Zambie: Une femme battue obtient son indépendance grâce à l’agriculture (par Filius Jere, pour Agro Radio Hebdo)

| novembre 25, 2013

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Comme beaucoup de Zambiennes, le destin de Mama Misozi était, selon la tradition, de devenir une épouse soumise à son mari. Elle n’avait que quinze ans quand des femmes âgées de son village l’ont isolée afin qu’elle passe le cinamwali, une cérémonie d’initiation traditionnelle de quatre semaines, pour les jeunes filles qui atteignent un certain âge.

Ses résultats d’examens scolaires sont sortis peu de temps après son initiation, et elle a été contente d’apprendre qu’elle avait très bien réussi. Mais c’est alors qu’un jeune homme du village de Kangale a traversé la rivière Lutembwe pour la demander en mariage.

Mama Misozi ne voulait pas vraiment l’épouser. Elle voulait finir son éducation et devenir enseignante. Mais son père voulait les bœufs de la dote, et elle ne pouvait pas s’opposer au souhait de son père. Elle a été mariée contre son gré. Elle travaillait comme une esclave dans le champ familial chaque jour et a eu six enfants en huit ans.

Son mari était un ivrogne qui ne subvenait à aucun des besoins de sa famille. Il passait la plupart de son temps à chasser mais ses proies étaient la bière locale et les autres femmes. Mama Misozi se devait de servir son mari et de lui obéir, et celui-ci la battait fréquemment. Au bout de quelques années, elle était épuisée, tant physiquement que mentalement.

Quatre de ses six enfants étaient des filles. Son mari rêvait souvent des bœufs que leurs dotes rapporteraient. Mais Mama Misozi était triste; elle ne voulait pas que ses enfants deviennent des « esclaves » comme elle. Elle se querellait constamment avec son mari parce qu’il refusait de mettre les filles à l’école.

Mama Misozi sentait que la situation était sans espoir. Elle a essayé de faire du travail supplémentaire dans les champs d’autres personnes afin de collecter de l’argent pour les frais scolaires. Son mari l’a battue parce qu’elle ne passait pas assez de temps dans son champ à lui. Mama Misozi a alors pris des mesures drastiques.

Elle dit: « Le divorce était tabou dans ma tribu. Mais chaque fois que je regardais mes quatre filles, je ne pouvais m’empêcher de les voir prises dans le même cercle vicieux dont j’étais esclave. Tous ce que j’avais à faire était de quitter mon mari. »

Traditionnellement, cela était quasiment impossible. Mais quelqu’un lui a conseillé de consulter la Young Women’s Christian Association. Grâce à cette organisation, elle a découvert que les abus infligés par son mari constituaient des actes criminels et qu’il pouvait se faire arrêter. À cause des enfants, Mama Misozi ne voulait pas que son mari soit arrêté. Mais le fait d’avoir eu cette information lui a donné la force de commencer une nouvelle vie toute seule.

Elle a eu quelques coups de chance. Ses parents, décédés depuis, avaient un jardin de légumes qui avait été laissé à l’abandon et était parsemé de mauvaises herbes, sur les rives de la rivière. Quand elle a quitté le domicile de son mari, Mama Misozi a commencé à cultiver des légumes là. Elle dit: « J’ai emprunté des houes et des haches pour nettoyer le terrain et j’ai obtenu des pousses à partir de mes premières cultures. Mes enfants ont compris la situation et m’ont aidée, et nous avons lentement commencé à améliorer notre qualité de vie. »

Durant la saison des pluies, Mama Misozi cultive aussi du maïs et des arachides dans le champ de ses parents. Elle a obtenu du fumier auprès des bergers qu’elle applique sur son maïs. Par conséquent, elle a eu une très bonne récolte et a rempli son grenier. L’année suivante, elle a pu se permettre de payer les frais scolaires grâce à la vente de ses légumes. Ses enfants ont maintenant repris l’école. En quelques années, Mama Misozi a pu construire une bonne maison en briques pour sa famille.

Mama Misozi dit: « Quand mon mari a vu comment je me débrouillais, il est venu me supplier pour qu’on se réconcilie. » Pour le bien de ses enfants, elle lui a présenté trois conditions. Il devait quitter son village à lui pour s’installer dans son village à elle. Il devait arrêter de boire car cela le rendait violent et paresseux. Et troisièmement, il n’aurait pas le droit d’interférer avec l’éducation des enfants.

Mama Misozi dit: « Ma fille aînée, Enala, est en 9e année et veut devenir enseignante! »

Son mari a eu du mal à abandonner la bière. Cependant, Mama Misozi dit: « S’il veut de l’argent pour acheter de la bière, il doit d’abord travailler dans le jardin -et ça, c’est bon pour moi! »