Burkina Faso : Le relâchement de la prévention pourrait favoriser la transmission du VIH chez les jeunes

| février 1, 2021

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Nouvelle en bref

Au Burkina Faso, les campagnes de prévention de la transmission du VIH ont ralenti récemment, une situation qui pourrait entraîner une baisse de la garde et une augmentation des taux d’infection chez les jeunes. Plusieurs jeunes Burkinabé croient qu’en évitant les relations sexuelles ils/elles ne seront pas infectés. Beaucoup ignorent comment se protéger, où se rendre en cas d’infection et ne se font pas dépister systématiquement. Les jeunes qui reçoivent un diagnostic positif découvrent souvent leur statut sérologique lors de rendez-vous médicaux pour d’autres infections. On note une recrudescence du VIH dans le pays. Bien que le VIH retienne toujours l’attention de l’État, ce dernier accorde la priorité à la prise en charge des personnes séropositives au détriment de la prévention de nouvelles transmissions.

Pierre Sioho, âgé de 21ans, est livreur d’eau dans la ville de Bobo-Dioulasso, à l’ouest du Burkina Faso. Il n’a que des bribes d’informations sur le VIH et le sida. Il se souvient vaguement d’informations qu’il a eues à travers les médias quand il était petit. Monsieur Sioho déclare : « Je sais que le sida est une maladie mortelle. Elle est causée par le manque d’hygiène, à savoir quand tu manges avec les mains sales ou encore quand tu te laves mal. » Mais, en dehors des musiques de sensibilisation sur le VIH et le sida, il n’attend plus beaucoup parler de cette maladie ces temps-ci.

Cette ignorance est l’une des raisons de l’augmentation des taux d’infection chez les jeunes de l’ouest du Burkina Faso.

Au Burkina, le taux de prévalence du sida est de 0,7 %. Cependant, l’épidémie connait un rebond, notamment chez la frange jeune. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, plus de 500 jeunes dont l’âge est compris entre 14 et 20 ans sont infectés par le VIH chaque jour dans le monde. Selon le rapport 2019 de l’ONUSIDA concernant le Burkina Faso, la prévalence chez les jeunes de 16 à 24 ans est de 0,4 % pour les filles et de 0, 3 % pour les garçons. Cette résurgence a été constatée en 2012 et est attribuée au relâchement des mesures préventives.

À l’instar de monsieur Sioho, la majorité des jeunes de la région de l’Ouest du Burkina Faso méconnaissent le VIH et le sida, et les modes de transmission.

Sylvie Sanou étudie dans un lycée de Bobo-Dioulasso. Elle a 16 ans, mais pour elle le VIH se transmet d’une seule façon : les relations sexuelles. Elle dit ne s’être jamais intéressée au dépistage. Elle ajoute : « Je n’ai pas encore participé à une séance de dépistage du VIH parce que je n’ai pas de copain dans ma vie pour le moment. J’entends effectivement parler des « tontines » sexuelles où des hommes âgés proposent aux filles de coucher avec elles moyennant de l’argent. Mais ça se sont les filles et fils à papa qui font ça. Moi, ma maman m’a dit de lui ramener mon CAP, pas plus, donc, avec les garçons je me cherche. ».

Cependant, il y a plus que des rapports sexuels qui peuvent causer une transmission du VIH. On peut contracter le virus lors d’une transfusion sanguine, et de la manipulation d’objets infectés, tels que les seringues, les lames et les couteaux. En cas d’infection, une mère peut aussi transmettre le virus à son enfant pendant l’accouchement.

Boukary Diallo est un jeune de 23 ans sans emploi qui vit à Bobo-Dioulasso. Lui aussi n’a que très peu de connaissances sur ce sujet. Il déclare : « Pour avoir une femme, il faut de l’argent. Ce que je n’ai pas puisque je n’ai pas de travail. De quoi dois-je donc m’inquiéter? »

Cette ignorance est en partie liée à la baisse des activités de prévention. En effet, l’État et ses partenaires priorisent la prise en charge des personnes séropositives au détriment de la prévention. Les financements pour la lutte contre la propagation du VIH se font de plus en plus rares.

Cependant, des efforts de sensibilisation sont encore constatés dans les écoles. Sara Bagré est une élève de 18 ans, qui semble être au parfum de l’actualité concernant le VIH et le sida. Elle explique : « En classe, les professeurs nous parlent de la maladie et ça m’effraie beaucoup à cause de la stigmatisation dont sont souvent victimes les personnes infectées. Je fais mon dépistage chaque mois parce que je sais que les rapports sexuels ne sont pas les seules voies de transmission de cette maladie. »

À Bobo-Dioulasso, 15 % de personnes séropositives ont été recensées par le centre médical de l’ONG Responsabilité Espoir Vie Solidarité (REV pLus).

Martine Somda est la présidente du conseil d’administration de l’ONG. Elle déclare : « Je vois des enfants de 12, 13 et 14 ans déjà infectés. Mettez-vous à la place de la mère de cet enfant de 12 ans qui devra porter toute leur vie, le poids d’une maladie chronique. J’ai mal, très mal. »

Omar Sanou est le chef d’antenne du Conseil national de lutte contre le VIH-sida et les infections sexuellement transmissibles. Il affirme qu’il n’y a plus de grande campagne de prévention comme dans les années de pic de la maladie, à savoir de 1995 à 2000. Mais des activités et des réflexions se poursuivent, en vue d’éradiquer la maladie d’ici 2030 conformément aux objectifs des Nations Unies.

Monsieur Sanou soutient que pour atteindre cet objectif, le Burkina Faso a élaboré un nouveau référentiel dénommé « cadre final, » qui sera incessamment être validé. Il défend la stratégie du gouvernement consistant à mettre l’accent sur la prise en charge pour briser la chaîne de transmission. Il soutient que, contrairement à ce que les gens disent, la question du VIH et du sida est prise à bras le corps. Depuis 2016, le budget pour ces activités a augmenté de 5 % chaque année.

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada dans le cadre du projet « Promouvoir la santé et les droits sexuels et reproductifs et la nutrition des adolescents au Burkina Faso (ADOSANTE). » Le projet ADOSANTE est piloté par un consortium formé par Helen Keller International, Marie Stopes-Burkina Faso (MS/BF), Radios Rurales Internationales (RRI), le Centre d’information de Conseils et de Documentation sur le Sida et la Tuberculeuse (CICDoc) et le Réseau Afrique Jeunesse Santé et Développement (RAJS).