Joseph Tsongo | janvier 5, 2019
Sylvestre Muhindo plonge sa main droite dans la terre au milieu de son champ d’où il extrait une poignée de terre humide. D’habitude, son visage n’est pas aussi détendu après la récolte. Il balaie du regard sa parcelle et constate que les mauvaises herbes comme le chiendent ont disparu du champ recouvert de feuilles de mukuna en état de décomposition.
Monsieur Muhindo est un agriculteur de 40 ans qui habite à Kibututu, un village de la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. Il cultive du manioc sur un champ d’un demi-hectare.
Au fil des ans, le sol de monsieur Muhindo était devenu plus compact, et les mauvaises herbes envahissaient la quasi-totalité de la parcelle après les récoltes. Selon monsieur Muhindo, le sol était devenu plus dur et moins fertile à cause de la longue sécheresse. Par conséquent, le manioc n’y poussait plus très bien.
Il se rappelle : « J’étais désemparé par les perturbations des saisons culturales avec l’absence prolongée des pluies. »
Lors des années précédentes, il vendait cinq à six sacs de manioc de 110 à 120 kilogrammes chacun par an, pour un revenu moyen de 150 $ US. Cependant, sa production avait baissé de moitié depuis quelque temps.
Cela faisait qu’il avait de la difficulté à payer la main-d’œuvre, les semences, le sarclage, et la surveillance.
Monsieur Muhindo ajoute : « Un de mes trois fils a dû abandonner l’école faute de moyens pour m’aider à surveiller le champ contre des vols. » Il s’apprêtait à cesser de cultiver le manioc lorsqu’il fit la découverte du >mukuna.
En février 2016, il a rencontré une association paysanne qui l’a convaincu de tester le mukuna avant de prendre une décision finale concernant son manioc. Mukuna est le nom swahili du « Mucuna pruriens, » une herbe grimpante de la famille des légumineuses, également appelée pois mascate. Certains agriculteurs plantent le mukuna après la récolte et le laissent pousser pendant plusieurs saisons. Le mukuna forme une épaisse couverture végétale qui étouffe les mauvaises herbes. Et comme c’est une légumineuse, elle nourrit le sol avec de l’azote.
Monsieur Muhindo s’est rendu auprès de l’ONG Centre de Développement Rural de Kibututu, ou CEDERU. L’organisation lui a offert gratuitement trois kilogrammes de graines de mukuna qu’il a semées. Au bout de 15 jours, la plante a commencé à envahir le champ, grimpant sur des tiges de manioc restantes. Le mukuna a vite couvert le sol, empêchant ainsi la lumière du soleil d’atteindre les mauvaises herbes.
Monsieur Muhindo déclare : « Mon champ était depuis longtemps couvert de beaucoup d’herbes difficilement contrôlables. Tout d’un coup, il y en avait plus, et j’étais très content. Quand j’ai aussi vu que le sol était devenu humide alors que cela n’était pas le cas avant, j’ai éclaté de joie. »
La production de monsieur Muhindo a doublé. L’an dernier, il a récolté une dizaine de sacs de manioc qu’il a vendu sur le marché local à 30 $ US le sac.
Adela Chizamenya est une agricultrice de 45 ans qui cultive du maïs à Kiseguro, un petit village situé non loin de Kibututu dans la chefferie de Bwisha. Cette « plante miracle » aide les agriculteurs et les agricultrices comme elle à réduire leur charge du travail et leur coût de production.
Elle a acheté des semences de mukuna à 2 500 francs CFA (environ 5 $ US) le kilogramme. Elle a semé deux graines par poquet. Les poquets sont séparés les uns des autres de 40 centimètres et les rangées sont également espacées de 40 centimètres. Un mois plus tard, elle a découvert que cette culture-abri avait effectivement éliminé les mauvaises herbes.
Madame Chizamenya explique : « Le sol est devenu très mou de telle sorte que je n’ai plus eu besoin de labourer mon champ … J’ai juste fauché la terre et puis j’ai semé le maïs. Je ne suis revenue que trois mois après pour récolter. Je ne travaille plus autant qu’avant. Et je récolte même plus. »
Madame Chizamenya a récolté 13 sacs de maïs contrairement aux sept qu’elle avait récoltés auparavant. Chaque sac pèse environ 115 kilogrammes et coûte approximativement 25 $ US.
Le mukuna améliore la texture et la fertilité du sol, en plus d’éliminer les mauvaises herbes. La plante fertilise le sol en lui apportant de l’azote, « un engrais primaire » selon Oscar Hangi, ingénieur agronome au CEDERU.
Monsieur Hangi déclare : « Le mukuna tue les mauvaises herbes et prévient les érosions en se répandant progressivement dans tout le champ. La matière verte qu’il produit en abondance dans un champ se décompose facilement pour faire l’humus qui fertilise et colore le sol. »
Le mukuna produit également beaucoup de végétation. À mesure que celle-ci se décompose, elle permet à l’eau de s’infiltrer dans le sol où elle est retenue.
Le CEDERU mène des campagnes de vulgarisation pour faire connaître cette plante aux agriculteurs et aux agricultrices du Nord-Kivu. L’utilisation du mukuna peut les aider à faire face au dérèglement climatique qui nuit à l’agriculture.
>La présente nouvelle a été initialement publiée en décembre 2018.