Mozambique : La prospection aurifère empoisonne les poissons, ruine les piscicultrices et les pisciculteurs

| septembre 14, 2015

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Samu Boce gagnait un revenu et subvenait aux besoins alimentaires de sa famille en élevant du poisson.

Dans la province démunie de Manica, au Mozambique, les fermes piscicoles aménagées sur les petits ruisseaux procurent de la nourriture et un revenu à plusieurs agricultrices et agriculteurs comme M. Boce. Manica se trouve à 650 kilomètres, au nord de la capitale, Maputo, non loin de la frontière avec le Zimbabwe.

M. Boce a piégé pendant dix ans du Karapao bream avec des cages métalliques disposées sur les cours d’eau douce. Il élevait les poissons dans de petits bassins parsemant les champs rizicoles desquels plusieurs agricultrices et agriculteurs tiraient leurs revenus. Chaque matin, l’homme de 37 ans nourrissait ses poissons avec des grains, de la papaye, du fumier de poule et de l’igname.

M. Boce raconte : « La pisciculture me permettait de nourrir mes quatre enfants, leur acheter des médicaments et les vêtir. Un panier de poissons secs me rapportait 50 $US, car leur chair est savoureuse. Le poisson peut être consommé séché ou frit avec des feuilles de manioc. Les [client(e)s] l’aiment beaucoup. »

Photo crédit: Pedzai Runde

Photo crédit: Pedzai Runde

Cependant, la ruée vers l’or survenue récemment a commencé à polluer l’eau des ruisseaux et empoisonner les poissons. Par conséquent, les agricultrices, les agriculteurs et leurs enfants commencent à souffrir de la faim. L’exploitation aurifère a transformé M. Boce en un pisciculteur sans poissons.

La ruée vers l’or attire plus de 15 000 chasseuses et chasseurs de fortune du Mozambique, des jeunes au chômage du pays voisin le Zimbabwe et même des marchand(e)s venant d’aussi loin que le Liban.

Les ravages causés par la prospection aurifère ont été désastreux pour plus de 400 piscicultrices et pisciculteurs qui gagnaient leur vie grâce aux petits ruisseaux de la localité.

Angelina Gayo est une de ces piscicultrices. La veuve élève du matemba bream dans six petits bassins alimentés par l’eau provenant d’une rivière avoisinante.

Les mains de Mme Gayo tremblent sous l’effet de la colère lorsqu’elle déclare : « Les orpailleuses et les orpailleurs ont déraciné les arbres sur les berges de la rivière, asséché les ruisseaux, [vidé] les marais et inondé [nos] étangs d’élevage avec de la boue rouge. »

Elle scrute l’horizon, puis regarde fixement un groupe d’orpailleuses et d’orpailleurs qui coupent les arbustes situés dans les environs pour allumer du feu afin de traiter leur minerai d’or.

Mme Gayo est exaspérée. Elle s’écrie : « Personne ne les arrête! Les eaux de nos barrages à poissons sont devenues brunes. Elles sont envahies par de la vase de boue très épaisse et des pierres. Tous les poissons ont disparu. Nous sommes perdus! »

Les piscicultrices et les pisciculteurs furieux se disputent souvent avec les orpailleuses et les orpailleurs.

Elisha Fuzani est un autre pisciculteur qui juge la situation intolérable. Il gagnait 280 $US par mois en fournissant du poisson à sept restaurants de la ville voisine de Susunhenga. Ses affaires marchaient bien.

M. Fuzani déclare : « C’est la pagaille totale maintenant. J’ai perdu ma source de revenus. Juste une semaine d’exploitation aurifère dans le ruisseau a détruit mes bassins. La boue, c’est elle qui a tout détruit! »

Nisbert Dondo est un économiste de terrain chargé de questions de pauvreté rurale à Oxfam, à Manica. Il déclare « Les chercheuses et les chercheurs d’or déverse du mercure dans les rivières d’eau douce, en vue de capter le minerai d’or qu’ils raffineront. Le mercure nettoie le minerai d’or … mais décime en même temps des centaines de poissons dans la rivière. Juste [une petite] quantité de mercure déversée dans un ruisseau est mortelle pour les poissons, les grenouilles et tout ce qui s’y meut. »

M. Dondo s’attend au pire. Il déclare : « On retrouve des … mercure restent dans les rivières après plusieurs années. Le cheptel piscicole continuera à disparaître. »

Percy Vimba est hygiéniste alimentaire public au ministère de la Santé du Mozambique. Il déclare : « Comme les poissons disparaissent, les enfants souffrent de plus en plus de malnutrition. Dans la ville de Musapa, 800 écolières et écoliers ont besoin d’aliments venant de l’extérieur et d’un contrôle de leur régime alimentaire tous les mois. La situation est préoccupante. »

Des piscicultrices et des pisciculteurs mécontents comme M. Boce sentent qu’ils n’ont aucun choix. Il déclare : « Tous les piscicultrices et les pisciculteurs que je connais ici ont des réservoirs vides. J’ai abandonné mes barrages à poissons. Je me prépare à prendre une pelle pour aller rejoindre les orpailleuses et les orpailleurs aussi. C’est criminel, honteux … [mais] que puis-je faire d’autre? »