Congo Brazzaville: L’exploitation illégale du bois dépouillent les forêts congolaises

| janvier 9, 2017

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Sur une piste de brousse dans le district de Mabombo dans le sud du Congo-Brazzaville, deux guides forestiers montrent le chemin vers un chantier de coupe de bois et de sciage informel. De loin, un homme crie: « Qui est cet homme qui est avec vous ? Nous n’avons pas besoin d’étranger ici ». Le chef de chantier ne veut pas de journaliste sur le chantier. Mais, il finit par accepter tout en expliquant: « Nous n’aimons pas les visiteurs ici parce que nous ne sommes pas en règle. Et notre patron nous l’a fermement interdit. Quand la planche de bois sortira en ville, il sera lui-même à bord du véhicule pour ne pas que la marchandise soit saisie ».

Le chantier est occupé. Des hommes marchent de la forêt vers une clairière en transportant sur leurs têtes des planches de bois. Les planches sciées seront envoyées vers les marchés de différentes villes du Congo-Brazzaville. Sous une tente en polyester soutenue par des piquets de bois, des travailleurs se réchauffent autour d’un feu en attendant d’être approvisionnés en carburant de transport.

Crédit Photo: Privat Tiburce Massanga

Crédit Photo: Privat Tiburce Massanga

Environ 4 millions d’hectares de forêts couvrent la partie australe du Congo-Brazzaville. Mais les forêts sont frappées de plein fouet par des pratiques illégales d’exploitation de bois depuis l’époque coloniale. Alors que des lois sur l’exploitation régissent la concession, l’abattage, la gestion et l’aménagement forestiers, seuls quelques exploitants formels remplissent les cahiers de charge et respectent les lois. La plupart opèrent de façon clandestine. Il y a des conflits permanents avec les pouvoirs publics ou les communautés villageoises. Les opérations exposent les ressources forestières à une exploitation non maitrisée, ce qui dégrade l’écosystème local.

Il y a des activités illégales sur toute la chaine de valeur du bois — de la collecte, à la transformation, au transport et à la commercialisation. Des violations similaires sont présentent sur tous les chantiers. Par exemple, dans le village de Kinkosso, les chefs du village et le député local ont forcé l’entreprise BTC, qui disposent d’un permis, de quitter les forêts parce que la compagnie abandonnait régulièrement de billes qui finissaient par pourrir sans être sciées ni vendues. Un gâchis pour les populations qui y voyaient une perte de leurs richesses forestières.

Crédit Photo: Privat Tiburce Massanga

Il y a plusieurs types d’activités illégales. Certains exploitants forestiers, qu’ils soient commerciaux ou informels, ne respectent pas le nombre de pieds ou le diamètre minimal des arbres qui peuvent être exploités. Pour garder secrètes leurs activités illégale, certains exploitants travaillent de nuit pour éviter que le bruit des tronçonneuses n’attirent trop l’attention. D’autres encore transportent le bois à des heures indues pour contourner les inspecteurs des services des eaux et forêts. Certains entrent en forêt sans aucun agrément ou document préalable de martelage.

Crédit Photo: Privat Tiburce Massanga

Jean Pambou est un exploitant artisanal dans le district de Mabombo. Il estime qu’il y a trop de taxes à payer et l’obtention de certaines autorisations est sujette à une longue procédure administrative. Il demande: « Savez-vous que nous devons obtenir l’agrément à Brazzaville ? Pourquoi ne pas décentraliser la signature de ce papier pour ne pas exposer les usagers de la forêt à la tentation de la fraude. [Le résultat de cette situation c’est que] certains s’acquittent de différentes taxes, d’autres ne le font pas».

Pour obtenir l’agrément, les exploitants informels devraient payer 260 000 Francs CFA ($412 US) par an sans compter les frais du permis spécial mensuel et les taxes de coupe par pied.

Le bois issu de l’exploitation informelle représente une recette annuelle moyenne d’environ 10 millions et demi de Francs CFA ($16 700 USD). En une ou deux semaines, un chantier informel peut couper de 15 à 25 mètres cubes de planche de bois.

En cas d’infractions flagrantes et de saisie de bois, certains préfèrent payer les amendes. Les exploitants qui ont des connaissances hautement placées peuvent faire en sorte qu’on libère leurs marchandises. 

Un cadre du Ministère de l’Economie Forestière, du Développement Durable et de l’Environnement, qui s’est prononcé sous le couvert de l’anonymat, dit que l’état est le premier responsable de ces pratiques illégales car il n’arrive pas à jouer son rôle de régulateur et de contrôleur des activités forestières. Il dit que tout cela est dû aux « fonctionnaires corrompus et leurs complices, la lourdeur des démarches administratives [et] l’absence des moyens de surveillance, sans oublier les injonctions des hauts cadres du Ministère concerné, de l’armée ou de la police, pour libérer les cargaisons de bois illégal saisies ».

Selon un rapport publié en 2014 par Chatham House, un institut indépendant de politiques basé en Grande-Bretagne : « Le problème de l’exploitation illégale des forêts n’a reçu du gouvernement congolais qu’une piètre réponse. Très peu de politiques et règlements nécessaires pour veiller à une bonne gouvernance forestière sont actuellement appliqués ».

Mais l’exploitation illégale ne représente pas seulement une perte pour l’économie nationale, elle signifie surtout une perte de durabilité génétique de certaines espèces d’arbres, le déséquilibre écologique et la disparition de certaines pratiques culturelles.

Les communautés rurales sont les plus affectées. Prosper Ngo est le secrétaire général du village Kinkosso. Il dit: « Nos jeunes du village ne sont pas utilisés par ces exploitants qui s’enrichissent grâce à nos ressources forestières. On n’est vraiment pas associés par l’administration forestière à faire le contrôle et on ne peut pas savoir s’ils sont dans la légalité ou non. On vide nos forêts de leurs grands arbres, on ne sait pas ce qu’adviendra de celles-ci et surtout les impacts pour l’agriculture ».