Soudan du Sud : ‘Les vrais hommes ne se marient pas aux enfants’ (Internews)

| novembre 23, 2015

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Mary Malang Chol travaille à Mingkaman FM, une station de radio qui opère au Soudan du Sud depuis le début de l’année 2014. La station émet à partir d’un camp de personnes déplacées à l’intérieur, dans le comté d’Awerial, dans la région du Lakes State, au nord-est de Juba, la capitale. Récemment, elle a diffusé un témoignage sur un sujet sensible : le mariage forcé.

Mme Chol s’est entretenue avec une jeune femme du camp qui lui a raconté : « J’avais 14 ans lorsque j’ai été mariée de force. Le monsieur avait 46 ans. Pendant ma grossesse, j’ai eu beaucoup de complications. »

La jeune femme a poursuivi : « On m’a emmené à l’hôpital pour l’accouchement. Le travail a été long. Finalement, on a dû m’opérer pour retirer l’enfant, car mon bassin était étroit et l’enfant ne pouvait donc pas passer … J’avais l’habitude de jouer avec les [autres] enfants, mais, maintenant, quand je les vois s’amuser, je suis seule chez moi. »

Son courageux témoignage a suscité un débat à travers la collectivité locale.

Le père de la fille a avoué qu’il n’avait pas eu le choix que de donner sa fille en mariage. Il a expliqué : « Lorsque vous n’avez rien à manger à la maison, et que vous avez une fille de dix ans, alors qu’est-ce qui vous reste à faire? Elle pourrait mourir avant d’atteindre la maturité … Trouvez un homme qui possède des vaches pour la marier et elle pourra s’en aller … [pour] vous permettre de vous occuper de vos autres enfants. »

Le mariage forcé est interdit au Soudan du Sud, et l’âge légal du mariage est 18 ans. Cependant, la pratique du mariage forcé se perpétue. Selon le Centre international de recherche sur les femmes, 52 pour cent des filles se marient avant 18 ans au Soudan du Sud.

Mme Chol a interrogé une sage-femme d’un dispensaire local, qui est elle-même une victime du mariage forcé. La sage-femme a déclaré : « Les députés [doivent] adopter une loi pour sanctionner autant les parents que les maris. »

Mme Chol sait qu’elle s’attaque à un sujet complexe, mais soutient qu’elle a besoin de faire connaître cette histoire. Elle déclare : « Les femmes de ma communauté sont traitées comme des citoyennes de seconde zone. »

Elle a proposé à l’équipe de Mingkaman FM de réaliser une émission sur ce problème. La station a accepté d’organiser spécialement une causerie-débat pour discuter du mariage forcé.

Joseph Deng est rédacteur-réviseur de nouvelles à Mingkaman FM. Il a réalisé une émission d’une heure. L’émission comportait des chants dont les paroles parlent les risques liés au mariage forcé et des droits des jeunes femmes. M. Deng a également recueilli l’avis des populations locales au marché. Certain(e)s ont déclaré : « Mariez vos filles jeunes et vous aurez de nombreux enfants. » D’autres ont signifié leur désaccord : « Les enfants doivent être protégés. »

Dans le studio, les invité(e)s se sont interrogés sur la pertinence du mariage forcé des jeunes filles. Pendant l’émission, les gens ont appelé pour donner leurs avis. Le débat a été animé.

L’éminent chef, le Sultan Gideon Alier Aluong, est un chef traditionnel de la région. Il a déclaré : « Aujourd’hui, [les droits de la personne] sont au cœur de chaque famille. [Ce n’est que] lorsqu’une fille devient majeure … qu’on doit la marier … ma fille se [mariera] dans une famille qui je sais prendra soin d’elle. »

Veronica Ajak Ayual est une représentante du Comité international de secours. Elle croit fermement que le mariage forcé est une forme de traite de personnes, et n’est aucunement lié à la pauvreté. Elle déclare : « Ce n’est pas la pauvreté qui fait que les gens obligent leurs petites filles à se marier tôt. Si vous êtes pauvres, il vous suffit de vendre quelques-unes de vos vaches, … mais pas votre fille. »

Le débat n’a peut-être pas résolu le problème, mais la position de l’éminent chef suprême Alier est claire. Il a déclaré : « Ce qui sont de vrais hommes ne se marient pas avec des enfants. »

*Note de la rédaction : Pour protéger la jeune femme, Mingkaman FM n’a pas révélé son nom aux auditrices et aux auditeurs.

Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Les vrais hommes ne se marient pas aux enfants », cliquez sur : https://medium.com/local-voices-global-change/real-men-don-t-marry-children-8dc315dc7e58