Cheick Bounama Coulibaly | octobre 27, 2025
Nouvelle en bref
À l’ombre d’un grand néré à Kalaban-Coro, au Mali, Awa Traoré, la présidente de la coopérative des femmes Jigisèmè, inspecte de jeunes pousses d’arbres dans son champ de maïs. Depuis 2020, la coopérative a reconstitué plus de 20 hectares de forêt grâce à des savoirs ancestraux et à la régénération naturelle assistée. Les femmes plantent des variétés locales, comme le néré, le karité et l’acacia, transforment des déchets organiques en engrais et récoltent des fruits, du miel et du beurre de karité pour leur consommation et la vente. Leur travail améliore les sols, augmente la biodiversité et préserve la subsistance des communautés. Grâce aux formations et aux équipements de APEDL-Mali, les femmes de Jigisèmè assurent une gestion durable des forêts pour les générations futures.
À l’ombre d’un grand néré (Parkia biglobosa), Awa Traoré, âgée d’une cinquantaine d’années, observe fièrement les jeunes pousses d’arbres bordant son champ de maïs d’un demi-hectare. Elle est agricultrice et présidente de la coopérative des femmes Jigisèmè, un groupement féminin qui applique toujours les pratiques ancestrales de gestion durable des forêts à Kalaban-Coro, un village situé à 75 kilomètres de Koulikoro, au Mali. Elle déclare : « Nos mères et nos grands-mères nous disaient : ne coupez pas un arbre qui procure de l’ombre ou des fruits, car il nourrit les gens et la terre. Aujourd’hui, madame Traoré et les autres membres de la coopérative travaillent à préserver les savoirs locaux pour la protection des variétés d’arbres utiles.
Depuis 2020, les femmes se sont engagées à reconstituer la biodiversité locale en créant une coopérative. Héritières des pratiques de leurs mères, elles pratiquent la régénération naturelle assistée qui consiste à identifier et à protéger les jeunes pousses issues de racines ou de semences présentes déjà dans le sol, plutôt que de les déraciner. Cette méthode simple, pourtant efficace, favorise la régénération naturelle des forêts, la conservation de l’humidité et la restauration des sols dégradés. Elles transforment également les déchets ménagers, les feuilles mortes et les excréments d’animaux en un engrais naturel, riche en éléments nutritifs et exempt de produits chimiques pour le sol. Les femmes plantent des variétés locales, comme le néré, le karité et l’acacia. Ces variétés locales enrichissent le sol, procurent de l’ombre et produisent des fruits, des feuilles et du beurre de karité. Madame Traoré souligne que ces variétés procurent aux femmes et à toute la communauté des produits forestiers non ligneux.
Selon madame Traoré, l’idée de la protection de la forêt est née à la suite d’une séance de sensibilisation de l’Association pour la protection de l’environnement et le développement local (APEDL-Mali). Ils ont réalisé qu’il était possible d’appliquer les savoirs locaux pour protéger et reconstituer la biodiversité.
Grâce aux actions de la coopérative, plus de 20 hectares de forêt ont repoussé autour de Kalaban-Coro, au grand bénéfice de la communauté entière. Madame Traoré note que les femmes récoltent désormais du karité, du miel, des feuilles de baobab et les fruits du néré, qu’elles consomment, transforment ou vendent sur les marchés locaux, afin de payer les frais de scolarité de leurs enfants et contribuer aux dépenses de la famille. Elles utilisent également comme combustible le bois mort qu’elles ramassent dans les espaces reboisés, ce qui permet de réduire la pression sur les arbres vivants.
Abdoulaye Koné, technicien agricole à APEDL-Mali, supervise le travail des femmes à Kalaban-Coro. Il affirme que le travail des femmes de la coopérative constitue une gestion durable des forêts. Il ajoute que leurs pratiques contribuent à réduire l’érosion, enrichir les sols et augmenter le couvert végétal.
À ses dires, l’exemple de Kalaban-Coro montre que les savoirs locaux sont essentiels pour la résilience climatique. Il déclare : « Ils démontrent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de ressources pour protéger la forêt. Ce qu’il faut c’est la volonté, la solidarité et le respect des traditions écologiques. »
Grâce à leur succès, les femmes ont obtenu le soutien de l’APEDL-Mali en 2021. Elles ont appris des techniques de compostage et de reboisement, en plus de recevoir de l’équipement. Cela a renforcé leur capacité à gérer et à préserver les connaissances se rapportant à la gestion traditionnelle des forêts. Fatoumata Koné est membre de la coopérative. Aujourd’hui, la coopérative Jigisèmè regroupe plus de 50 femmes. La forêt de Kalaban-Coro, jadis clairsemée, retrouve progressivement son état d’antan. Les variétés locales réapparaissent, le sol retient mieux l’eau et la biodiversité s’améliore. Les femmes ont aménagé des zones de reboisement communautaires où tout abattage d’arbres non autorisé est puni. Les sanctions varient du paiement d’une amende de 30 000 FCFA (environ 53 $) et à la plantation de 30 arbres.
Madame Traoré conclut : « Nous voulons créer une petite pépinière pour ravitailler d’autres villages en semis. C’est notre façon de transmettre ce que nos mères nous ont enseigné. »
