Ouganda : Manque d’informations sur le COVID-19 dans les langues locales : Les laissés pour compte (Global Press Journal)

| février 15, 2021

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Nouvelle en bref

Dans le district de Mukono, en Ouganda, Joyce Abalo entend des messages enregistrés sur la prévention du COVID-19 diffusés depuis un haut-parleur situé à côté. Ces messages communiquent des informations importantes concernant la prévention du COVID-19 en langue luganda. Mais madame Abalo ne parle pas luganda, et ne comprend donc pas les messages. Elle demande à sa fille de les lui traduire, mais admet ne pas savoir ce que cette maladie est vraiment. Elle n’est pas seule, en plus. Plusieurs Ougandais(es) ne parlent ni le luganda ni l’anglais. Les critiques soutiennent qu’il n’y a aucune action coordonnée pour traduire les messages sur le COVID-19 dans les langues locales. Ce n’est pas l’avis d’un(e) représentant(e) de l’État qui assure que les messages sur le COVID-19 sont traduits dans les langues dominantes, ainsi que les principales langues parlées par beaucoup de réfugié(e)s de la RDC, du Burundi et du Rwanda.

Joyce Abalo, 54 ans, trie soigneusement des arachides sous son parasol de marché, dans le district de Mukono, en Ouganda. Cent mètres plus loin, on entend des messages enregistrés sur le COVID-19 diffusés par des haut-parleurs au domicile du président d’un conseil local. Ces messages disent : « Lavez-vous les mains. Pratiquez la distanciation physique. »

Ce message est répété sans cesse en luganda, une des langues les plus parlées en Ouganda. Madame Abalo entend, mais ne comprend pas. Elle ne parle pas luganda.

Cette incapacité à comprendre les annonces publiques n’est pas le seul problème. En Ouganda, plusieurs communications relatives à la pandémie du coronavirus sont en anglais et en luganda, y compris les affiches et les discours du président.

Pour comprendre les messages, madame Abalo recourt à sa fille pour la traduction. Elle déclare : « Jusqu’ici, j’ai l’impression de ne pas savoir ce que cette maladie est vraiment. »

Beaucoup ont le même problème que madame Abalo en Ouganda, où la Constitution reconnaît plus de 50 langues. On ignore combien de personnes parlent chacune des langues, mais il est évident que certains sont mal informés ou sont désorientés par rapport aux messages sur le COVID-19 diffusés dans la majorité des langues.

Jane Frances Alowo est coordonnatrice d’une matière en langue luo à l’École de langues, de littérature et de communication de l’Université de Makerere. Elle déclare : « Des actions concertées ne sont pas menées pour traduire les messages sur le COVID-19 dans les langues locales. »

Emmanuel Ainebyoona est responsable des relations publiques au ministère de la Santé de l’Ouganda. Il soutient le gouvernement en déclarant : « Les messages sur le COVID-19 sont traduits dans les langues dominantes, ainsi que pour les réfugiés, en français, lingala, kinyarwanda. » L’Ouganda accueille beaucoup de réfugiés de la République démocratique du Congo, du Burundi et du Rwanda.

Monsieur Ainebyoona explique : « Ces messages parviennent à tout le monde, partout dans le pays… Les gens ne suivent pas [les directives concernant le coronavirus.] C’est un problème de mentalité, et il faut du temps pour que ça change. Le ministère continuera à faire appliquer les messages. »

Cependant, des études de l’Université de Makerere ont révélé que plusieurs membres des communautés ougandaises où l’anglais ou le luganda ne sont pas beaucoup parlés sont très peu informés sur le coronavirus.

Medadi E. Ssentanda a collaboré à ses études et il enseigne au département des langues africaines de l’université. Il affirme que son équipe a entendu un avertissement de l’Organisation mondiale de la Santé qui souligne que, dans une situation particulière stressante, même les personnes qui parlent couramment la langue dominante d’une communauté ont besoin d’informations claires et fiables sur la santé dans leur langue.

Monsieur Ssentanda ajoute : « Les gens ne respectent pas les [directives concernant le coronavirus] parce qu’ils ignorent quoi faire, et cela les rend vulnérables aux infections. »

L’équipe de recherche a compilé et traduit les messages sur le COVID-19 en six des langues majoritairement utilisées en Ouganda, à savoir : en luganda, runyankore-rukiga, ateso, luo, lugbarati, kiswahili, ainsi qu’en braille.

Toutefois, leurs recherches n’ont pas résolu un problème majeur. En effet, des expressions telles qu’« eau potable », « désinfecter » et « distanciation physique » n’étaient pas faciles à traduire.

Sarah Nakijoba fait également partie de l’équipe de recherche et enseigne au département de linguistique, des études anglaises et des techniques de communication à Makere. Elle explique : « Lorsqu’on faisait la traduction, on devait trouver les termes clés pour capter l’attention des auditeurs. »

Par exemple: « désinfecter » est un concept inconnu de beaucoup de populations rurales. Pour « eau potable » l’équipe a utilisé le symbole d’une personne qui se lave les mains à partir d’un jerrycan, une habitude, notamment chez les Ougandais(es) ruraux.

Margaret Nakawesa dirige un conseil local dans le village de Kiwanga depuis 2001. Des haut-parleurs débitent des messages sur le coronavirus depuis sa maison. Selon elle, les gens avancent le prétexte de ne pas comprendre une langue pour ignorer les précautions relatives au coronavirus.

Elle a placé un jerrycan d’eau devant sa maison et demande aux personnes qui lui rendent visite de se laver les mains en premier. Certaines personnes, dit-elle, ne le font pas.

Elle ajoute : « Les gens ont une attitude négative en ce qui concerne le respect de la procédure normale de fonctionnement… Peu importe le nombre de messages, ils ne feront pas ce qu’on leur demande. »

Abalo est de la tribu acholi et elle a déménagé au centre de l’Ouganda il y a près de 25 ans. Elle est optimiste, et elle parle et rit à haute voix. Elle parle sa langue maternelle, ainsi qu’un peu l’anglais et le kiswahili.

Elle raconte n’avoir jamais appris le luganda, car il est très différent de l’acholi. Les mots du luganda sont plus longs, dit-elle comparativement aux termes en acholi qui sont plus courts et plus simples.

Elle affirme qu’elle désire respecter les ordres concernant le coronavirus. C’est juste qu’elle ne sait pas ce dont il s’agit exactement.

Abalo déclare : « Les messages sur le Corona doivent être traduits, afin que je puisse comprendre et savoir comment me protéger contre cette maladie. »

Elle affirme que les symptômes du COVID-19 ressemblent à ceux du paludisme : mal de tête, fatigue, fièvre. Si elle tombe malade, demande-t-elle, « Comment saurai-je si c’est le Corona? »

La présente nouvelle est inspirée de l’article « Coronavirus Warnings Lost in a Failure to Translate, » écrit par Beatrice Lamwaka et publié par le Global Press Journal en janvier 2021. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur: https://globalpressjournal.com/africa/uganda/coronavirus-warnings-lost-failure-translate/.