Gabon : Transformer le manioc en chikwangue afin d’économiser pour bâtir une maison

| mars 27, 2017

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Vous trouverez Alice Ebiemi à l’arrière-cour de sa maison. Tout autour d’elle sont éparpillés de grandes cuvettes, des passoires, des marmites, ainsi qu’un mortier qui sert à réduire le manioc en pâte.

Il y a très peu de place à l’arrière-cour, mais cela suffit pour ranger tous les utensiles dont elle a besoin pour transformer le manioc en chikwangue, un produit qui lui a rapporté un bon revenu pendant les 30 dernières années.

Le chikwangue est une spécialité culinaire de la province du Haut-Ogooué, au sud du Gabon. C’est une sorte de pain préparé simplement à base de manioc, qui est devenu assez populaire.

Mme Ebiemi, quinquagénaire, réside à Libreville, la capitale gabonaise. Elle vend le chikwangue en ville, et subvient aux besoins de sa famille et aux siens grâce au revenu que lui rapporte le chikwangue. Grâce à la vente de ce pain, elle s’est bâti une maison de quatre pièces, où elle vit avec sa grande famille.

Mme Ebiemi a commencé à produire le chikwangue, car c’était un travail qu’elle pouvait faire facilement tout en s’occupant des enfants. Elle savait le préparer puisque sa mère exerçait le même métier.

Les ingrédients ne coûtent pas cher. Elle explique : « Je n’avais que 20 000 francs CFA [33 $US] et j’ai commencé avec ce capital. »

Chaque semaine, elle achète des tubercules de manioc chez les grossistes du marché. Elle les fait écraser chez le même fournisseur. Ensuite, elle met la pâte obtenue dans de l’eau et la laisse tremper toute la nuit. Le lendemain, elle filtre la pâte pour retirer les fibres qui pourraient compromettre la qualité du produit. Puis, elle malaxe la pâte avant de l’emballer dans des sachets en plastique.

Une fois emballés, les sachets de chikwangue sont disposés dans une sorte de cuiseur à vapeur traditionnel où ils restent pendant environ 45 minutes afin d’obtenir une cuisson partielle. La dernière étape consiste à malaxer à nouveau la pâte et à le réemballer pour une cuisson finale. Puis le chikwangue est prêt pour la vente.

Mme Ebiemi prépare le chikwangue une ou deux fois par semaine. Elle peut faire 120 bâtons en une fournée, et elle vend le bâton à 300 francs CFA (0,50 $US). Elle prépare en moyenne 960 bâtons par mois, ce qui lui rapporte un revenu de 288 000 francs CFA (450 $US).

Mme Ebiemi élève seule cinq enfants et plusieurs petits-enfants. Par conséquent, une grande partie de son revenu sert à résoudre les problèmes familiaux ou acheter des médicaments, ce qui fait qu’elle ne peut pas économiser beaucoup, malgré ses tentatives.

Elle déclare : « Chaque jour, je fais de petites tontines avec d’autres vendeuses de manioc et d’autres femmes qui exercent aussi une activité économique comme moi. »

Chaque membre cotise 5 000 francs CFA (10 $US) ou plus par jour, en fonction de ce qu’elle a vendu. Ce système permet à Mme Ebiemi d’économiser une partie de son revenu, même si elle en a besoin pour acheter de la nourriture et payer les frais de scolarité de sa fille qui étudie en maîtrise.

Ces économies pourraient permettre également à Mme Ebiemi de reprendre son activité, en cas de coup dur.

Le manioc permet à de nombreuses femmes de Libreville d’avoir un revenu. Marie et Françoise comptent sur la fabrication du chikwangue. Cela fait plusieurs années que le mari de Marie est à la retraite et la vente du chikwangue aide sa famille à joindre les deux bouts à la fin du mois. Elle déclare : « Ce commerce m’aide énormément. La pension est versée tous les trois mois, mais ce n’est pas régulier. Alors, mon manioc aide aussi, car nous en consommons. »

Françoise élève seule ses enfants et ses petits-enfants, et ce, grâce au chikwangue. Elle rêve de construire une maison tout comme Mme Ebiemi. Elle déclare : « Je loue une maison de deux pièces. C’est la raison pour laquelle j’admire Alice [Ebiemi]. Elle savait qu’elle devait économiser pour construire une maison. Je n’ai pas été en mesure de le faire, et c’est difficile maintenant. »

Mais tant qu’elle pourra faire du chikwangue, elle ne perdra pas espoir.

 

Photo credit: T.K. Naliaka