Tanzanie: La raréfaction des pâturages menace la culture massai (par Zenzele Ndebele, pour Agro Radio Hebdo, en Tanzanie)

| octobre 15, 2012

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Les Massai sont connus pour être un peuple de pasteurs. Mais cela pourrait changer dans un futur proche si rien n’est fait pour protéger leur territoire.

Stephen Lessinga, soixante-quatre ans, est un massai qui a grandi dans le village de Longido. Depuis toujours, il bénéficie de vastes zones de pâturages, grâce à des droits traditionnels, et il possédait autrefois un certain nombre de têtes de bétail. Il y a trois décennies, il a quitté Longido pour la ville, où il a occupé un emploi de fonctionnaire. Quand M. Lessinga a pris sa retraite, il y a deux ans, il est retourné dans son village pour se rendre compte que l’assemblée du district local avait subdivisé son domaine et en avait fait don.

Longido est à 80 kilomètres au nord d’Arusha, près de la frontière kenyane. De nombreuses familles massai vivent là, dans leurs huttes traditionnelles. On peut voir les hommes massai portant leur robe rouge, marchant dans les plaines sèches et poussiéreuses avec leur bétail. Ce territoire est une terre pastorale massai, gouvernée en respect des droits fonciers tribaux. Les Massai ne possèdent pas de titres ou de certificats fonciers.

Au fil des années, des milliers d’acres de terres pastorales ont été mises de côté par le gouvernement pour y construire des écoles, des cliniques, des parcs d’attractions et des terrains de camping. En 2007, Longido est devenu un district, et le gouvernement a commencé à construire des bureaux de district et des immeubles. Ces développements ont empiété sur les terrains de pâturage traditionnels et menacent maintenant le fondement de la culture et des moyens de survie des Massai -leur bétail.

Ces deux dernières années, M. Lessingo s’est battu pour se récupérer sa terre. Il a parlé au chef de district à de nombreuses reprises. Il a engagé un avocat, et a tenté de défendre son cas devant la cour, mais sans succès. Il dit qu’il continuera à se battre pour sa terre: « Je suis né ici et je n’ai nulle part [d’autre] où aller. J’ai sept enfants qui sont tous adultes maintenant et ils ont aussi besoin d’un lopin de terre.»

M. Lessinga n’est pas le seul Massai ayant des problèmes fonciers. Beaucoup d’hommes massai croient que le développement accru signifie qu’ils n’auront bientôt plus d’endroit où faire paître leurs bêtes.

Oyare Lemarle Olekambuni est un doyen de la communauté massai, et le frère de M. Lessinga. Il se souvient que quand son frère et lui étaient petits garçons, il y avait peu de gens dans la région. Maintenant, la population a augmenté et il y a des écoles et des hôpitaux. M. Olekambuni accueille favorablement le développement à Longido car les enfants peuvent maintenant aller à l’école. Mais le problème avec ces nouveaux bâtiments, selon lui, c’est qu’ils bloquent les voies de pâturage traditionnelles. Il explique que quand on dit aux autorités de faire de la place pour le bétail, personne n’écoute.

Olengunin Marle vit aussi à Longido. Il dit que les bêtes de la communauté perdent du poids et de la valeur parce qu’il n’y a pas de pâturages adéquats.

M. Marle dit que les Massai de Longido doivent accepter le développement parce qu’il se manifeste partout. Il dit: « Je ne suis pas allé à l’école, mais je dois envoyer mes enfants à l’école parce que (…)  nous n’avons même pas de terrain pour garder le bétail. » Mais il est déterminé à défendre ses droits, et déclare: « Nous allons essayer d’empêcher ces gens de prendre tout le territoire. »

Kamakia Mathew Kuyan est parmi les Massai qui ont encore un bon nombre de bêtes. Mais il s’inquiète de ce que le gouvernement ne consulte pas et n’implique pas le peuple massai quand il prend ses terres. On leur dit simplement que c’est la politique du gouvernement.

Mussa Kichumu est l’Agent Foncier de District pour le district de Longido. Il défend les actions du gouvernement et explique: « Le but du conseil de district est d’amener les services plus près des gens. Le peuple massai ne devrait pas s’inquiéter (…) nous voulons nous assurer que le territoire est utilisé de façon durable. »

M. Kichumu dit que le conseil consulte toujours la population locale en ce qui concerne les questions d’utilisation des terres. Il concède que le territoire demeurant disponible pour les Massai s’amoindrit. Mais il croit que sans une planification appropriée de l’utilisation des terres, il y aura davantage de conflits fonciers.

Les Massai sont le seul peuple de Tanzanie qui a maintenu sa culture traditionnelle malgré le colonialisme et les guerres inter-tribales. Mais le mode de vie des Massai continuera d’être menacé si aucune mesure n’est prise pour protéger leur territoire. M. Lessinga défend ses droits fonciers et continuera sa lutte. Il dit: « Je suis même prêt à défendre cette cause [devant] le président si ces gens ne veulent pas m’écouter. »