Nelly Bassily | août 2, 2010
Les litiges fonciers sont fréquents en République Démocratique du Congo, communément appelée RDC. En vertu de la loi agraire de 1973, l’État possède toutes les terres. Mais la plupart des terres de la RDC sont octroyées par des chefs qui les gèrent en vertu du droit coutumier.
En RDC, le pouvoir des chefs traditionnels sur la terre est légalement reconnu. Les chefs ont le droit de vendre un terrain sans le consentement du propriétaire. C’est ce qui est arrivé à un agriculteur de Lubero, qui souhaite garder l’anonymat. « Je viens de comparaître au Tribunal de grande instance de Butembo. Je suis venu régler le problème de mon champ que notre chef a vendu. Mais, manquant d’arguments face au juge, le chef a simplement répliqué qu’il fallait le laisser tranquille car il est vieux et n’attend que sa mort. Le juge n’a alors pas eu d’autre choix que d’évoquer les circonstances atténuantes pour laisser mon champ aux mains de l’acheteur ». Chaque semaine, on entend parler de ce genre de litiges.
Dans les villages situés près de Butembo, dans la province du Nord-Kivu, les gens espèrent que la nouvelle politique de décentralisation permettra de régler les litiges fonciers. La décentralisation signifie que les chefs n’auraient plus d’influence directe sur l’acquisition des terres.
M. Gilbert Kyatsinge est conseiller juridique au Ministère de la Décentralisation et de l’aménagement du territoire. Il dit que « des lois clarifieront bientôt la situation. Les entités territoriales deviendront des communes et ne seront plus sous le contrôle des chefs coutumiers. » Il affirme que la décentralisation est déjà en cours mais que ça peut prendre un certain temps avant qu’elle ne rentre en vigueur au niveau local.
Les chefs considèrent que la décentralisation est simplement un moyen de voler leurs terres. Jacques Mukosasenge représente les chefs de Bamat. Il dit que pour eux: « La décentralisation est une tentative pour mettre fin à leurs tribunaux coutumiers, qui ont été reconnus par la constitution congolaise. » Mais le nouveau statut juridique des chefs traditionnels, du point de vue du gouvernement, n’a pas encore été clarifié par le parlement.
Cette situation complexe attend les dizaines de milliers de réfugiés tutsis congolais qui se préparent à revenir au Nord-Kivu. Plus de 53 000 réfugiés ont vécu au Rwanda pendant plus d’une décennie.
« Les questions foncières vont être l’un des principaux obstacles à [leur retour]», déclare Masti Notz, de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) au Nord-Kivu. Près de 800 000 personnes sont déplacées à l’intérieur de cette province. La poursuite des tensions ethniques et politiques compliquent davantage la situation pour les réfugiés qui tentent de repartir.
Dieudonné Kanyamugengu, du district de Rutshuru, est revenu du Rwanda avec son frère et ses vaches. Il dit qu’il est venu car il recherchait « nourriture et paix ». Il est retourné dans son village, mais il s’est disputé avec ses voisins hutus à propos d’un terrain. « Je ne suis pas en sécurité là-bas, dit-t-il. Les frères sont retournés au camp pour personnes déplacées.
Jules Mbokani coordonne un projet du Conseil norvégien pour les réfugiés, en RDC. Il reçoit de nombreux rapports sur les rapatriés en situation précaire. « Les gens sont rentrés depuis septembre 2009, mais beaucoup n’ont pas regagné leurs villages d’origine, pour des raisons de conflits fonciers et de sécurité. »
Les analystes disent que d’autres mécanismes sont nécessaires afin de résoudre des litiges fonciers. Par exemple, l’ONU-HABITAT, le Programme des Nations unies pour les établissements humains (PNUEH), pense que l’intervention d’équipes mobiles de médiation en matière de terres est une solution viable. Ces équipes aident les réfugiés et les personnes déplacées. Depuis septembre 2009, une équipe de six médiateurs a traité 450 cas dans le Nord-Kivu, et environ 20 pour cent des cas ont été résolus. Camilla Olson travaille avec l’organisation, Refugees International. Elle dit: « Si nous pouvons être proactifs, nous pouvons préparer le terrain pour un rendement positif. »