Togo : Une veuve dépossédée de ses biens reconstruit sa vie grâce à l’agriculture

| novembre 23, 2015

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Sous un soleil de plomb, Awade Solim arrose son champ de carottes et de laitues. Dans cette intense chaleur, la veuve de 43 ans transpire à un tel point que les vêtements qu’elle porte sont tous trempés de sueur. Mais elle affronte la chaleur six jours par semaine pour s’occuper de ses cultures.

Mme Solim cultive son champ dans le quartier d’Akodessewa, situé dans la périphérie Est de Lomé, la capitale du Togo. Elle passe de longues journées  de travail  à creuser, arroser et désherber, tout en gardant un œil sur les plantes prêtes à être récoltées. Elle dit : « Je viens souvent très tôt pour effectuer le maximum de travail avant que le soleil ne se lève. Car à parti de dix heures on ne peut plus travailler facilement à cause de la chaleur ».

Mme Solim  pratique  le maraîchage depuis seulement deux ans, suite au décès de son mari. Avant, elle faisait sa vie comme revendeuse de pagne, mais a tout perdu après son décès. Elle a vécu l’enfer.

Elle explique : « À la mort de mon mari, ma belle famille a souhaité que j’aille faire des rites de veuvages dans notre village situé  à plus de 80 km de Lomé. Une fois la cérémonie de veuvages finie, mon beau frère et mes belles sœurs sont venus prendre ce que mon mari et moi avons pris toute une vie pour construire : maison matériel électroménager, moto, etc. C’est ainsi que je me suis retrouvée dans la rue avec mes deux filles, âgées de 15 et 19 ans ». Mais, Mme Solim refusait de se laisser faire. C’est ainsi qu’elle décide de se lancer en agriculture.

Novice dans le domaine, elle a dû faire un stage de quelques semaines pour apprendre les techniques de bases du maîchage le champ de son amie. Une fois le stage terminé, elle a pris un  prêt de 300 000 FCFA (soit $600 US) et elle a loué une parcelle d’un hectare.

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Photo crédit: Daniel Addeh

 

C’est son amie, Ayawa Akakpo qui lui a donné les cours. Forte de ses 7 années d’expériences, elle apprécie aujourd’hui les efforts fournis par Mme Solim. Elle dit: « Solim m’a émerveillé. Dire qu’il y a trois ans, elle ne connaissait rien de l’agriculture. Le champ qu’elle occupe aujourd’hui est juste à côté du mien comme vous pouvez le voir. » Elle confie ceci avec un brin d’humour : « Elle est aujourd’hui une concurrente sérieuse ».

Mme Solim a tenté en vain de récupérer ces biens. Le code togolais des personnes et de la famille ne reconnait pas le droit à l’héritage aux veuves et aux enfants,  malgré les nombreuses actions menées par les organisations de défense des droits des femmes pour changer cette loi.

Plusieurs organisations ont vu le jour pour contester les politiques nationales et de soutenir les femmes et les enfants affectés. C’est notamment le cas du Fonds d’aides aux veuves et aux orphelins, le FONDAVO. Depuis sa création, il y a bientôt 4 ans, le FONDAVO travaille avec plus de 300 veuves.

Le Dr. Charles Birregah est le fondateur de cette ONG. Il dit : « La situation des veuves au Togo est très préoccupante. À la mort de leurs époux, la plupart d’entre elles sont dépossédées de leurs biens et sont souvent obligées de se soumettre à des rites de veuvages humiliants ».

Mme Solim fait partie des rares femmes qui, grâce aux activités champêtres, à récupérer ses moyens de subsistance même si elle n’a pas su reprendre ses biens. Mme Solim explique son succès par le courage et surtout la détermination qu’elle avait au départ pour sortir de sa situation de précarité.

Elle est aujourd’hui capable d’envoyer ses enfants à l’école et de subvenir à leurs besoins grâce aux bénéfices qu’elle arrive à faire de ses récoltes. Elle envisage louer plus de terre, sur lesquelles elle fera la culture du piment et de certaines légumes. Pour que cela soit possible, il lui faudra faire à nouveau un prêt mais elle dit que  les bénéfices engendrés en valeront le coup.