Nelly Bassily | septembre 7, 2009
Ezra Wandeka tient dans ses mains une chemise rose carbonisée. La chemise a été brûlée lorsque des gardes forestiers ont brûlé sa maison. À l’intérieur de ce porte-document se trouvait les titres officiels du terrain qui lui appartient. Cela lui rappelle l’époque où il était le chef d’une paroisse et qu’il possédait 26 vaches. Cela lui rappelle aussi la journée où tout a pris feu et où tout ce qu’il pouvait faire était de fuir les lieux.
Ezra Wandeka est fait partie de la communauté autochtone Benet. La communauté autochtone Benet habite traditionnellement sur le mont Elgon dans le sud-ouest de l’Ouganda. Mais tout cela a changé en 1993. Cette année là , la terre où le peuple Benet vivait et élevait ses animaux a été désignée parc national, et les gardes forestiers ont commencé à expulser les membres de la communauté Benet. Suite à l’expulsion, des arbres ont été plantés dans la région, et la communauté Benet a commencé à comprendre qu’en fait, des intérêts financiers avaient motivé leur expulsion. Une entreprise néerlandaise, la Face Fondation, payait le gouvernement ougandais pour planter des arbres pour que la compagnie puisse ensuite vendre des crédits-carbone.
Les crédits-carbone constituent un nouveau produit sur le marché mondial. Les individus ou les entreprises qui émettent des gaz à effet de serre peuvent acheter des crédits-carbone auprès d’entreprises conduisant des initiatives qui visent à stocker le dioxyde de carbone – généralement, en plantant des arbres. La Face Fondation vend ainsi des crédits-carbone à une autre entreprise néerlandaise, qui, à son tour, les revend à des clients occidentaux.
L’Autorité ougandaise de la faune supporte le projet de plantation sur le mont Elgon. Richard Matanda est un garde forestier qui travaille dans cette zone. Il dit que le peuple Benet empiétait sur des terres forestières qui devraient être conservées. « Tout ce que nous faisons dans ces régions – même les expulsions – doivent être conformes aux principes de gestion responsable des forêts et aux lois de l’Ouganda, dit-il. »
Moïse Mwanga est le président d’un groupe de lobbying qui défend le peuple Benet. Son groupe voit les choses différemment. M. Mwanga dit que la communauté Benet vit sur le Mont Elgon depuis des temps immémoriaux. « Ainsi, c’est notre domicile, pas juste une forêt, explique-t-il. »
Maintenant, les personnes expulsées vivent dans des « conditions déplorables », aux dires de M. Mwanga Ils vivent comme des squatters.
Certains tentent de regagner leurs anciennes terres, qui font maintenant partie du parc national du mont Elgon, pour y paître leurs animaux ou récolter du miel. D’autres ont même arraché des arbres récemment plantés. Mais ces pratiques les mettent inévitablement en conflit avec les gardes forestiers du Parc. Ces confrontations mènent fréquemment à des actes de violence.
Les Ougandais du peuple Benet continuent de lutter pour leurs droits fonciers devant les tribunaux ainsi que dans l’arène politique. Entre temps, ils cultivent leurs propres fruits – tels que le fruit de la passion, l’avocat et la banane – sur le mont Elgon. Les arbres qu’ils plantent prennent des années avant de produire des fruits; un signe que le peuple Benet espère reprendre possession de ses terres.