Burkina Faso : La cécité n’est pas un obstacle pour un agriculteur qui s’est frayé un chemin clair menant aux profits 

| octobre 26, 2015

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Seydou Ilboudo est un producteur pas comme les autres. Ce n’est que la quarantaine révolue que M. Ilboudo devient un des plus grands producteurs de céréales et de légumineuses – après avoir perdu la vue.

Maintenant âgé d’une soixantaine d’années,  M. Ilboudo cultive cinq hectares de terre  dans le village de Loumbila à 15 km de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Il cultive sa terre avec une houe traditionnelle. Aidé par sa femme et un ouvrier, ses journées de travail sont longues et harassantes. Sa femme témoigne : « Il n’est pas facile de travailler avec mon époux. Nous travaillons de l’aube au crépuscule ».

M. Ilboudo n’était pas un agriculteur avant qu’il ne devienne aveugle. Il a commencé à cultiver lorsqu’il a contracté une maladie qui l’a rendu aveugle. Avant, il cumulait de petits boulots en ville pour de maigres revenus. Il travaillait comme ouvrier ou vigile sur un chantier de construction. M. Ilboudo gagnait en moyenne 30 000 F CFA par mois, soit 52$ US.

Quand M. Ilboudo s’est lancé en agriculture, certains membres de sa famille étaient ouvertement hostiles. Ils étaient convaincus qu’il perdait son temps et qu’il échouerait. Ses cinq grands enfants ont carrément refusé de l’aider. Seule sa femme l’a appuyé. Certains villageois se moquaient aussi de lui, le surnommant « l’aveugle fou » !

Mais l’hostilité et les injures étaient le moindre des soucis de M. Ilboudo. Le champ familial sur lequel il voulait produire était totalement dégradé et infertile. Pour résoudre ce problème, M. Ilboudo eut recours à plusieurs méthodes pour restaurer le sol, dont les cordons pierreux pour prévenir l’érosion et la fumure organique pour rebâtir la fertilité et la structure du sol.

Au début, ces efforts n’ont pas immédiatement portés fruits. Les premières récoltes n’étaient pas suffisantes pour nourrir sa famille. Son épouse se rappelle qu’ils devaient manger toutes sortes de feuilles et d’herbes pour ne pas mourir de faim. Mais les choses se sont améliorées et leurs trois greniers débordent à présent.

Photo: Le champ de M. Ilboudo. Crédit: Nourou-Dhine Salouka

Photo: Le champ de M. Ilboudo. Crédit: Nourou-Dhine Salouka

Cultiver à la main quand on a perdu la vue n’est pas une tâche facile. Mais pour M. Ilboudo, le zaï est la méthode parfaite. Il creuse des trous d’une trentaine de centimètres de largeur et de profondeur et place le compost dans le trou avant de semer ses graines. Alors que les plants poussent, il se déplace de trou en trou, utilisant une canne pour le guider et l’aider à distinguer entre les plants et les mauvaises herbes.

Pour nourrir sa famille, M. Ilboudo cultive principalement le sorgho et les haricots. Il s’attend à avoir une bonne récolte cette saison. Les tiges de ses cultures céréalières ploient sous le poids des épis en formation. Il dit : « Il me suffit de toucher les tiges pour savoir que la récolte sera bonne ».

L’agriculture a fait de M. Ilboudo un homme prospère. En 2015, il déclare avoir eu un bénéfice de 600 000 FCFA [1038$ US] et cela lui permet de payer les frais de scolarité du plus jeune de ses six enfants. Ses revenus proviennent essentiellement de la vente des produits maraîchers qu’il cultive en saison sèche.

Aujourd’hui la famille vit très bien. M. Ilboudo possède également de la volaille et s’occupe de chèvres et de moutons. Ses voisins ont cessé de se moquer de lui. En effet, ils le respectent tous et il est un modèle pour les jeunes dans sa communauté.

Issa Ouédraogo est un jeune maraîcher. Il affirme : « Le vieux Seydou est une source d’inspiration pour nous. Il nous a démontré qu’en travaillant dur on peut surmonter toutes les difficultés ».

M. Ilboudou est très fier de sa réussite. Il dit : « Je veux que les personnes handicapées arrêtent de tendre la main. Seul le travail émancipe et réhabilite la dignité de l’homme ».