Cameroun : Une victime sensibilise les femmes rurales aux dangers du « repassage des seins »

| novembre 18, 2013

Téléchargez cette nouvelle

Christelle Nsing est une coiffeuse qui est propriétaire de son propre salon de coiffure. Lorsque Mme Nsing était une jeune fille, elle a subi une terrible épreuve aux mains de sa mère et ses tantes. Pendant qu’elle coiffe une cliente, Mme Nsing raconte le calvaire qu’elle a vécu à l’âge de 12 ans.

Elle dit : « Dès que mes seins ont commencé à pousser, ma mère m’amenait tous les soirs à la cuisine. Elle mettait un pilon à chauffer au feu, elle me déshabillait puis, elle pressait ma poitrine [avec le pilon] à plusieurs reprises».

Pendant qu’elle raconte, les femmes présentes l’écoutent attentivement.  Puis lorsqu’elle a terminé, il s’en suit une discussion sur les mutilations féminines. Le salon de coiffure de Christelle Nsing est le lieu de rencontre incontournable des femmes de Bafang, dans l’Ouest du Cameroun.  Ces femmes rurales y viennent pour se faire belle ou tout simplement pour causer, en l’absence d’autres distractions, entre femmes.

La jeune dame de 27 ans en profite alors pour les sensibiliser aux méfaits du repassage des seins. C’est une pratique qui consiste à masser avec force la poitrine naissante des petites filles, afin de casser la boule qui s’y trouve et ainsi de ralentir la poussée mammaire. Ce repassage vise à donner une apparence de petite fille aux adolescentes. Cette pratique se fait, dit-on, afin de retarder le plus possible le premier rapport sexuel.

Le « repassage des seins » se fait avec une pierre, un pilon, une spatule ou des épluchures de plantains préalablement passés au feu. Selon un rapport publié en octobre dernier par GIZ, la coopération technique allemande, 15%, ou plus d’un million de femmes camerounaises sont victimes de cette pratique.

Moins connu que l’excision, le repassage des seins est pourtant une mutilation tout aussi traumatisante. Mme Nsing s’en rappelle et dit : « C’était tellement douloureux. Je criais et j’essayais de m’enfuir. Il fallait que deux tantes me tiennent pour qu’on puisse repasser mes seins. Au bout de trois mois, j’ai eu des brûlures à la poitrine et ma mère a arrêté ce calvaire ».

Le rapport de GIZ indique que de nombreuses victimes se sont plaintes de brûlures, de kystes et d’abcès aux seins. Beaucoup n’ont pas pu allaiter.

Geneviève Fotsing est une maman qui a repassé les seins de ses filles. Après avoir suivi le témoignage de Mme Nsing, elle tient à justifier son acte. Elle dit : « J’ai repassé les seins de mes filles pour qu’elles puissent faire de longues études. Je ne pensais pas leur faire du mal et je ne le regrette pas. Elles sont aujourd’hui diplômées et travaillent tandis que beaucoup de leurs camarades de l’époque sont tombées enceintes et ont arrêté leurs études ».

Malgré le repassage de ses seins, Mme Nsing est tombée enceinte à 16 ans. Elle a arrêté ses études car à l’époque, les filles enceintes n’étaient pas admises dans les écoles publiques.

Elle explique : « Je suis la preuve que le repassage des seins ne marche pas toujours. Il faut donc que les parents des zones rurales s’imprègnent des  méthodes contraceptives qui sont plus efficaces et moins traumatisantes, à l’exemple de la pilule ou des préservatifs. Je vais les sensibiliser tous les jours jusqu’à ce qu’ils changent de comportement et arrêtent cette mutilation».