Nelly Bassily | juin 25, 2012
Niché au cœur des collines volcaniques de l’Ouest de l’Ouganda, le Parc National Reine Elizabeth est réputé pour sa beauté et sa faune naturelles. La variété faunique du parc a engendré une industrie touristique prospère. Mais par les temps qui courent, les animaux ne sont pas une source de support pour les moyens de subsistance des populations locales; ils ont plutôt tendance à les détruire.
Mohamood Mwapiri est une agricultrice de Kibodi, un village situé en bordure du parc. Elle explique: « Les éléphants ont dévoré mes champs de haricots, de maïs et de matooke [banana]. Cela nous a déjà conduit au bord de la famine. Nous n’avions rien à manger et rien à vendre: ils mangeaient ou détruisaient tout ce que nous avions. »
L’Autorité Ougandaise pour la Faune (UWA, en anglais) a identifié cette région comme un point de friction entre humains et animaux, particulièrement entre les agriculteurs et les éléphants qui se nourrissent des cultures locales.
Mais arrêter les éléphants n’est pas tâche facile. Innocent Kahwa travaillait autrefois pour l’UWA, où il essayait d’empêcher les éléphants de ravager les cultures. Il dit: « Nous essayions de creuser des tranchées profondes aux pentes escarpées, autour des champs. Mais les éléphants sont intelligents. Ils utilisaient simplement de la poussière pour remplir les tranchées et les traverser. »
Les agriculteurs n’ayant pas de moyen efficace d’arrêter les éléphants, ils ont été forcés de surveiller leurs champs, pendant la nuit. Ils tentent de faire peur aux animaux en criant et en frappant sur des jerricanes vides, ou bien ils font appel à l’UWA pour que ses agents tirent dans les airs.
Dr Lucy King travaille pour une ONG internationale appelée Save the Elephants. Elle explique: « Ce n’est simplement pas pratique pour les agriculteurs de surveiller leurs champs toute la nuit car ils doivent travailler dans la journée… Les pétards et les boules de feu sont dangereux et peuvent causer des incendies. Il est interdit et terriblement dangereux de tirer sur les éléphants ou de les attaquer avec des lances car un éléphant blessé peut devenir très agressif. »
C’est après avoir lu que les éléphants avaient tendance à éviter les arbres Acacia où se trouvaient des ruches d’abeilles que le Dr King a eu l’idée de concevoir le système de clôture faite de ruches. Le système utilise des fils de détente pour relier les ruches entre elles, formant ainsi une clôture de protection autour d’un terrain à risque d’attaques d’éléphants. Quand les animaux font bouger le fil, cela dérange les abeilles qui émergent alors de leurs ruches, effrayant les éléphants et les faisant s’enfuir.
M. Kahwa est aussi impliqué dans le projet de clôtures faites de ruches. Après qu’il a quitté l’UWA, il est devenu agent de liaison communautaire pour le Volcanoes Safaris Partnership Trust (VSPT). Cette organisation a aidé à lancer l’initiative de clôtures faites de ruches à Kibodi et dans ses environs. M. Kahwa explique: « Nous avons installé cinq ruches-modèles en janvier pour former une petite clôture à un des endroits que les éléphants franchissent pour passer du parc au village, et nous en monterons cinq autres très bientôt. » Il ajoute que VSPT est en train de former des agriculteurs locaux pour qu’ils puissent installer et gérer leurs propres ruches d’abeilles.
VSPT travaille conjointement avec le Groupe d’Apiculture Omushaka, établi par George Bijampola, un apiculteur local. M. Bijampola possède près de 100 ruches d’abeille et forme des apprenti-apiculteurs. Il dit : « Les clôtures de ruches ont un certain nombre d’avantages, en plus de tenir les éléphants à l’écart. Les abeilles aident à polliniser les cultures et font augmenter les rendements. De plus, les agriculteurs pourront gagner des revenus additionnels en produisant et en vendant du miel. »
Les apiculteurs ont une entente avec une entreprise locale à vocation sociale appelée Malaika Honey. Cette organisation achètera le miel des agriculteurs locaux une fois qu’ils seront en période de production. Simon Turner est le directeur de Malaika Honey. Il dit : « Avant, les apiculteurs de Kibodi étaient sous-payés par les commerçants intermédiaires. Nous achèterons le miel directement des agriculteurs donc nous pourrons les payer au meilleur prix, et nous valoriserons le commerce en développant des marchés pour des produits de ruches secondaires, comme la propolis. »
Nous n’en sommes qu’au début mais même la première clôture semble avoir aidé les agriculteurs locaux. Mme Mwapiri dit : « Les éléphants ne sont pas venus dans nos champs ces deux derniers mois. » Mais la clôture en place est trop petite pour couvrir tous les points de passage entre le parc et les terres agricoles. Les agriculteurs locaux ont besoin d’assistance pour installer plus de ruches d’abeilles et construire des clôtures plus grandes.
Le Dr King travaille depuis deux ans avec les clôtures de ruches d’abeilles, de l’autre côté de la frontière, au Kenya, et les nouvelles sont bonnes. Elle explique : « En l’espace de deux ans, j’ai compté 90 attaques dans trois différentes communautés du Kenya, et seulement six éléphants ont été capables de passer la clôture de ruches d’abeilles durant cette même période. »
Mr. Kahwa a bon espoir que le projet décollera et améliorera la vie des agriculteurs locaux. Il croît que la clé du succès est d’aider les agriculteurs locaux à devenir autonomes en matière de gestion des ruches, afin qu’ils protègent leurs terres et améliorent leurs revenus. Il ajoute: « Si quelques personnes montrent qu’elles peuvent protéger leurs cultures avec des ruches d’abeilles et gagner un peu plus d’argent en vendant du miel, de plus en plus de gens commenceront à suivre leur exemple et deviendront auto-suffisants. »