Bénin : Les maraîchers pratiquent la culture intercalaire et la rotation des cultures pour tirer le maximum des petits potagers urbains

| janvier 29, 2018

Téléchargez cette nouvelle

Le crépuscule s’annonce. Mahoussi Kélè traîne un sac de fientes de volailles vers son jardin. Les yeux rivés au sol, le maraîcher de 24 ans applique délicatement cet engrais naturel sur de jeunes pousses de coriandre. Puis, il puise de l’eau dans un bassin et arrose tout son potager à l’aide de deux arrosoirs en acier galvanisé d’une capacité de 12 litres chacun.

Il déclare : « Actuellement, les coriandres nous rapportent beaucoup d’argent, et les navets sont très sollicités. »

Monsieur Kélè habite à Akogbato, un quartier de Cotonou, la capitale économique du Bénin. Il fait partie des 54 jardiniers qui se partagent un jardin maraîcher de quatre hectares, surnommé « Les Cocotiers. » Cette terre appartient à l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique, ou ASECNA.

Monsieur Kélè possède deux jardins, dont un de neuf mètres carrés et l’autre de 25 mètres carrés. Il y cultive divers légumes en fonction de la saison. Il pratique la culture intercalaire et la rotation des cultures pour tirer le maximum de ses petits potagers.

La culture intercalaire est une pratique suivant laquelle certaines denrées sont cultivées côte à côte. En plus de procurer une protection à l’une ou toutes les deux denrées contre les ravageurs, la culture intercalaire peut aider les agriculteurs et les agricultrices urbains à exploiter efficacement de petites parcelles et accroître leur rendement total ou la valeur de leurs produits.

Monsieur Kélè cultive de la laitue à côté des tomates, ou des oignons avec de l’amarante, ou de la laitue avec du poivron sur une même planche. Il prend des précautions pour éviter des mélanges qui pourraient nuire aux cultures ou compromettre la production. Il déclare : « Une petite erreur d’association et vous perdez toute votre production. Cette technique nécessite beaucoup de calculs. Il faut laisser pousser la plante la plus résistante au bout de quelques jours avant de semer la plus sensible et veiller à leur croissance. Tout cela s’apprend. »

Mais toutes les cultures ne peuvent pas être cultivées en association. Monsieur Kélè pratique également la rotation des cultures pour maintenir son sol fertile. Il explique : « C’est après avoir récolté de la carotte et de l’amarante que j’ai semé des coriandres et des navets blancs. L’amarante ou le [basilic africain] sont des cultures qui permettent de régénérer le sol et de l’enrichir avec des éléments nutritifs. »

Lorsque la saison est bonne, il récolte environ 40 kilogrammes de légumes par jour. Il vend ses produits aux hôtels et aux restaurants de la ville, et peut gagner près de 30 000 francs CFA (56 $ US) par jour quand les conditions sont favorables. Il utilise ce revenu pour subvenir aux besoins de sa famille et couvrir ses dépenses agricoles.

Lorsque les prix des légumes étaient plus élevés, son revenu était encore bien meilleur. Mais depuis 2016, l’instabilité économique oblige plusieurs maraîchers et maraîchères à baisser leurs prix. Monsieur Kélè compte continuer à cultiver les légumes en forte demande tels que la salade en espérant que la situation s’améliorera.

Charles Akakpo est un autre maraîcher qui pense qu’avec de la persévérance et de l’ardeur au travail, on peut gagner sa vie avec un petit potager urbain. Il pratique aussi la culture intercalaire et la rotation des cultures sur sa terre de 36 mètres carrés. Cette parcelle fait partie du site de 15 hectares que l’ASECNA possède à Houéyiho, un autre quartier de Cotonou. Lorsqu’il choisit ce qu’il doit cultiver, il pense toujours à la façon de maintenir le sol en bonne santé pour utiliser au mieux son petit espace.

Il déclare : « Je n’associe pas n’importe quel type de cultures. Je peux mettre de la laitue et des oignons ou de l’amarante et de la laitue ensemble. » Monsieur Akakpo creuse également des rigoles entre les jeunes plants pour s’assurer que ces derniers reçoivent l’engrais et l’eau.

Jean de Kenty Blagbo est un spécialiste en agriculture. Il explique : « La culture intercalaire est une technique de production qui, bien mise en œuvre, vous permet de récolter au moins deux [denrées] différentes sur le même espace durant la même période. »

Grâce à la culture intercalaire, le rendement global ou la valeur des deux denrées peut dépasser le rendement ou la valeur d’une seule denrée cultivée sur la même surface.

L’urbanisation et la croissance démographique réduisent la surface de terre disponible pour l’agriculture à Cotonou. La ville ne dispose que de 50 hectares de terres cultivables, comparativement aux 263 hectares qu’elle avait dans les années 90.

Monsieur Blagbo déclare : « Encourager et former les maraîchers sur le développement de systèmes de cultures hors sol [et] les productions biologiques pour éviter la pollution de l’atmosphère urbaine » pourraient contribuer à pérenniser l’agriculture urbaine à Cotonou. Les systèmes de cultures de surface englobent le jardinage sur des planches surélevées ou dans des pots, des méthodes qui permettent d’exploiter au mieux l’espace disponible sur les petites parcelles ou même les balcons en ville.

Photo:Mahoussi Kélè avec son potager