de l’autre côté de la voie principale pendant qu’ils saccageaient nos maisons et chargeaient le peu de biens pour lesquels nous avions travaillé pendant tant d’années. Puis, pour couronner le tout, ils ont jeté nos affaires au bord de la voie principale. »
Les ouvriers agricoles disent que la police a brûlé 49 maisons, détruit les biens qui n’avaient pas été chargés dans le camion de la police. Les biens comprennent des lits, des armoires, des panneaux solaires, des vêtements et des pièces d’identité nationales.
Dix-huit maisons tiennent toujours debout, mais sont inhabitables, car les portes, les fenêtres et les murs ont été brisés ou arrachés par la police. L’odeur de bois brûlé est forte, et l’atmosphère maussade, pendant que les travailleurs de la ferme réfléchissent à leur avenir.
Mme Charedzera et quelques ouvriers se sont réfugiés sous des séchoirs à tabac sur la terre appartenant aux premiers propriétaires blancs. Les propriétaires veulent utiliser les séchoirs pour les récoltes de tabac, et ont offert aux ouvriers un lopin de terre pour construire des logements temporaires.
Les autorités zimbabwéennes affirment avoir rendu autonomes près de 300 000 familles par le biais du programme de réforme agraire. Cependant, un rapport du gouvernement stipule que très peu d’ouvriers agricoles bénéficient du programme qui aux dires du gouvernement a réduit la productivité.
Pour Mme Charedzera et les milliers d’ouvriers agricoles qui ont été expulsés des fermes en même temps que leurs anciens employeurs, le programme de réforme agraire est traumatisant.
Selon le syndicat général des travailleurs agricoles et des plantations du Zimbabwe, 200 000 personnes travaillaient dans l’agriculture avant le début des réformes agraires. Maintenant, moins de 50 000 personnes ont un emploi.
Les gens comme Mme Charedzera se considèrent comme des victimes de la réforme agraire. Ils sont convaincus d’avoir été spoliés de leurs sources de revenus et leurs habitations.
Mme Charedzera déclare : « La façon dont nos maisons et nos biens ont été détruits prouve que le gouvernement se fout de nous. Pour eux, nous n’existons pas. Ils nous ont complètement oubliés, et nos intérêts ne les préoccupent pas. »
Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Les expulsions provoquent un traumatisme chez les ouvriers agricoles », cliquez sur : http://allafrica.com/stories/201512140580.html