Kenya : Pour l’amour ou la terre – Le débat sur les droits des femmes kényanes aux biens matrimoniaux (IPS)

| juillet 30, 2021

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Nouvelle en bref

Ida Njeri était une fonctionnaire qui avait accès à une coopérative d’épargne et de crédit, ou SACCO, par l’entremise de son employeur. Elle avait commencé à contracter des prêts à faible intérêt auprès de la coopérative, afin que son mari et elle puissent acheter un terrain à Ruiru, au centre du Kenya. Cela faisait partie d’un projet à long terme du couple : fonder une famille, acheter un terrain et par la suite construire leur maison de rêve ensemble. Madame Njeri n’avait pas réalisé, lorsque le couple se sépara 12 ans plus tard après avoir eu trois enfants, que la loi ne l’autoriserait pas à posséder sa propre propriété matrimoniale.

Ida Njeri était autrefois une fonctionnaire qui avait accès à une coopérative d’épargne et de crédit, ou SACCO, par l’entremise de son employeur. Elle avait commencé à contracter des prêts à faible taux d’intérêt auprès de la coopérative, afin que son mari et elle puissent acheter un terrain à Ruiru, au centre du Kenya.

Cela faisait entièrement partie des projets à long terme du couple : fonder une famille, acheter une terre et par la suite construire leur maison de rêve ensemble. Madame Njeri n’avait pas réalisé que 12 ans après, avec trois enfants, la loi ne l’autoriserait pas à entrer en possession des biens matrimoniaux.

Elle explique : « En tant que consultant privé, il était difficile pour mon mari de rejoindre une SACCO. Les gens rejoignent généralement les SACCO par l’intermédiaire de leur employeur. Cela facilite l’épargne et les prêts, car vous avez besoin de trois personnes au sein de votre SACCO pour garantir le prêt. »

En revanche, ils avaient placé leurs épargnes dans le compte de son mari, et il contrôlait les achats de la famille.

Elle déclare : « Mon mari avait un compte d’épargne bancaire pour que nous puissions combiner mes prêts avec son épargne. En 2016, j’avais 45 000 dollars de prêts. Mon mari me disait le montant d’argent nécessaire pour acheter un terrain et je contractais un prêt. »

En 2016, le couple avait acheté 14 différentes parcelles. Mais, l’an dernier, lorsque leur mariage s’écroula, madame Njeri découvrit que tous leurs terrains étaient au nom de son mari.

Elle déclare : « Pendant tout ce temps, j’avais simplement supposé que les terrains étaient à nos deux noms. Je n’y ai jamais vraiment pensé parce que nous construisions ensemble notre famille. Pire encore, tous les reçus de paiement des terres et les accords de vente sont également en son seul nom. »

Toujours pour ne rien arranger, elle ne pouvait rien y faire vraiment dans le cadre de la législation kényane actuelle.

Bien que l’union de madame Njeri fut légalement enregistrée (lui accordant effectivement un fondement juridique pour la propriété foncière en vertu de la Loi kényane sur le mariage de 2014), il existe une autre loi : la Loi sur les biens matrimoniaux de 2013, qui lui fait barrage.

L’Article 7 de cette loi stipule que la propriété d’un bien matrimonial dépend des contributions de chaque époux à l’achat de la terre. Comme madame Njeri n’avait aucune preuve de l’achat conjoint du terrain avec son mari, il lui est impossible de réclamer sa part après leur divorce.

Madame Njeri n’est pas un cas isolé de femmes divorcées qui luttent pour leurs droits fonciers.

La Kenya Land Alliance, ou KLA, est un réseau de défense des droits qui œuvre pour l’application des dispositions constitutionnelles des droits fonciers des femmes, en vue d’éradiquer la pauvreté et la faim et promouvoir l’égalité de genre. En 2018, la KLA a publié un audit sur la propriété foncière après avoir désagrégé et analysé environ un tiers des 3,2 millions de titres fonciers délivrés par le gouvernement entre 2013 et 2017.

L’audit de la KLA a révélé que seulement 103 043, soit 10,3 % des titres fonciers, avaient été délivrés aux femmes comparativement à 865 095, soit 86,5 % aux hommes.

Odenda Lumumba est une militante des droits fonciers et la fondatrice de la KLA. Elle explique que les données sur la propriété foncière témoignent de la réalité des disparités de genre, notamment en raison des liens complexes entre les systèmes fonciers, les moyens de subsistance et la pauvreté.

Elle déclare : « Il y a très peu de progrès vers la possession de terres par les femmes. Il y a tellement d’obstacles à surmonter pour elles. »

Au Kenya, moins de cinq pour cent de tous les titres fonciers sont conjointement détenus par des femmes et seulement un pour cent des titres fonciers est détenu par des femmes seules. Les femmes sont également défavorisées dans la manière dont elles peuvent utiliser, posséder, gérer et disposer d’une terre, selon le FIDA-Kenya.

Outre la Loi sur les biens matrimoniaux, des lois telles que la Loi sur la succession visent à amortir le choc pour les époux survivants, mais elles sont biaisées en faveur des hommes, car les veuves perdent « leurs parts de toute une vie » des biens si elles se remarient. Et en l’absence de conjoint ou d’enfant survivants, le père du défunt a priorité sur la mère.

Bien que les services de célébration de mariage du bureau du procureur général soient suspendus à cause de la pandémie de COVID-19, comme c’est le cas pour tous les bureaux du cadastre, les femmes comme madame Njeri continuent de se battre pour leur dû. La présente nouvelle est inspirée d’un article intitulé « Pour l’amour ou la terre – Le débat sur les droits des femmes kényanes aux biens matrimoniaux. » écrit par Miriam Gathigah et publié par l’Inter Press Service le 1er juin 2020. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : http://ipsnews.net/francais/2020/06/01/pour-lamour-ou-la-terre-le-debat-sur-les-droits-des-femmes-kenyanes-aux-biens-matrimoniaux/.

Photo : Asha Ally dans son champ dans le village de Nyandira, près de Morogoro, en Tanzanie, le 28 mai 2014. Crédit : © Frederic Courbet, Fondation Bill & Melinda Gates