Solange Ayanone | mai 14, 2018
Selon une croyance populaire rwandaise, les abeilles fuient à l’approche d’une femme. Cela a dissuadé plus d’une femme de pratiquer l’apiculture, une activité dominée par les hommes dans beaucoup de pays africains. Cependant, Brigitte Muhayimana constitue une exception.
Madame Muhayimana est une veuve du génocide de 1994. Elle s’est établie dans un village dans le sud du Rwanda. La vie n’a pas été pas facile pour madame Muhayimana après le décès de son mari. Pour subvenir aux besoins de ses quatre enfants, elle cultivait un champ d’un demi-hectare hérité de son époux. Elle y produisait des haricots et des patates douces, des aliments de base dans sa région. Cela lui procurait de quoi nourrir sa famille, mais pas assez pour couvrir les autres dépenses. Son parcours pour trouver un meilleur moyen de subsistance démarra lorsqu’elle s’inspira d’un voisin et se poursuivit quand elle brisa les barrières culturelles.
En 2006, madame Muhayimana décida de se lancer dans l’apiculture. Elle se procura quelques ruches traditionnelles sur les conseils d’un voisin apiculteur de longue date. Mais les hommes de son village la découragèrent, lui disant que les abeilles n’entreraient pas dans ses ruches. Selon leurs croyances, les abeilles fuient les femmes, surtout quand elles sont en période de menstruation.
Madame Muhayimana décida tout de même d’apprendre ce métier. Au début, elle demandait à un homme de recueillir le miel pour elle. Quand elle se rendit compte que cet homme volait le miel, madame Muhayimana brisa le dernier tabou entourant les femmes et l’apiculture. Elle apprit à recueillir le miel elle-même. Aujourd’hui, elle gère tous les aspects de cette activité. Elle déclare : « Je sais préparer la ruche, attirer les abeilles dedans et retirer le miel. »
Mme Muhayimana est devenue un modèle de réussite dans son village. Elle a initié d’autres femmes à l’apiculture. Les femmes ont créé une coopérative dénommée Twegerane qui signifie « rapprochons-nous » pour pouvoir trouver des marchés pour leur miel.
Nkubiri Germain est technicien vétérinaire au sud du Rwanda. Il accompagne les apicultrices et les forme régulièrement. Selon lui, la coopérative récolte au moins 900 kilogrammes de miel par an. Elles ont un produit de bonne qualité et le modèle de la coopérative les aide à commercialiser celui-ci. Grâce au succès de la coopérative, certains hommes du village souhaitent désormais apprendre l’apiculture et y ont adhéré.
Les membres apprécient leur nouveau revenu et demeurent des passionnées de l’apiculture. Uwera Josée est aussi une apicultrice. Elle paie les frais de scolarité de ses enfants avec le revenu des ventes du miel. Elle apprécie les autres formes d’aide que la coopérative leur apporte. Par exemple : si elle a un besoin d’argent pour son activité, la coopérative lui accorde un petit crédit qu’elle rembourse après avoir vendu son miel.
L’apiculture rapporte à madame Muhayimana 40 000 francs rwandais (46 $ US) par mois. Avec ce revenu, elle a acheté deux nouveaux champs où elle cultive des légumes tels que les choux et les carottes pour vendre. Elle a aussi acheté une vache laitière. Elle vend le lait et utilise le fumier dans ses champs.
Madame Muhayimana compte poursuivre sur cette lancée. Elle travaille dans ses champs le matin, puis parcourt deux kilomètres à pied l’après-midi pour aller s’occuper de ses ruches. Elle veut aussi augmenter ses ruches pour gagner plus d’argent afin d’agrandir sa maison. En associant ainsi l’agriculture à l’apiculture, madame Muhayimana s’en sort beaucoup mieux.
La présente nouvelle a été initialement publiée dans Barza infos en décembre 2012.