Inoussa Maïga | novembre 23, 2015
Alors que le soleil se lève dans le ciel matinal dominical, la plage d’Anomabo bourdonne d’activités. La plupart des pêcheurs du petit village de la région centrale du Ghana tirent leurs lourdes pirogues dans un océan sombre dès l’aube. D’autres retournent déjà sur terre après une longue nuit de pêche. Ces groupes de pêcheurs s’entraident pour tirer les longues pirogues en bois hors de l’eau.
Vêtue d’une robe multicolore, Aba Mensa sillonne la plage. Elle marche et s’arrête de temps à autre pour échanger quelques mots avec des pêcheurs. Ici, presque tous l’appellent affectueusement « Maman Aba ».
Agée de 58 ans, Mme Mensa est tout sauf une femme ordinaire. Elle est l’une des très rares femmes propriétaires de pirogues. Mme Mensa en possède quatre. Chaque pirogue compte 37 membres d’équipage. Mme Aba raconte: « J’étais avec mon mari à Abidjan [en Côte d’Ivoire] pendant quelques années. Il y a eu des problèmes entre nous et nous nous sommes séparés. Je suis revenue au Ghana. Je réfléchissais à ce que j’allais faire pour commencer une nouvelle vie sans mari. C’était difficile ».
Elle dit que le travail de la pêche lui était déjà familier à cause de l’expérience de son ex-mari. Avec ses économies et aidée par ses petits frères, elle a acheté 12 pirogues en bois. Elle en a vendu huit et a utilisé l’argent de la vente des pirogues pour équiper les quatre pirogues restantes avec des filets et des moteurs hors-bords.
La pêche est une activité risquée et ses pêcheurs éprouvent parfois des accrochages. Kwame Bechi est le capitaine de la pirogue n°2 de Mme Mensa. Mais ce dimanche matin, lui et son équipage sont rentrés bredouille de l’expédition en mer. M. Bechi dit : « Notre filet a été détruit par un grand bateau. Nous sommes revenus pour essayer de le recoudre pour pouvoir repartir à la pêche ».
Ce genre d’accident serait de plus en plus fréquent car l’administration ghanéenne a de la misère à surveiller et contrôler les activités de pêche. Mme Mensa souhaite surtout l’intervention du gouvernement ghanéen pour protéger davantage les pêcheurs artisanaux et leurs matériels. Mais pour l’instant, les pêcheurs sont livrés à leur propre sort.
Mme Mensa explique : « Maintenant, je m’arrange avec les pêcheurs pour que dans chaque pirogue, il y ait au moins une personne qui sache lire et écrire. En cas d’accident, cette personne peut relever le numéro du bateau. Avec ces informations, on peut au moins tenter de retrouver le bateau et de négocier un dédommagement ».
M. Bechi aime son travail et fait tout en son pouvoir pour aider Mme Mensa à faire des profits. Il témoigne : « C’est grâce à cette dame que nous avons du travail et que nous arrivons à nourrir nos familles. Donc à chaque fois qu’on part à la pêche, on fait tout notre possible pour avoir le plus de poisson pour lui faire plaisir. Elle compte beaucoup pour nous ».
Pendant les périodes de pêche, Mme Mensa emploie huit femmes pour fumer les poissons pêchés par ses bateaux. Après le fumage, le poisson peut être conservé jusqu’à six mois pour être vendu au moment où les prix sont intéressants.
Mme Mensa explique : « Je pars vendre mes poissons à Accra, à Kumasi et à Mankessim. Au retour, j’achète le maïs, l’huile de graine de palme, le gari [couscous de manioc] que je viens vendre ici ».
Mme Mensa s’en sort bien. Avec l’argent que lui rapport ses quatre pirogues, elle a pu construire dix fours, 70 grillages et un hangar pour fumer le poisson.