Integrated Regional Information Networks | septembre 28, 2015
Lami* avait 19 ans lorsqu’elle fut enlevée à Gulak, une ville de l’État d’Adamawa, au nord du Nigeria, près de la frontière avec le Cameroun. Elle se rappelle cette journée : « Ils ont attaqué notre village, brûlé les maisons et les églises, alors nous avons décidé de fuir, abandonnant nos … parents. Nous étions en train de fuir en brousse lorsqu’ils se lancèrent à notre poursuite avec leurs vélos, menaçant de nous tuer si jamais on osait leur résister. »
Lami affirme que ces premiers mois en captivité ont suffi à leur briser le moral. Elle et d’autres jeunes femmes ont été obligées de regarder des hommes, des femmes et des enfants se faire « décapiter » Plusieurs ont été violées et obligées de servir les insurgés.
Toutefois, le calvaire des centaines de femmes kidnappées ne s’est pas arrêté après leur évasion, ou le secours qui leur fut apporté par des soldats nigérians, leur permettant ainsi de retrouver leurs familles.
De retour chez elles, plusieurs sont confrontées à la stigmatisation, car elles sont soupçonnées d’être de mèche avec Boko Haram. Certaines sont humiliées ou bannies parce qu’elles ont été violées par leurs ravisseurs. Selon les autorités nigérianes, un pourcentage « inquiétant » de filles kidnappées qui ont pu échapper à Boko Haram ou être secourues sont enceintes.
Mausi Segun, chercheuse à Human Rights Watch, a interrogé plusieurs des jeunes femmes. Mme Segun déclare : « Elles ont vécu une expérience horrible, mais … les gens éprouvent un tel mépris envers Boko Haram que toute personne soupçonnée d’avoir eu des liens avec eux est considérée comme un des leurs, une insulte. »
Après avoir tenté plusieurs fois d’échapper à ses ravisseurs, Lami a pu finalement filer en douce et retourner dans son village. Elle est enceinte de huit mois actuellement, et les hommes de la localité ont avoué clairement qu’ils n’accepteront aucun enfant d’un père appartenant au groupe Boko Haram. Lami soutient qu’elle subit constamment des menaces à cause de son ventre qui grossit.
Elle ajoute : « Les gens de ce village me rejettent à cause de cette grossesse. Je sais que certain(e)s seront heureux de me voir morte. Plusieurs disent même que je peux toujours aller me faire avorter. Ils menacent de nous tuer le bébé et moi. »
De nombreux membres de la communauté ne sont pas convaincus que les filles kidnappées ont été violées par Boko Haram, et continuent de les regarder elles et leurs enfants à naître avec méfiance.
Asabe* a été enlevée alors qu’elle participait à une réunion de prière à l’église et est restée en captivité pendant cinq mois. La femme de 20 ans affirme que personne ne croit à son histoire.
Elle raconte : « Ils [Boko Haram] nous ont enlevé et nous conduites à leur base de Kita, avant de nous transférer à Gwoza. C’est à Gwoza qu’ils nous [ont violées] après avoir menacé de nous tuer. Ils tuaient toute personne qui s’opposait à leurs demandes. Ils m’ont donné comme épouse à un de leurs chefs qu’ils surnomment Emir. »
Asabe a pu s’enfuir lors d’une descente de l’armée dans la cachette de Boko Haram où elle était retenue prisonnière. Tout comme Lami, elle s’attendait à être chaleureusement accueillie chez elle. Au lieu de cela, elle est confrontée à la stigmatisation, l’indignation et les commérages.
Elle déclare : « Certain(e)s m’ont même accusée d’être une « épouse » de Boko Haram. Maintenant, je me trouve face à un dilemme et je ne sais pas pourquoi. Voici que ce sont les miens qui me rejettent sans aucune raison. »
Les autorités nigérianes offrent une aide psychologique et des soins médicaux pour aider les jeunes femmes enceintes, en collaboration avec des organismes locaux et étrangers. Le gouvernement encourage également les communautés à aider les filles à revenir chez elles en paix.
*Note de la rédaction : Les noms ont été changés pour préserver l’anonymat des personnes.
Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Les ‘épouses’ de Boko Haram libres, mais stigmatisées», cliquez sur : http://www.irinnews.org/fr/report/101949/les-épouses-de-boko-haram-libres-mais-stigmatisées
Photo crédit: Ibrahim Abdul’Aziz/IRIN