Cameroun : L’augmentation des mariages d’enfants en plein confinement du coronavirus : un phénomène inquiétant (The New Humanitarian)

| juin 22, 2020

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Nouvelle en bref

Inna, 16 ans, ne retournera pas à l’école malgré l’assouplissement des restrictions liées au coronavirus à Ngaoundéré, au Cameroun. Pendant le confinement, on l’a mariée à un éleveur de 55 ans. Son père a déclaré qu’il ne voulait pas avoir une bouche en plus à nourrir. Selon l’UNICEF, plus de 30 % des filles camerounaises sont mariées avant 18 ans. Des groupes de défense préviennent que le mariage forcé des enfants pourrait augmenter à cause de la fermeture des écoles, l’insécurité alimentaire et du contexte économique incertain résultant de la pandémie du COVID-19. L’an dernier, lorsque le père d’Inna commença à faire venir des maris potentiels chez eux, elle le dénonça à un centre pour femmes. Mais avec l’apparition de la pandémie, les groupes de défense des droits des femmes et les travailleurs(euses) sociaux viennent moins dans la région.

Inna, 16 ans, ne retournera pas à l’école malgré l’assouplissement des restrictions liées au coronavirus à Ngaoundéré, au Cameroun. Pendant le confinement, elle a été mariée à un éleveur de bétail de 55 ans. Son père a déclaré qu’il ne voulait pas de bouche supplémentaire à nourrir.

Elle a déclaré : « Mon père se plaignait qu’au lieu de manger sa nourriture et d’occuper son espace, je ferais mieux de me marier. » Elle a sept frères et sœurs. Elle ajoute : « Mon père m’a dit que le mariage est mon billet pour le paradis, pas les études. »

Le Cameroun a instauré les mesures de confinement pour éviter la propagation du virus le 17 mars. En mi-juin, il y avait près de 10 000 cas et plus de 275 décès causés par le coronavirus. Le gouvernement a depuis assoupli les restrictions, et même rouvert certaines écoles en début juin. En plus d’essayer de contenir le virus, le Cameroun se débat également avec la lutte entre les forces gouvernementales et les groupes d’insurrection séparatistes des régions anglophones du Cameroun.

Le mariage des enfants est une pratique courante, surtout au nord. Selon l’UNICEF, plus de 30 % des filles au Cameroun sont mariées avant 18 ans.

Inna est originaire de la région d’Adamawa, au nord du Cameroun. Après son mariage, elle a tenté à maintes reprises de s’évader. Mais chaque fois, on l’a ramenée dans sa nouvelle maison dans la zone d’élevage de bétail au sud de Garoua, dans la région du Nord.

L’an dernier, lorsque le père d’Inna commença a amené de potentiels maris chez eux, elle le dénonça auprès d’un centre pour femmes. Son père l’a battue très sévèrement pour cela.

Elle affirme que depuis le début que la pandémie, les groupes de défense des droits des femmes ou de travailleurs(euses) sociaux viennent moins souvent dans la région. La police prend souvent parti pour les familles, déclare-t-elle.

Bien que le Cameroun soit signataire de la Convention des Nations Unies sur les droits des enfants, les familles défendent souvent le mariage des enfants comme faisant partie de la tradition, ou invoquent une loi autorisant les filles à se marier à 15 ans et plus, selon Nsen Abeng, une juriste de Yaoundé. La convention des Nations Unies fixe l’âge minimum pour le mariage des garçons et des filles à 18 ans et devrait avoir préséance sur la loi.

Le mariage forcé des enfants est passible d’une peine de 10 ans et d’une amende, mais madame Abeng a affirmé qu’il est rare de voir ces cas faire l’objet d’une poursuite.

Le maintien de la pratique du mariage des enfants a des conséquences d’une vaste portée. Les filles ne peuvent pas étudier et sont soumises à une vie ponctuée de corvées, d’accouchements et de violence conjugale, selon l’UNICEF. L’Organisation mondiale de la Santé soutient que les complications liées aux grossesses ou à l’accouchement sont la cause majeure de décès des filles âgées de 15 à 19 ans.

Des agences d’aide préviennent que les mariages forcés d’enfants pourraient augmenter dans le monde à cause de la fermeture des écoles, l’insécurité alimentaire et l’incertitude économique provoquées par la pandémie du COVID-19. En Éthiopie, plus de 500 filles ont échappé au mariage forcé depuis mars, tandis que des témoignages anecdotiques indiquent une hausse dans d’autres pays tels que l’Afghanistan, l’Inde, le Soudan du Sud et le Yémen.

Le Fonds des Nations Unies pour la population, ou FNUAP, prévoit que les conséquences économiques appréhendées de la pandémie du coronavirus, ainsi que la perturbation des efforts visant à mettre fin au mariage des enfants, pourraient entraîner environ 13 millions de plus de mariages d’enfants durant la prochaine décennie.

Dans les pays en développement, les filles sont également confrontées à un risque important de violence fondée sur le genre, de grossesse précoce et d’abandon des études à la réouverture des classes, selon une nouvelle enquête du Center for Global Development, un groupe de travail basé à Washington D.C.

Pour les jeunes Djouley* et Yawa*, 14 ans, le mariage est arrivé en pleine fermeture des écoles et fête du ramadan. Elles vivent à Marou, la capitale de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun.

Les mariages d’enfants surviennent souvent dans les régions du Cameroun pendant le ramadan où les familles recherchent une aide supplémentaire pour la cuisine et les corvées. La fermeture des écoles n’a fait que donner une raison supplémentaire pour cette pratique.

Djouley a été mariée à un boucher de 47 ans. Elle déclare : « Cela m’irrite lorsque je l’appelle mon mari. … Ses amis nous rendent visite chaque jour et je cuisine pour eux. J’aide également mes coépouses. La nuit, je prie pour qu’il ne vienne pas dans ma chambre, mais il vient parfois. »

Contrairement à ses camarades, qui ont maintenant des maris suffisamment âgés pour être leur père ou leur grand-père, le mari de Yawa est dans la vingtaine.

Elle déclare : « J’aurais pu être heureuse s’il me mariait après mes études. … Personne ne m’a demandé si je l’aimais. Puis, [en fin mars], on m’a dit d’aller vivre chez lui. C’est à peine si on m’autorise à sortir. J’aimerais pouvoir repartir à l’école. »

*Veuillez noter que les noms de famille des filles ont été supprimés pour préserver la vie privée des familles.

La présente nouvelle est adaptée d’un article intitulé « Child marriage worries rise amid coronavirus lockdown in Cameroon. », écrit par Emeline Fonyuy pour The New Humanitarain. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez surhttps://www.thenewhumanitarian.org/news/2020/06/11/Cameroon-coronavirus-child-marriage.