Kathryn Burnham | mars 5, 2018
Barza infos s’est récemment entretenu avec Kawinzi Muiu, directrice du bureau genre du Programme alimentaire mondial (PAM). De passage à Ottawa, Madame Muiu a discuté avec Kathryn Burnham des rôles joués par les femmes pour assurer la sécurité alimentaire et l’alimentation des familles en Afrique. Ce qui suit est un compte rendu de leur entretien.
De ce que vous observez, quelles sont les difficultés que les femmes rencontrent lorsqu’il s’agit de sécurité alimentaire et de faim?
Nous savons que les femmes travaillent beaucoup. Nous savons que les femmes font plus que leur part du travail. Elles prennent soin des familles, et elles s’occupent également [de] petites exploitations agricoles, et, parfois, elles doivent aussi travailler pour quelqu’un d’autre pour avoir un revenu.
Par conséquent … je crois que nous devons confier des ressources aux femmes. Lorsque des catastrophes se produisent et que le changement climatique survient, parfois, les femmes n’ont pas accès aux ressources, qu’il s’agisse de connaissances techniques ou d’équipement pour faire face au changement climatique. Alors, certains de leurs gains sont détruits.
Mais en même temps, nous devons, lorsque nous essayons de les impliquer dans une activité, nous assurer … de ne pas augmenter leur charge. Nous savons parfois qu’elles doivent cuisiner pour leurs familles ou aller chercher les enfants à l’école. Une des choses que le PAM fait, c’est de fournir des fourneaux [économes en carburant] aux femmes, [et] un accès aux combustibles et à l’énergie. C’est une bonne chose, car cela évite que les gens aillent à l’extérieur, quelques fois la nuit, pour chercher du bois. C’est également une bonne façon de protéger les arbres.
Si nous voulons changer la dynamique, nous devons placer de bonnes ressources entre les mains des femmes, y compris une formation sur les finances, l’accès aux moyens financiers et au crédit, l’accès aux technologies et la restriction de la charge de travail. Il faut s’assurer que ce ne soit pas une double charge non rémunérée …. Je crois que cela va agir sur le long terme pour renforcer leur sécurité alimentaire et l’autonomisation des femmes.
Par exemple : au Rwanda, grâce au programme « Achats pour le progrès », nous achetons chez les agricultrices, et nous trouvons qu’en achetant chez elles, nous augmentons leurs revenus, et que cela permettra à leurs familles d’avoir de meilleures conditions de vie. En effet, les enfants iront à l’école, ils auront une assurance médicale. C’est une bonne chose pour toute la famille.
Quel est le rôle des hommes dans l’autonomisation des femmes? Plus de ressources pour les femmes ne signifie pas moins de ressources pour les hommes, mais parfois c’est l’impression que les gens ont.
Les gens pensent qu’il s’agit d’un jeu de somme nulle. Mais ce n’est pas vrai. La politique de genre du PAM stipule que le PAM fournira une aide alimentaire aux hommes, aux garçons, aux filles et aux femmes. Pourquoi disons-nous cela? Parce que, parfois, lorsque nous regardons une situation et que nous faisons une analyse comparative entre les sexes, il arrive que ce soit un garçon qui n’aille pas à l’école. Et pendant tout ce temps, nous supposons que c’est une fille [qui a besoin d’aide]. D’autres fois, nous trouvons en Syrie, des garçons qui abandonnent leurs études pour aller travailler, et les filles poursuivent leurs études. Alors, nous devons nous renseigner … Parfois, il se peut que ce soit un garçon qui ait besoin d’aide.
Nous ne parviendrons jamais à l’égalité de genre si les hommes ne sont pas impliqués, c’est vrai. C’est un défi pour lequel nous avons besoin de la contribution des deux sexes. C’est la raison pour laquelle il est important d’avoir des hommes qui comprennent les avantages économiques de l’égalité de genre. Nous aimons citer l’exemple de Zara, une femme qui a reçu des ressources, et qui a commencé une activité qui lui rapporte un revenu avec ces ressources. Elle a acheté plus de terres et une petite voiture pour faire du transport, et ainsi elle a transformé sa vie, et celle de ces enfants. De plus, elle a ouvert un compte bancaire et son mari réalise que le fait de laisser sa femme mener des activités commerciales est une situation gagnant-gagnant pour toute la famille.
Alors, le message que je voudrais transmettre à mes frères africains est que réellement cela profitera à nous tous, y compris les femmes, les hommes et la famille. Ce ne doit jamais être une affaire de femme. Tout le monde gagne, la famille entière gagne, si la femme contribue aussi au bien-être de la famille en ayant accès aux ressources et en ayant son mot à dire par rapport à l’utilisation de ces ressources.
C’est vraiment important, car à quoi vous sert-il d’avoir une ressource si vous ne pouvez pas prendre de décision? La prise de décisions est importante pour une femme qui veut mener la vie à laquelle elle aspire.
Quelle sorte de discussions vous attendez-vous à entendre dans les maisons familiales africaines?
Dans des pays comme le Niger, en collaboration avec des partenaires comme la FAO, ONU-Femmes et le FIDA … nous créons des clubs Dimitra qui sont des espaces où les communautés peuvent se rassembler et discuter de problèmes qui les préoccupent. Les clubs Dimitra sont formés d’hommes et de femmes, par conséquent, c’est un endroit idéal où ils peuvent discuter de problèmes qui nuisent à leur communauté et convenir d’une solution. Et nous trouvons qu’il s’agit d’une bonne chose parce que cela diminue l’incompréhension, et la violence fondée sur le sexe, car les gens abordent [les problèmes qu’ils ont], ils trouvent une solution et vont de l’avant.
Avant toute intervention, il est préférable de parler aux responsables de la communauté, aux familles, pour savoir ce qu’ils pensent de leur situation actuelle, et la solution qu’ils proposent pour la résoudre parce qu’ils connaissent mieux leur situation. Donc, c’est une très bonne chose de travailler avec les ONG locales et d’amener les communautés à proposer une solution qui fonctionne pour tout le monde.
Merci à Kawinzi Muiu pour cette occasion qu’elle nous a donnée de parler du fonctionnement de la politique de genre du Programme alimentaire mondial en Afrique.
Photo: Women in North Darfur learn about fuel-efficient stoves as part of a WFP project. Credit: World Food Programme