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Tanzanie : Les agriculteurs retiennent le bétail, ce qui crée des altercations entre eux et les éleveurs

À Bagamoyo, un district situé sur la côte de l’océan Indien, en Tanzanie, vous rencontrerez très souvent des éleveurs et des éleveuses masai conduisant des troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres. Beaucoup de Masai pratiquent l’élevage. Originaires généralement du nord du pays, ils vivent également dans des villages au sud de la Tanzanie. Ils conduisent des milliers de vaches, de chèvres et de moutons à la recherche de pâturages et d’eau.

L’afflux de bergers a provoqué de nombreux conflits avec les agriculteurs et les agricultrices locaux, dont plusieurs élèvent aussi du bétail. Pour protéger leurs champs, les populations des villages de Milo, Chamakweza et Pingo ont créé des centres de détention de bétail.

Les autorités villageoises, les agriculteurs et les agricultrices gardent en captivité les animaux qu’ils surprennent en train d’errer sans la surveillance d’un berger ou d’une bergère, et ce, jusqu’à ce que leurs propriétaires paient une amende.

Said Ngopilo est un éleveur masai. Il affirme que les autorités lui ont imposé l’an dernier une amende de 30 000 shillings tanzaniens (14 $US) pour chaque animal, un montant qu’il refusa de payer. Il explique : « En début 2016, des jeunes ont capturé 172 de mes bêtes, sous prétexte qu’elles broutaient sur leurs terres, et ont tenté de me faire payer 750 000 shillings (330 $US). Je m’y suis opposé, et plus tard mes vaches furent relâchées. »

Monsieur Ngopilo soutient que les autorités villageoises qui gèrent les centres et les surveillant(e)s des animaux en détention se partagent les amendes.

Il ajoute que la procédure de détention des animaux est parfois compliquée. Par exemple : parfois, les villageois(e)s mènent le bétail dans leurs propres champs, et demandent un dédommagement plus tard.

Le chef du conseil du village de Pingo affirme qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de retenir les vaches. Miradji Dimbe déclare : « Il [les centres de détention] s’agit d’une façon de résorber les différends entre les agriculteurs et les éleveurs. »

Monsieur Dimbe ajoute que, dans le village de Pingo, l’amende pour une bête s’élève à 50 000 shillings (22 $US). À ses dires, ce sont les paysans et les paysannes qui fixent eux-mêmes le montant des amendes, et ils n’en discutent pas avec les éleveurs et les éleveuses. Il explique : « Cette idée a été suggérée par les agriculteurs et les agricultrices en vue d’instaurer une discipline parmi les bergers. »

Gidufan Gafufen représente le district de Bagamoyo au sein de l’Association des propriétaires de bétail tanzaniens. Selon lui, les centres de détention de bétail constituent une mesure arbitraire contre les éleveurs et les éleveuses, et le gouvernement semble mépriser ces derniers et favoriser les agriculteurs et les agricultrices. Il ajoute : « C’est un [acte] illégal…. La majorité des amendes sont payées sans qu’un reçu soit délivré. »

Les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs se soldent par la mort de personnes et d’animaux, ainsi que la destruction de champs, de cultures et d’habitations.

William Ole Nasha est le sous-ministre de l’Agriculture, l’Élevage et la Pêche, et le responsable du développement des productions animales. Il soutient que les conflits sont fréquents en raison des stress climatiques qui empirent et de la population croissante, ce qui entraîne une rude concurrence pour les terres, l’eau et le pâturage peu abondants.

Monsieur Ngopilo convient qu’il est difficile de mettre fin aux conflits entre les éleveurs et les agriculteurs, car le problème résulte surtout du changement climatique et de la réduction des terres pour les deux groupes. Il poursuit en disant que des lois doivent être adoptées pour protéger les membres des deux groupes, et que les autorités doivent encourager les responsables communautaires à organiser une médiation lorsque surviennent des différends.

Monsieur Ole Nasha ajoute : « Une des mesures que nous avons prises c’est de revoir … les politiques de gestion du bétail. Nous réfléchissons à la possibilité d’accroître les pâturages en réduisant les aires de gestion de la faune et de les distribuer aux bergers. »

Photo: Maasai herder Said Ngopilo