Malawi : Des agriculteurs fabriquent de l’engrais à base d’urine et de feuilles pour économiser de l’argent

| avril 16, 2018

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Child Daniel Phiri n’utilise pas sa latrine au toit de chaume lorsqu’il est pris d’une envie soudaine. Il se précipite plutôt vers sa salle de bain et urine dans un seau en plastique de cinq litres. Monsieur Phiri affirme que chaque membre de sa famille fait de même. Lorsque le seau est rempli, il utilise l’urine pour fabriquer de l’engrais qui agit comme de l’urée.

Monsieur Phiri est originaire du village de Chisela, à Lilongwe, la capitale du Malawi, où il cultive du maïs, du haricot, des arachides et des légumes. Il utilise également des feuilles d’acacia pour faire de la fumure de fond ou de l’engrais de démarrage, que les gens épandent dès le début de la saison de plantation. Fabriquer ses propres engrais permet d’économiser de l’argent et d’éviter les produits chimiques pouvant être dangereux pour la santé humaine.

Selon monsieur Phiri, l’utilisation d’engrais chimiques pour obtenir une récolte exceptionnelle est du gaspillage, car il est simple et moins coûteux de fabriquer de l’engrais à base d’urine et de feuilles.

Il déclare : « J’ai commencé à fabriquer mon propre engrais avec de l’urine humaine et des feuilles d’acacia en 2014 après l’avoir appris auprès de Face-to-Face [un organisme local à but non lucratif]. Depuis ce temps, j’ai arrêté d’acheter de l’engrais chimique tel que l’urée qui coûte très cher. »

Le sac d’engrais chimique de 50 kilogrammes coûte environ 20 000 kwacha (28 $ US). Monsieur Phiri explique : « Avant, j’avais besoin de près de quatre sacs d’engrais pour mon champ de maïs et cela [coûtait] beaucoup d’argent…. Maintenant, je ne dépense rien pour l’engrais chimique à cause de l’engrais à base de feuilles et d’urine que je fabrique moi-même. »

Monsieur Phiri explique : « Pour faire de l’engrais à base de feuilles, je mets de l’eau et des feuilles d’acacia dans un seau ou un fût en plastique pour éviter la rouille causée par les seaux métalliques, et je couvre le tout avec une bâche en plastique. Chaque jour, j’ouvre et je remue l’eau et les feuilles. Après 14 jours, ce mélange devient de l’engrais et le 15e jour, je prends ça et j’épands ça dans mes champs de maïs, de légumineuses et de légumes. »

Pour faire l’engrais à base d’urine, monsieur Phiri raconte qu’il attend trois jours après que le seau est plein. Puis, explique-t-il : « Je dilue l’urine avec de l’eau … en raison d’un seau d’urine pour huit seaux d’eau, ce qui signifie que je dilue un seau d’urine de cinq litres avec quarante litres d’eau. »

Madalitso Zulu est la coordonnatrice du projet Face-to-Face. Elle affirme que les sols de plusieurs champs de la région ne sont plus fertiles, et que les agriculteurs et les agricultrices ne peuvent pas continuer à se fier aux engrais chimiques parce que les prix augmentent chaque année.

Madame Zulu explique : « L’agriculture est une entreprise, et si les agriculteurs dépensent plus d’argent pour des intrants tels que les engrais chimiques, il est possible qu’ils [enregistrent] des pertes. Nous apprenons aux agriculteurs des moyens rentables de pratiquer l’agriculture, et la fabrication d’engrais à base d’urine et de feuilles transforme les conditions de vie de plusieurs d’entre eux dans les régions où nous exécutons nos projets. »

Gadisoni Lomani est un agriculteur du village voisin de Kwandekwalema. Il raconte qu’à l’arrivée du projet Face-to-Face dans sa région, celui-ci a formé beaucoup d’agriculteurs et d’agricultrices sur la fabrication d’engrais avec l’urine humaine. Ils utilisent cet engrais comme fumure de couverture en lieu et place de l’engrais chimique coûteux que les paysans et les paysannes achètent dans les magasins. La fumure de couverture ou l’engrais épandu en bandes latérales est généralement appliqué 21 jours après que le maïs a été semé au Malawi.

Monsieur Lomani explique : « On nous a avisés que chaque fois que nous voulions simplement uriner, nous ne devions pas gaspiller notre urine, mais nous devions la conserver dans un seau en plastique et nous en servir pour faire de l’engrais. Cela m’aide beaucoup, car, autrefois, je n’avais pas les moyens d’acheter de l’engrais chimique. »

Monsieur Lomani ajoute que, pour le maïs, l’engrais qu’il fabrique avec les feuilles d’acacia agit comme une fumure de fond telle que l’engrais ternaire, tandis que l’engrais qu’il fait à base d’urine agit comme une fumure de couverture telle que l’urée.

Monsieur Phiri raconte qu’en épandant l’engrais à base d’urine et de feuilles, il a récolté 50 sacs de maïs l’an dernier sur quatre acres. Les années précédentes, il avait récolté 15 sacs. Il ajoute : « J’étais incapable de produire suffisamment de nourriture pour ma famille, car j’avais du mal à acheter de l’engrais chimique. Maintenant je peux nourrir ma famille. Grâce aux bénéfices de la récolte des denrées sur lesquelles j’avais épandu de l’engrais à base de feuilles et d’urine, en 2016, j’ai construit une maison en toit métallique et cette année, j’ai l’intention [d’installer] l’électricité dans ma maison. »