Nelly Bassily | juillet 29, 2013
(Publié à l’origine le 21 janvier 2013)
Il y a un an, Nelie Mouloumou débroussaillait les arbustes et les hautes herbes de son propre lopin de terre. Une parcelle de terre qui lui avait été cédé gratuitement par son voisin. Après avoir défriché son champ, elle y a planté pour la première fois des boutures de manioc. Pour elle, il s’agit d’une nouvelle expérience.
Mme. Mouloumou est une femme autochtone du district de Mayéyé, à environ 230 km de Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville. Il y a de cela une dizaine d’années, suite à la mort de son mari, Mme. Mouloumou travaillait comme ouvrière agricole dans les champs des femmes bantoues.
Elle se souvient qu’elle sarclait, semait, plantait et transportait les produits agricoles de ses employeurs. Elle travaillait de longues journées qui pouvaient commencer à 7 heures du matin pour se terminer à 18 heures. Elle dit : « À la fin, on me donnait à peine 500 Francs CFA (environ un dollar américain) par jour. C’était humiliant. »
Au Congo-Brazzaville, les peuples autochtones vivaient traditionnellement de la chasse et de la cueillette. Mais, l’exploitation forestière et l’extension des villes ont raréfié le gibier et les arbres fruitiers. Les autochtones ont alors été obligés de changer leur mode de vie. Beaucoup se retrouvent alors subordonnés aux bantous, pour qui ils réalisent de petits travaux agricoles très mal rémunérés.
Blaise Mantsiémé est le voisin Bantou qui a cédé une partie de sa terre à Mme. Mouloumou. M. Mantsiémé est content de voir une femme autochtone travailler sa propre terre. Il explique : « La terre appartient à la nature, pourquoi je vais me l’accaparer ? Mon souhait est de constater que la subordination de l’autochtone face [aux Bantous] ne soit qu’un simple mauvais souvenir. »
Prosper Pinda est sociologue et travaille à la direction départementale des affaires sociales de la région. M. Pinda explique que le travail mal rémunéré des autochtones qui travaillent chez les bantous : « Ça fait penser à l’esclavage. Il faut donc que les autochtones apprennent à prendre conscience [de leurs droits]. »
Chose que Mme. Mouloumou a compris. Elle dit : « J’ai mes mains, mes pieds et ma tête. Je ne vois pas comment [j’aurais pu continuer à] travailler pour un bantou qui ne me paiera pas par rapport à mon travail. »
En attendant de récolter son manioc dans trois mois, Mme. Mouloumou profite déjà de son champ. Elle cueille souvent des feuilles de manioc qu’elle vend au petit marché de Mayéyé. L’argent qu’elle gagne lui permet d’acheter la noix de palme, qu’elle fait bouillir. Elle utilise ensuite le jus jaunâtre de la noix de palme bouillie pour préparer du saka-saka, un mets composé de feuilles de manioc pilées.
Mais, les problèmes de Mme. Mouloumou ne sont pas pour autant terminées. Après ses récoltes, elle devra composer avec des routes en délabrement et des coûts de transports exorbitants afin d’acheminer ses produits vers les grands centres comme Sibiti, Dolisie et Pointe-Noire.
Mais, ce n’est pas ce qui la fera reculer, car elle compte sur ses récoltes pour payer la scolarité de ses trois enfants. Elle affirme : « Il faut que mes enfants fassent des études comme ceux des bantous pour qu’ils défendent un jour correctement les droits des autochtones ».
Mme. Mouloumou espère réaliser suffisamment d’économies pour construire une maison en briques ou parpaings pour elle et ses enfants à Sibiti.