Malawi : Une maladie oblige des producteurs à déterrer leurs bananiers

| décembre 17, 2018

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Pour Agnes Dzenje, la banane est plus qu’un fruit. Depuis toute petite, la banane était leur moyen de subsistance. Cependant, les choses ont complètement changé. Âgée de 75 ans, cette mère de trois enfants et grand-mère de quatre petits-enfants affirme que, depuis 2014, elle n’arrive plus à tirer profit de la culture bananière en raison de la maladie du Bunchy top du bananier, une maladie virale qui détruit tous ces bananiers.

Madame Dzenje vit à Kankhomba, un village du district de Thyolo, au sud du Malawi. Elle soutient qu’avec la perte de tous ses bananiers, elle n’a pas les moyens de scolariser ses petits-enfants.

Elle explique : « Sans le fonds de soutien défrayé, les enfants ne sont pas admis à l’école. Cela ne serait pas arrivé si j’avais pu écouler mes bananes, car on en vendait toute l’année. »

Les bananes lui permettaient aussi de subvenir à d’autres besoins de sa famille qui consommait les fruits restants de la vente, ce qui les aidait à avoir une alimentation équilibrée. Madame Dzenje pointe du doigt un animal dans une étable. Elle l’a acheté grâce aux recettes de ses ventes de bananes. Elle utilise le fumier animal pour des cultures comme le maïs qu’elle cultive dans un potager situé derrière sa maison.

La maladie du Bunchy top du bananier est en train de décimer les bananiers, obligeant ainsi la majeure partie des producteurs et des productrices locaux à abandonner cette culture. Avant l’apparition de cette maladie dans cette région, on pouvait apercevoir plusieurs véhicules transportant des bananes sur les routes menant dans les grandes villes du pays, mais à présent les véhicules sont peu nombreux.

Madame Dzenje ajoute que le prix de la banane a grimpé. Elle déclare : « Récemment, j’ai été surprise quand mon frère est tombé malade et que l’hôpital nous a demandé d’ajouter la banane à son alimentation…. J’ai dû acheter un petit tas de cinq bananes à 100 kwacha (0,15 $ US). »

Misheck Soko est le pathologiste en chef de la station de recherche de Bvumbwe. Monsieur Soko conseille à madame Dzenje et aux autres cultivateurs et cultivatrices de bananes de déterrer leurs bananiers si leurs bananes sont infectées. Selon lui, la maladie est transmise par les pucerons et peut donc contaminer les bananiers voisins. Ainsi, un traitement efficace nécessite des cultivateurs et des cultivatrices qu’ils déterrent tous les bananiers de leurs plantations.

Il affirme que le gouvernement, grâce à un financement de la Banque mondiale, a démarré des projets pour lutter contre la maladie du Bunchy top du bananier, en important des drageons sains de France et d’Afrique du Sud pour les donner à planter aux producteurs et aux productrices. Ces derniers reçoivent gratuitement les drageons sains, mais à condition qu’ils déterrent leurs vieux bananiers.

Selon monsieur Soko, certains cultivateurs et cultivatrices étaient hostiles à déterrer leurs bananiers. Il ajoute : « Il a été très difficile de les persuader de collaborer en déterrant tous les bananiers. Mais nous ne pouvons pas leur donner de drageons sains si la zone demeure infectée. Certains de ces cultivateurs possèdent de vastes terres. »

Modester Joseph est un producteur du district de Thyolo qui cultive la banane depuis 1968. L’agriculteur de 74 ans affirme que la recommandation faite de déterrer tous les bananiers et de planter de nouveaux drageons a eu un impact négatif sur son revenu familial.

Madame Joseph explique : « Le chef vient juste de passer ici avec des hommes et ils ont commencé à taillader mes bananiers. Dans ma plantation, seuls quelques-uns étaient infectés, mais ils les ont tous déterrés. »

Madame Dzenje, madame Joseph et d’autres producteurs et productrices ayant déterré leurs bananiers attendent toujours des drageons sains pour pouvoir reprendre la culture de la banane. Cependant, monsieur Soko soutient que si tous les gens de la région ne se débarrassent pas des vieux bananiers, l’institut de recherche n’est pas disposé à fournir des drageons sains parce que les nouveaux seront contaminés à leur tour.

Le fait de déterrer leurs bananiers a obligé certains cultivateurs et cultivatrices à se consacrer à d’autres cultures telles que le maïs, le chou et les tomates. Toutefois, la majorité a de la difficulté avec le coût des intrants comme les engrais et les pesticides. Avec les bananes, tout ce qu’ils avaient à faire, c’était d’épandre du fumier.

Madame Dzenje conserve la terre sur laquelle elle cultivait les bananes, dans l’espoir d’obtenir de nouveaux drageons bientôt. Elle explique : « Je ne peux pas planter d’autres cultures, car les bananes étaient très rentables…. J’utilisais l’argent des bananes pour payer les frais de scolarité de mes enfants et subvenir aux besoins de la famille. »