Tanzanie : Des femmes passent du champ au marché à Tengeru

| juillet 2, 2018

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Il est 9 h du matin au marché de Tengeru, situé au pied du mont Meru, au nord de la Tanzanie. Le chemin de terre qui mène au marché est parsemé de flaques causées par la pluie de la nuit dernière. Des femmes descendent des minibus appelés dala dalas. De jeunes garçons montent sur les toits des dalas pour détacher des sacs bosselés remplis de fruits et de légumes. Les femmes attachent des barriques sur leurs têtes, et traversent l’entrée boueuse du marché en pataugeant.

Des rangées de nattes garnies de pommes, d’oranges et de mangues bordent les allées du marché. De gros tas d’ail, de gingembre et de manioc sont disposés près de sacs affaissés de maïs et de petits poissons qui dégagent une forte odeur.

Il est essentiel pour les femmes d’assumer plusieurs rôles si elles veulent réussir au marché. Le passage du métier d’agricultrice à celui de commerçante peut leur permettre de maximiser leurs revenus en évitant les périodes creuses entre les récoltes. En outre, pour les femmes n’ayant aucun accès à la terre, vendre pour une autre personne peut constituer la seule solution.

À l’intérieur du marché, Bonzana Ndelilio Kaaya est assise sur un seau aux couleurs vives. C’est une productrice de bananes originaire du village de Kimundo. Deux fois par semaine, elle parcourt plus de 30 kilomètres pour venir au marché.

Madame Kaaya déclare : « Il est préférable pour moi de vendre les bananes ici au marché que de les vendre dans une boutique où je ne pourrai pas gagner autant d’argent. Quand j’apporte les bananes dans une boutique, on ne me paie pas sur-le-champ. » Elle explique qu’elle sera payée uniquement après que les commerçant(e)s ont vendu ses bananes, ce qui pourrait prendre des jours. Elle déclare : « Quand je vends ici au marché, je suis payée immédiatement. »

Elle propose huit bananes aux client(e)s au prix de 1 000 shillings tanzaniens (0,44 $ US). À mesure que la journée avance, elle diminue ses prix pour éviter de jeter les bananes invendues.

Ndefisiwa Daniel vend également des bananes à Kimundo. Elle avait parcouru une heure en bus avec dix régimes de bananes, et les avait déjà vendues à 10 h. Le fait d’arriver tôt est la clé du succès, par conséquent, elle s’assure que ses bananes sont prêtes pour la vente à 6 h 30 du matin. De cette façon, ses client(e)s obtiennent des bananes de meilleure qualité et elle les vend au prix fort.

D’autres commerçantes, telles que Mama Joshua, achètent des produits agricoles chez les producteurs et les productrices et vendent ceux-ci plus cher pour réaliser un bénéfice.

Madame Joshua déclare : « Si vous venez demain, vous me trouverez ici. Si vous venez le jour suivant, vous me trouverez ici. » Même les dimanches, elle vient au marché après l’église pour vendre des fruits.

Madame Joshua a appris le commerce auprès de sa mère. Malgré son commerce prospère, elle n’enseignera pas à sa fille comment travailler au marché.

Elle déclare : « Je ne veux pas que ma fille vende. Je veux qu’elle étudie. Je veux qu’elle reste dans un bureau pour écrire. »

Madame Joshua affirme que chaque saison comporte ses propres difficultés. En saison pluvieuse, il est difficile de se rendre au marché. D’autres fois, elle doit affronter la chaleur écrasante.

Les jours de marché sont souvent une course contre le soleil. Lorsque les aliments restent dehors toute la journée, ils flétrissent et sont moins attrayants. Les aliments pourris ou invendus peuvent constituer un désastre pour les familles des femmes, puisque la plupart des femmes du marché de Tengeru utilisent leurs revenus pour payer les études de leurs enfants.

Une vendeuse de légumes nommée Flora, originaire du village de Mbuguni, à environ 25 kilomètres au sud de Tengeru, déclare : « Si vous ne vendez pas tout ce que vous achetez, c’est une perte. Cela vous cause des difficultés. »

Elle obtient les meilleurs prix le matin, en vendant le tas de poivrons à 1 000 shillings (0,44 $ US). Le soir, elle vend les mêmes poivrons à 300 shillings (0,13 $ US). Elle jette ce qu’elle ne peut pas vendre.

Elle déclare : « J’aurais préféré cultiver [les légumes] moi-même, mais je n’ai pas de terre. »

Rachael Zefania Abraham est du village voisin de Shimbumbu. À mesure que les saisons changent, elle troque sa casquette d’agricultrice pour celle de commerçante. En janvier, elle a cultivé du maïs, des pommes de terre et du haricot. En attendant la récolte, elle vend des bananes. Selon elle, cela lui permet d’avoir de l’argent pendant toute l’année.

Dans quelques semaines, madame Abraham changera de rôle. Elle transportera ses propres denrées au marché, et les vendra aux commerçant(e)s.

Que ce soit en tant qu’agricultrices, commerçantes, ou un mélange des deux, les femmes trouvent de quoi faire pendant toute l’année au marché de Tengeru.

Ash Abraham est une volontaire d’Uniterra basée à Arusha, en Tanzanie. Elle a produit cette nouvelle en collaboration avec Abraham Godwin. Uniterra a contribué à la réalisation de ce reportage.