Togo : Un barrage s’assèche, poussant ainsi des maraîchers à creuser des puits, ce qui fragilise le sol

| septembre 10, 2018

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Benoit Koundou transpire abondamment. Son visage perle de sueur. Ce maraîcher de 60 ans bouche le petit canal d’irrigation qui va vers sa parcelle, puis retourne vers le sac d’engrais qu’il s’apprête à répandre sur les jeunes plants de tomates.

Même s’il porte des bottes, il doit se déplacer lentement à travers la boue et l’eau qui circule à travers les billons. Finalement, le maraîcher s’arrête et déclare : « Le champ est suffisamment irrigué pour aujourd’hui, sinon je risque d’inonder tout le casier. »

Monsieur Koundou produit des tomates en contre-saison près du barrage de Tantigou, à Dapaong, dans le nord du Togo, à 640 kilomètres de Lomé la capitale. Des jardins longent une grande partie du chemin près du barrage, près d’un système d’irrigation de trois kilomètres.

Près de 200 maraîchers arrosent leurs champs de tomates, d’oignons, de piments et d’autres légumes avec l’eau provenant du barrage de Tantigou. Monsieur Koundou possède quatre parcelles mesurant chacun environ 400 mètres carrés. En saison pluvieuse, il produit du riz pour la consommation familiale. Après la moisson du riz, il prépare sa terre pour y planter des tomates.

Le système d’irrigation est situé en aval du barrage. Une vanne est ouverte périodiquement et les producteurs et les productrices ouvrent à tour de rôle de plus petits canaux d’irrigation qui mènent à leurs champs.

Monsieur Koundou explique comment il irrigue sa parcelle : « C’est là que tout se passe. Dès que j’ai besoin d’eau, j’ouvre la canalisation secondaire et lorsque la parcelle est suffisamment irriguée, je retourne boucher le trou. »

Avec un site qui est bien situé et un moyen d’arrosage facile, monsieur Koundou peut cultiver des tomates pendant six à sept mois par an, y compris pendant la saison sèche, et obtenir un revenu stable.

Il gagne environ 800 000 FCFA (1 425 $ US) par an en vendant des tomates.

Mais le barrage et le système d’irrigation, qui couvre une superficie de 80 hectares et qui a été construit en 1967, est vieux et mal entretenu.

Depuis quelques années, le barrage de Tantigou tarit entre fin février et mai, causant ainsi des problèmes aux maraîchers.

Par conséquent, monsieur Koundou et ses collègues creusent de petits puits sur leurs parcelles pour avoir de l’eau pour leurs cultures. Les puits ont une profondeur de cinq à six mètres.
Ils utilisent des motopompes pour ramener l’eau à la surface, « ce qui bien entendu consomme beaucoup, » déclare monsieur Koundou avec regret. Les motopompes fonctionnent à l’essence, et il utilise six à sept litres pour remplir la machine pour un arrosage de près de deux jours. Le litre coûte 500 FCFA (0,91 $ US), par conséquent, la pompe peut engloutir jusqu’à 10 % de son bénéfice.

Papa Mawuko est originaire du sud du Togo, mais il vit à Dapaong depuis plusieurs années. Il est également maraîcher et cultive des légumes sur une parcelle située à environ cinq kilomètres du barrage, surtout des choux de saison sèche. Il irrigue sa parcelle essentiellement avec l’eau de puits.

Il déclare : « Je le fais depuis cinq ans. Seulement, j’ai besoin d’une motopompe pour arroser. J’ai trois puits sur les deux hectares que je cultive. J’ai assez d’eau pour arroser durant la saison entière, mais ça coûte cher. »

Lare Monoka est le directeur de l’Institut de Conseil et d’Appui Technique de Dapaong. Il affirme que l’envasement est à l’origine de l’assèchement du barrage.

« Le barrage date de très longtemps et il n’a jamais été curé, c’est ce qui fait qu’en fin février, l’eau tarit complètement. On a déjà fait plusieurs projets de curage, mais on n’a pas eu de financement pour curer le barrage. »

Le barrage est rempli de sable et de déchets qui s’y déposent au fil des années, ce qui fait que le barrage retient moins d’eau. Tout comme c’est le cas pour les caniveaux en ville, le barrage doit être curé de temps en temps. Mais la superficie est très vaste et nécessite des machines adaptées. Une fois curé, le barrage deviendra plus spacieux et plus profond, et sera ainsi suffisamment large pour contenir assez d’eau pour les maraîchers et les maraîchères qui pourront irriguer leurs champs plus longtemps.

Monsieur Monoka déconseille aux maraîchers et aux maraîchères de creuser des puits. Il soutient que cela détruit la structure du sol. Il explique : « Le problème c’est qu’à la saison des pluies, il faut reboucher ces puits pour faire le riz ou parfois le maïs en attendant la saison sèche pour encore creuser de nouveaux puits. Cela déstabilise le sol et crée l’érosion. Cette méthode n’est pas adaptée. En effet, le domaine de Tantigou est fait pour être irrigué. »

Monsieur Koundou et les autres maraîchers souhaitent cesser de creuser des puits de fortune. Mais tant qu’ils n’ont pas une solution à l’assèchement du barrage de Tantigou ils continueront, même si cela prend beaucoup de temps et est coûteux.

Photo: Le champs de Benoit Koundou