Somalie : Des agricultrices et des agriculteurs sèment des graines d’espoir

| mai 18, 2015

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Farak Doudi a toujours un fusil sur lui. Il utilise l’arme pour protéger sa bananeraie de cinq hectares contre les bandits. M. Doudi cultive dans la région du Shabeellaha Hoose en Somalie, qui est considérée comme le « grenier » de la Somalie. Ici, d’autres agricultrices et agriculteurs comme lui commencent à redynamiser le secteur agricole national.

Avant, la Somalie était très célèbre pour ses bananes, ses chèvres et son sorgho. En 1990, le pays a exporté 110 000 tonnes de bananes vers l’Europe et la Péninsule arabique. Elle était la première exportatrice de bananes en Afrique de l’Est, mais le dérapage du pays dans la guerre civile en 1991 a mis fin à ce règne.

Certaines grandes localités du pays semblent avoir retrouvé un calme relatif, et un gouvernement assisté par les Nations Unies a été mis en place dans la capitale, Mogadiscio.

Des agricultrices et des agriculteurs comme M. Doudi commencent à bénéficier des prêts qu’ils ont contractés auprès de la Banque centrale de Somalie, et les tracteurs et les titres fonciers sont devenus monnaie courante. Certains agricultrices et agriculteurs reçoivent de l’argent de la part de Somaliennes et Somaliens qui travaillent à l’étranger. Le pays est en train de reconstruire ses ports et exporte un volume de plus en plus important d’oranges, d’arachides et même de chameaux.

En 2011, les milices somaliennes ont expulsé les organismes d’aide internationaux de la région de Shabeellaha. Aux dires de ces dernières, ces organismes ne se souciaient pas des agricultrices et des agriculteurs locaux, et importaient les produits alimentaires, plutôt que de s’en procurer même en Somalie. Achik Dawal est agriculteur à Shabeellaha. Il est d’avis que ce mécontentement était justifié.

Les milices ont également perfectionné les canaux d’irrigation, en vue de promouvoir l’agriculture locale. Ces travaux ont permis de transformer les terres arides de la province en une ceinture de champs de riz et de plantations de bananes verdoyants et luxuriants. Les milices ont également encouragé l’agriculture locale en n’imposant aucune taxe aux restaurateurs qui cuisinaient et servaient des produits locaux.

Des expert(e)s de l’Union européenne, le gouvernement autrichien et les Nations Unies ont appris aux agricultrices et aux agriculteurs somaliens à calibrer les produits récoltés. En 2014, les agricultrices et les agriculteurs ont produit 200 000 tonnes de grains de haute qualité qu’ils ont vendus directement au Programme alimentaire mondial.

Cependant, la reprise agricole demeure fragile. M. Daham est économiste à la Banque centrale de Somalie. Il déclare : « Le marché local constitue notre souci majeur. Sa faible densité nous empêche d’y écouler toutes nos récoltes et tout notre bétail. »

D’autres problèmes se posent. En effet, la Somalie ne dispose d’aucun centre de recherche agricole. Bien qu’il y ait un gouvernement central, les seigneurs de la guerre et les gangs de criminels rivaux s’emparent des bananeraies lucratives et d’autres cultures de grande production. Les coups de feu et les explosions de grenades effraient souvent les agricultrices et les agriculteurs qui s’enfuient de leurs exploitations agricoles, pour aller se cacher ailleurs pendant des semaines. M. Dawal ajoute : « Les voleurs vous [battent] et retirent vos récoltes de bananes. »

David Warra travaille comme chercheur au Somali Crop Evaluation Forum, une agence gouvernementale qui certifie les grains destinés à l’exportation. Il déclare : « Nous devons employer à grands frais des gardes de sécurité qui demandent 300 000 shillings [430 $US] pour protéger les camionnettes transportant des bananes.

M. Doudi retourne couper le tronc d’un bananier dont il a prélevé les régimes. Il raconte : « Nous prions pour que cette lente évolution se poursuive. Nos vies dépendent de ces exploitations, de cette eau et de ces cultures. Je continuer à cultiver, équipé d’un fusil pour protéger mes cultures. »

Toutefois, M. Doudi est ravi de voir la chance lui sourire à nouveau. Il déclare : « Cela me réjouit le cœur. »