Integrated Regional Information Networks | mai 26, 2008
Les agriculteurs du village de Gereigikh, au Soudan, ont une bonne raison de planter des melons. Ce n’est pas pour les déguster durant les jours chauds qu’ils les font pousser. C’est plutôt dans l’espoir d’attirer le bétail et les chameaux des troupeaux des pâturages.Ad-Dukhri Al-Sayed est un leader dans la communauté de Gereigikh. Il explique que, il y a de cela bien longtemps, les agriculteurs avaient remarqué que quand les troupeaux visitaient leurs champs, leurs excréments stimulaient la production agricole. Les agriculteurs ont très vite compris qu’en plantant des melons, ils avaient plus de chance d’obtenir de l’engrais ‘naturel’ gratuitement.
Gereigikh est situé dans l’état du Kordofan Nord, à quelques centaines de kilomètres seulement du Darfour, où de violents conflits perdurent depuis plusieurs années. À Gereigikh comme dans de nombreuses régions où les activités pastorales et les activités agricoles sont toutes deux pratiquées, il y a un historique de tensions liées aux droits de la terre et au droit de pâture. M. Al-Sayed dit que la paix entre les bergers et les agriculteurs, dans son village, s’est établie lorsque ces deux groupes ont réalisé qu’ils pouvaient bénéficier l’un de l’autre.
La coopération entre les Gawamha, un groupe dont les membres sont traditionnellement des agriculteurs, et les Kawahla, qui sont traditionnellement des bergers, s’étend maintenant bien au-delà des melons. Faisal Eljack a étudié les relations entre ces deux groupes pour une ONG britannique, SOS Sahel. Il explique que les bergers fournissent aux agriculteurs des produits comme le lait, le beurre et le fromage. Les agriculteurs, quant à eux, approvisionnent les bergers en produits de la terre : millet, sorgho et légumes.
Ces rapports avantageux ont conduit le peuple berger Kawahla à passer plus de temps dans le village. Des mariages entre les deux groupes ont solidifié leurs liens.
Certaines ONG internationales ainsi que l’Université de Khartoum ont développé un intérêt particulier pour le village de Gereigikh et pour celui d’Iyal Ali, une autre communauté de l’état du Kordofan Nord, où les agriculteurs et les bergers vivent en harmonie. Les chercheurs notent que les changements climatiques jouent aussi un rôle dans la raréfaction des ressources partagées par ces deux groupes, et ils essaient de s’expliquer comment ces villages parviennent à maintenir la paix.
Il y a, de temps en temps, des conflits entre les Gawamha et les Kawahla, habituellement en lien avec les animaux qui broutent dans les champs cultivés ou les points d’eau partagés. Un système traditionnel bien établi s’est avéré efficace dans la résolution des conflits. Durant des sessions de médiation, appelées judiyya, les chefs traditionnels en appellent à la sagesse et à l’honneur des parties impliquées. Ils s’efforcent de trouver des solutions acceptables pour toutes les parties.
Et pour chaque dispute, il y a un exemple de bergers et d’agriculteurs mettant en commun leurs ressources, même en temps de sécheresse. Les deux groupes partagent la croyance que toute personne devrait aider ses voisins, quand elle le peut, car elle pourrait bien avoir de mauvais jours dans le futur et elle pourrait alors avoir à demander de l’aide à ces mêmes voisins.