Kenya : Des producteurs de pommes de terre en difficulté signent un nouveau contrat (Trust)

| janvier 29, 2018

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Assis sur un banc bancal dans sa maison de Kipipiri, à environ 125 kilomètres de Nairobi, au centre du Kenya, Samuel Macharia retire un bout de papier de sa poche et montre fièrement la signature apposée au bas du document.

Il déclare : « Ce document signifie que je serai payé à temps pour mes pommes de terre, et ce, même si le temps est mauvais. »

Ce précieux document est un contrat agricole que monsieur Macharia a signé en mars 2017 avec l’East African Potato Consortium. Il affirme qu’il vendra au moins deux tonnes de pommes de terre aux entreprises transformatrices d’aliments chaque saison de récolte pendant les deux prochaines années.

Il ajoute : « Grâce à ce contrat, je peux gagner jusqu’à 22 000 shillings (212 $ US) par saison. »

Les sécheresses récurrentes et les vagues de froid soudaines nuisent à la qualité des pommes de terre et d’autres denrées à travers le Kenya.

Peris Mukami, une agricultrice du village de Timau dans le comté de Meru, soutient que ses récoltes de pommes de terre ont diminué de plus de 10 % au cours des deux dernières années parce que « … soit il faisait trop froid, soit il faisait trop chaud. »

Elle explique : « Le froid endommage les boutures de pommes de terre à cause des gelures, tandis que la chaleur les fait faner. »

Pour se défendre, les producteurs de pommes de terre kényans tels que monsieur Macharia recourent de plus en plus aux contrats de production avec les entreprises transformatrices d’aliments, un système connu sous le nom d’agriculture sous contrat, par l’entremise de l’East African Potato Consortium.

En travaillant avec ce consortium, ils ont accès aux engrais et aux semences qui résistent mieux aux conditions extrêmes.

Wachira Kaguongo est le chef du National Potato Council. À ses dires, les producteurs obtiennent également un prix garanti pour leurs denrées, tant qu’ils produisent des pommes de terre de bonne qualité à temps.

Le consortium a été créé en 2016 par le National Potato Council, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique et le partenariat Grow Africa. Monsieur Kaguongo affirme que ce consortium vise à impulser les investissements privés dans l’agriculture en mettant les producteurs de pommes de terre en contact avec les entreprises transformatrices d’aliments du pays.

Willy Bett est le secrétaire de Cabinet du ministère kényan de l’Agriculture, de l’Élevage et des Pêches. Selon lui, le National Potato Council examine et approuve chaque contrat de production pour s’assurer qu’il est équitable pour les deux parties.

Monsieur Bett ajoute : « Les hommes d’affaires cherchent toujours à faire signer aux agriculteurs quelque chose qui n’est pas en leur faveur. Au Kenya, nous essayons d’éviter cela en nous assurant que l’activité agricole est menée sur la base d’un contrat. »

L’agriculture sous contrat permet aux agriculteurs de vendre des produits aux géants de l’alimentation tels que la chaîne de restauration rapide KFC anciennement connue sous le nom de Kentucky Fried Chicken.

Les pommes de terre de monsieur Macharia se vendent désormais à 22 shillings (0,21 $ US) le kilogramme, ce qui représente plus que le double de ce qu’il avait l’habitude d’avoir lorsqu’il les vendait sur le marché en plein air de Kipipiri.

Il déclare : « Je suis payé en espèces sur ma ferme. Et je ne suis pas obligé de me rendre au marché lorsque je n’en ai pas envie. »

Monsieur Kaguongo affirme que jusque-là 5 000 producteurs ont adhéré au système, et on s’attend à ce qu’un total de 23 000 fasse le grand saut d’ici 2020.

Felix Matheri est chercheur au Centre international sur la physiologie et l’écologie des insectes. Selon lui, bien que l’agriculture sous contrat procure aux agriculteurs un revenu stable, elle risque de priver les familles pauvres de leur source de nourriture.

Il explique : « Les contrats obligent les agriculteurs à fournir une quantité convenue de pommes de terre, ce qui signifie que lorsque les récoltes sont mauvaises, ils sont tenus de vendre tous leurs produits pour respecter leurs obligations…. Mais la pomme de terre est riche en féculents et est une source importante de nutriments, par conséquent, les producteurs devraient en avoir pour leur consommation familiale. »

L’agriculture sous contrat préoccupe d’autres personnes également. Louise Wangari vend de la pomme de terre au bord de la route dans le comté de Nyandarua. Elle craint que les nouveaux contrats ne lui créent des problèmes d’approvisionnement en pommes de terre.

Elle ajoute : « Déjà que la quantité de pommes de terre que j’obtenais auprès des producteurs était déjà en baisse à cause des conditions météorologiques exceptionnelles, s’ils commencent à signer des contrats avec les autres acheteurs, je devrais alors fermer boutique bientôt, car je n’ai pas les moyens de les payer autant que les entreprises transformatrices d’aliments. »

La présente nouvelle est adaptée d’un article intitulé « In Kenya, struggling potato growers ink a new deal, » publié par la Thomson Reuters Foundation. Pour lire l’article original, cliquez sur : http://news.trust.org/item/20180108015608-28d5t/