Burkina Faso : Des agriculteurs cultivent, vendent, consomment et se soignent avec des plantes négligées

| mai 7, 2018

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Stationnées devant un carrefour à l’entrée de la ville de Tenkodogo, Ouindiga Edwige vend les fruits de muguna (jujube) et de kieglga (dattier du désert), tandis qu’Oubda Félicité, elle, vend des feuilles de kieglga et du bissap (jus d’hibiscus).

Ces deux femmes viennent tous les matins du village de Toudoumzougou, situé à cinq kilomètres de Tenkodogo pour écouler leurs produits agricoles. La plupart des plantes qu’elles vendent sont des plantes sauvages ou négligées. Les gens les ont consommées et s’en sont servi comme médicaments pendant des générations, mais ces dernières années, ils les ont négligées, et les considéraient comme étant démodées et sans importance. Cependant, les agriculteurs, les agricultrices, les marchand(e)s et les consommateurs et les consommatrices commencent maintenant à apprécier leur valeur.

Pour ces deux femmes, les plantes sauvages et négligées sont une source de revenus et de nourriture pour leurs familles.

Madame Ouindiga déclare « La vente des fruits des plantes sauvages négligées est une activité que j’exerce régulièrement, mais les fruits varient en fonction de la période. Par exemple : [en février], le muguna, le kieglga et le toedo [pain de singe] commencent à venir. En mars et avril, ce sont les fruits du roanga [néré]. C’est surtout dans les mois d’avril et mai qu’il y a la plupart des fruits de plantes sauvages que je vends à savoir le roanga, siigba [raisin sauvage], et un peu plus tard, le taama [fruit du karité]. »

Madame Oubda déclare « Les feuilles fraîches de kieglga s’achètent très bien et sont utilisées pour préparer du couscous et c’est très bon, le seul regret c’est qu’elles ne sont pas disponibles à toutes les périodes de l’année. »

Certains produits rapportent plus que d’autres. Madame Ouindiga déclare : « Je vendais le taama, et le rondo en début de saison pluvieuse, mais je me suis rendu compte que les noix de taama et les graines de roanga rapportent plus. Par exemple : la tine de taama se vend à 300 FCFA alors que nous gagnons 700 FCFA en vendant la même quantité de noix, la tine de rondo se vend à 150 FCFA et les graines à 1 150 FCFA. » Toutefois, un agriculteur ou une agricultrice a besoin d’un plus grand champ et de plus de temps pour récolter les noix ou les graines plutôt que les fruits.

Ces produits rapportent encore plus si elles sont transformées en des produits tels que le beurre de karité et le soumbala, une épice fermentée.

Madame Ouindiga et madame Oubda sont membres du groupement mixte Naboswende (ou « On demandera à Dieu » en langue mooré) du village de Toudoumzougou. Le groupement a notamment pour objectif la sauvegarde, la collecte et le reboisement de variétés de plantes négligées comestibles.

Madame Ouindiga déclare : « La plupart des plantes alimentaires que nous vendons sont des plantes sauvages qui se trouvent dans le village, dans nos champs…. Pour ce qui est de certaines espèces, nous avons les graines et nous semons dans nos champs. »

Minougou Moussa, dans la quarantaine, est un des membres du groupement. Descendant d’un roanga dans son champ, il déclare : « Certaines personnes ont détruit leurs taanga, roanga, et bien d’autres plantes sauvages à travers les feux de brousses ou la coupe abusive de bois et aujourd’hui ils veulent exploiter les bienfaits de nos plantes. Nous menons des activités en vue de montrer l’intérêt de ces plantes pour nous et pour les générations futures. »

En plus de contribuer à la lutte contre la pauvreté par les revenus qu’ils génèrent, les produits dérivés de ces plantes renforcent la sécurité alimentaire en ce qu’elles contribuent à une alimentation équilibrée en milieu rural.

Monsieur Minougou déclare : « Nous consommons autant que nous [vendons] ces plantes sauvages négligées. »

Madame Ouindiga aime également en consommer. Elle ajoute : « Personnellement ce que j’aime le plus c’est le couscous à base des feuilles d’arzantiga [moringa]. Les feuilles d’arzantiga se vendent très bien au marché, mais nous ne cultivons pas assez pour en vendre. Mon repas est souvent accompagné avec le jus de toedo ou de bissap comme boisson et souvent certains fruits comme le raisin ou le karité. »

Les populations rurales qui utilisent ces plantes connaissent très bien leurs vertus médicinales.

Monsieur Minougou affirme que le taanga peut soigner le paludisme, le barkoudga [pomme cannelle] les morsures des serpents et les hémorroïdes, le kieglga les maux de vente et les ulcères, le zamnega [Acacia macrostachya] l’hypertension, l’aandga [prunier sauvage] les maux de ventre des enfants, les palpitations et les remontées acides gastriques, et le toèga pour soigner les enfants.

Minougou S. David gère le magasin de semences du groupement Naboswende. En conservant et en distribuant les semences, le groupement espère permettre aux agriculteurs et aux agricultrices locaux de cultiver et de consommer plus facilement ces plantes.

Monsieur David déclare : « Pour favoriser les bonnes pratiques en matière de méthodes de collecte, de stockage et de transformation des plantes alimentaires négligées et de régénération de certaines espèces, notre groupe utilise une banque de gènes et de semences. »

Ils conservent les semences de plusieurs variétés de légumes là-bas, y compris le bulvaka, le nato, le berenga, le yogre, le maan yanga.

Mais il ajoute que les populations rurales ont besoin de formation sur comment la culture et le maintien de certains types de plante.

Pour les membres du groupement Naboswende, ces semences—et les connaissances requises pour les cultiver et les utiliser—sont indispensables à la santé de leurs familles et en tant que moyen de subsistance.

La présente nouvelle a été produite grâce au financement de The McLean Foundation. RRI aimerait également remercier USC Canada et son partenaire local, APN-Sahel, pour l’appui qu’ils ont apporté à la production de cette nouvelle.