Kenya : Le succès généré par le théier suscite des débats dans les régions arides kenyanes (Trust)

| mai 30, 2016

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Près du gros bourg du comté de Laikipia, à 260 kilomètres au nord de Nairobi, une brise de vent trouble la quiétude de la journée, faisant balancer les rangées de melaleuca (théier) de couleur vert pâle. Une plantation de deux acres et demie se démarque dans cette région désertique où environ 30 000 jeunes arbres bien arrosés et paillés se balancent au gré de la brise.

Charles Mwangi et sa femme Mary Anne Wangui sont occupés à soigner les arbres. M. Mwangi coupe des branches pour la récolte, pendant que Mme Wangui forme des tas avec celles-ci. Leur plantation connaît un énorme succès, grâce à l’accord qu’ils ont conclu avec la société Earth Oil Extract qui utilise le melaleuca pour fabriquer l’huile de théier. Cette huile est très utilisée dans la fabrication des produits cosmétiques et comme antiseptique.

M. Mwangi déclare : « Lors de la récolte de la saison dernière, nous avons obtenu dix tonnes, et le kilo s’est vendu à 15,50 shillings [kenyans]. [Ainsi, nous] avons obtenu 155 000 shillings kenyans [1 500 $US]. » Cet argent a permis au couple de rénover sa maison et d’augmenter son cheptel.

Cependant, le couple n’a pas toujours travaillé en équipe dans la plantation.

Lorsqu’il fut question pour la première fois de culture du melaleuca dans la région, les femmes accomplirent le plus gros du travail. Toutefois, plusieurs hommes, à qui appartenait la terre, voulaient s’approprier le revenu supplémentaire généré par cette activité.

Teresia Ndirangu travaille comme conseillère en matière de production et de formation sur le melaleuca auprès du Kenya Organic Agriculture Network. Elle affirme que la majorité des agriculteurs de Laikipia, et surtout les hommes, étaient réticents à adopter cette nouvelle culture au départ. Lorsque les conseillers en formation présentèrent le melaleuca, trois quarts des agriculteurs à s’être portés volontaires pour cultiver cette plante étaient des femmes.

Faith Wairimu elle aussi cultive le melaleuca. Selon elle, de nombreuses femmes ont dû harceler leurs maris pour qu’ils leur donnent un lopin de terre à cultiver, et ces derniers leur concédaient souvent les plus mauvaises terres. Mme Wairimu déclare : « Heureusement pour les femmes, quelle que soit la portion qui leur était attribuée, le théier poussait très bien, car c’est une plante robuste qui résiste au changement climatique, pousse bien dans des conditions climatiques très rudes et arides, nécessite peu d’efforts, résiste aussi bien aux organismes nuisibles qu’aux maladies et dont les animaux domestiques ne se nourrissent pas. »

Les coûts de production sont également faibles, car les agriculteurs ne sont pas obligés d’utiliser des engrais ou des produits chimiques. Les branches de melaleuca peuvent être coupées tous les six mois, et procurent ainsi un revenu régulièrement. Les employés de la société Earth Oil Extract se rendent dans les exploitations agricoles pour récupérer les branches récoltées afin de les transformer. Cela permet aux agriculteurs d’économiser sur les frais de transport.

Mme Wangui a entendu parler de ce nouveau créneau par une amie, et elle a demandé à son mari si elle pouvait s’y associer. La dame de 69 ans se rappelle : « C’est à contrecœur qu’il m’a permis de cultiver, car il n’était pas très rassuré par rapport à l’issue du projet. »

Mme Wangui affirme que son époux n’a pas eu à hésiter trop longtemps. Près de 18 mois après la plantation, la société Earth Oil Extract a récupéré sa première récolte, et Mme Wangui a reçu un bon montant. Elle raconte : « [M.] Wangui s’est rendu compte que le projet n’était pas une arnaque visant à dépouiller les agriculteurs de leur argent … Il a adhéré pleinement au projet et jusqu’à présent il ne regrette pas d’avoir pris cette décision. »

Toutefois, les bonnes récoltes et les bons salaires créent des mésententes entre plusieurs hommes et plusieurs femmes de Laikipia. Mme Ndirangu déclare : « En tant que société patriarcale, les hommes contestent [cet état de fait], et affirment que les paiements auraient dû être transférés dans leurs comptes plutôt que ceux de leurs épouses, car légalement la terre leur appartient à eux. »

À Laikipa, seuls les hommes peuvent conclure des marchés, ainsi de nombreux hommes ont conclu un marché avec la société Earth Oil Extract au nom de leurs épouses, espérant ainsi en tirer profit de cette entente, et ce, même si ce sont les femmes qui faisaient le travail.

Le Kenyan Organic Agriculture Network est intervenu, en organisant des débats et des séances de formation sur la nécessité de tenir compte des femmes dans les prises de décision et les questions de propriété foncière. En plus d’avoir sauvé quelques couples, la formation a permis d’accroître le nombre de femmes qui ont conclu toutes seules des marchés pour l’extraction d’huile. Leur pourcentage est passé de dix pour cent en 2010 à cinquante pour cent en 2013.

Aujourd’hui, un plus grand nombre de couples tels que M. Mwangi et Mme Mwangi cultivent ensemble le melaleuca dans le comté de Laikipa.

Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Succès du théier : les femmes doivent se battre pour garder leurs revenus dans les zones arides du Kenya », cliquez sur : http://news.trust.org/item/20160519092128-ydx0e/?source=hpDontmiss

Crédit photo: TRF/Caroline Wambui