République Démocratique du Congo: Les petits agriculteurs utilisent des terrains abandonnés par de riches propriétaires (par Jacques Kikuni Kokonyange, pour Agro Radio Hebdo, en République Démocratique du Congo)

| novembre 5, 2012

Téléchargez cette nouvelle

Malgré la chaleur accablante, Françoise Kahindo est infatigable. Armée d’une houe, elle plante des boutures de manioc en profondeur, dans des monticules de terre. Elle cultive aussi des bananes, des haricots, des aubergines et des tomates.

Sa ferme de trois hectares est comme un coin de paradis pour cette agricultrice de 30 ans. Sa ferme lui permet de gagner de l’argent pour améliorer la qualité de vie de sa famille, ce qui comprend le paiement des frais scolaires pour ses trois enfants. Mais la terre ne lui appartient pas. Elle appartient plutôt à un homme d’affaires qui lui permet de l’utiliser gratuitement.

Mme Kahindo est une veuve dont le mari est décédé il y a trois ans. Elle vit près de Beni, dans l’est de la République Démocratique du Congo. Dans cette région, peu d’agriculteurs possèdent leur propre terre. Pratiquement toutes les terres agricoles ont été achetées par de riches hommes d’affaires.

Mme Kahindo a dû lutter pour gagner assez d’argent afin de prendre soin de ses enfants. Pendant plusieurs années, elle a travaillé en tant que serveuse dans un petit restaurant de son village. Elle gagnait 1000 francs congolais (1,10 dollars américains) par jour. Avec ce salaire, elle pouvait à peine nourrir et habiller ses enfants.

Mais il y a deux ans, elle a commencé à pratiquer l’agriculture, et à mieux gagner sa vie. La ferme de Mme Kahindo a tellement prospéré qu’elle emploie maintenant des jeunes pour labourer son champ et s’occuper des récoltes. Elle vend ses produits directement aux consommateurs, au marché local.

Mme Kahindo est parmi la centaine d’agriculteurs, aux alentours de Beni, qui bénéficient d’un libre accès à des terres appartenant à de riches hommes d’affaires. Les terres ont auparavant été utilisées pour des plantations de café et de papaye. Ces plantations ont été abandonnées au début des années 2003, suite à une éclosion de trachéomycose du café.

Antoinette Matabishi est une autre agricultrice qui bénéficie de cet accord d’emprunt foncier. Elle cultive une nouvelle variété de haricot appelée « pigeon vert ». Elle déclare fièrement: « Grâce à la vente de mes récoltes, je suis parvenue à construire ma maison en terre battue dans mon village natal.»

Que gagnent les propriétaires fonciers dans cette affaire? Antoine Mbulula est le Secrétaire Général d’un groupe défendant les intérêts des agriculteurs. Il explique: «Ces opérateurs profitent de l’entretien de leur champ, que font les agriculteurs qui s’y sont installés, pour planter des eucalyptus et quelques arbres fruitiers.»

Humanitarian Aid est une organisation non-gouvernementale qui œuvre dans le secteur agricole. Cette organisation s’inquiétait de ce que les agriculteurs risquaient de se faire expulser des terres n’importe quand. En vue d’établir une certaine forme de sécurité pour les agriculteurs, Humanitarian Aid a négocié des ententes de prêt pour des périodes allant d’un à trois ans. Ces ententes ont été signées par le groupe défendant les intérêts des agriculteurs et d’autres groupes de la société civile au nom des agriculteurs, et par des chefs traditionnels au nom des propriétaires terriens. Les contrats assurent que les agriculteurs peuvent utiliser la terre pour la période de temps indiquée.

Mais même avec cette assurance, les agriculteurs qui empruntent des terres savent que l’arrangement est temporaire. Certains font déjà des plans pour le jour où ils ne pourront plus utiliser la terre. Mme Kahindo épargne une partie de l’argent qu’elle gagne en vendant ses produits de culture. Elle espère épargner suffisamment pour acheter un jour son propre champ.