Sénégal : Une survivante d’un mariage précoce, forcé soutient que la tradition doit changer

| mai 2, 2022

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Nouvelle en bref

À l’instar de plusieurs filles au sud du Sénégal, Ndeye Coumba Baldé a été donné en mariage à un cousin alors qu’elle n’avait que 15 ans. Elle dit que ses parents ont pris cette décision au nom de la tradition. Madame Baldé soutient que le mariage a eu beaucoup de répercussions négatives durables sur sa vie, dont une infection sexuellement transmissible grave. Plusieurs mois après le mariage, madame Baldé put divorcer d’avec son mari et reprit ses études. En effet. Elle avait quitté les bancs en classe de troisième. Maintenant, madame Baldé consacre une grande partie de ses temps libres à la lutte contre le mariage des enfants en s’entretenant avec les jeunes filles, les jeunes garçons et leurs parents concernant les conséquences négatives du mariage précoce et forcé, et les encourage à cesser cette pratique dans leurs familles et leurs communautés.

Aujourd’hui, Ndeye Coumba Baldé ressemble à d’autres jeunes femmes. En la regardant, on ne peut pas le savoir, mais cette femme de 30 ans n’a pas connu une enfance épanouie. À l’instar de plusieurs filles de la région, madame Baldé a été donnée en mariage à un cousin alors qu’elle n’avait que 15 ans.

Madame Baldé vit à Kalifourou, à 200 kilomètres de Kolda, au sud du Sénégal. Elle affirme que ses parents ont pris cette décision au nom de la tradition.

Elle ajoute que les paroles de son père résonnent toujours dans sa tête. “Vous allez vous marier demain si Dieu le veut.” Elle se souvient d’avoir été choquée, et incapable de dire non.

Selon madame Baldé, le mariage a laissé plusieurs séquelles indélébiles dans sa vie. Elle n’a gardé aucun souvenir mémorable de sa première nuit de noces qu’elle a partagée avec un inconnu pour qui elle ne ressent aucune once d’amour. Elle affirme qu’il était très difficile de partager la chambre conjugale avec un homme que son cœur n’épousait pas.

Pendant sept mois, madame Baldé a souffert dans son foyer où elle a été victime d’assauts répétés entre les mains de son mari. Pour échapper à ses sévices, la jeune madame Baldé était obligée de fuir pour aller se réfugier chez une de ses copines.

Mais même après s’être échappée, madame Baldé continua à souffrir. Quelques semaines après être partie de chez son mari, elle remarqua des changements au niveau de ses parties intimes. Une consultation chez une sage-femme lui permit de savoir qu’elle souffrait d’une infection sexuelle transmissible sévère.

Quelques mois plus tard, madame Baldé put obtenir son divorce et reprendre ses études qu’elle avait abandonnées en classe de 3e. Des années se sont écoulées, et elle est actuellement étudiante en troisième année à la faculté de médecine à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Elle travaille également dans une association locale dénommée “Parole aux jeunes” qui travaille à protéger les enfants contre les mariages précoces. Aujourd’hui, elle consacre son temps libre à la lutte contre ces mariages précoces à travers la sensibilisation dans les régions les plus touchées par le phénomène.

Durant ces séances de sensibilisation, madame Baldé discute avec les jeunes filles, les jeunes garçons et leurs parents concernant les conséquences négatives du mariage précoce et forcé, et les encourage à cesser cette pratique au sein de leurs familles et leurs communautés.

Malheureusement, l’histoire de madame Baldé n’est pas un cas isolé. Les mariages précoces et forcés sont fréquents au Sénégal et trouvent souvent leur justification dans des croyances traditionnelles. Les parents opèrent un choix à la place de leurs filles et leur imposent le mariage contre leur gré. Ce qui entraîne souvent des conséquences néfastes pour leur santé physique et psychologique.

Madame Madjiguene Ndiaye est sage-femme à Dakar. À ses dires, les mariages forcés peuvent souvent pousser les femmes à avoir recours à des avortements risqués, pratiqués de façon informelle, qui peuvent entraîner des décès ou d’autres effets graves pour la santé, y compris des problèmes de développement du fœtus, des naissances prématurées, des infections graves et l’anémie.

Si les conséquences pour la santé sont désastreuses, les statistiques ne le sont pas moins. Selon un rapport de 2018 de l’UNICEF, 30 % des filles au Sénégal sont mariées avant l’âge de 18 ans. Un rapport de 2010 par l’Agence de développement international des États unis a révélé que les mariages précoces et forcés étaient beaucoup plus courants au sud du Sénégal où 32 % des filles données en mariage sans leur consentement ont moins de 16 ans.

Quelles que soient les raisons, les mariages précoces et forcés nuisent aux jeunes filles et affectent sérieusement leur santé, leur bien-être et leur éducation. Selon madame Baldé, cette pratique est une injustice faite aux filles et une perte énorme de leur potentiel qui peut contribuer au développement de leur communauté et du pays.

Madame Baldé déclare : “J’ai subi cette injustice lorsque mes parents m’ont obligée à me marier à l’âge de 15 sous le poids de la tradition. [Mais] j’ai pu sortir de cette situation grâce à ma détermination.”

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

Photo : Une femme est assise avec son enfant. Crédit : Albert Gonzalez Farran, UNAMID.