Soudan du Sud : Le conflit provoque une crise de bétail (IRIN)

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L’éleveur John Mabil déclare : « Maintenant, je suis voué à la ruine. »

M. Mabil élève des bovins à Bor, la capitale de l’État de Jonglei, au Soudan du Sud. Le conflit qui mine actuellement le pays l’a obligé à fuir, tout d’abord dans l’État voisin du Lake, puis vers la capitale Juba, et finalement à Kukuma, un camp de réfugiés au nord du Kenya.

Pendant qu’il vivait dans le camp, M. Mabil a échafaudé le plan suivant : il se paierait des études universitaires en Ouganda en vendant quelques-uns de ses 25 bovins. Puis, il retournerait pour exercer un meilleur emploi dans un Soudan du Sud paisible, et garderait le reste de ses vaches pour payer une dote. Il se marierait, fonderait une famille et, avec le temps, oublierait la guerre.

Mais, en janvier, son père lui a annoncé que onze de ses vaches étaient mortes et que plusieurs étaient malades et mourraient probablement. Le rêve de M. Mabil d’aller à l’université pourrait s’évanouir avec elles.

Les vaches souffraient d’une diarrhée sanglante et d’un manque d’appétit qui sont des symptômes de la fièvre rhodésienne. À cause de la guerre, le père de M. Mabil a dû amener les animaux brouter dans une localité au sud-est du Soudan du Sud où la maladie est très répandue. Il avait bon espoir que son bétail ne serait pas infecté.

Treize mois de guerre civile ont créé des troubles sur les routes de migration habituelles. Selon un rapport de la FAO, le conflit a forcé des milliers d’éleveurs à abandonner les routes habituelles dans leur quête désespérée de sécurité.

Sue Lautze est la représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Soudan du Sud. Elle affirme que l’élevage de bovins risque « de ne plus être une activité viable sur le plan économique ni un mode de vie viable. »

Selon la FAO, le déplacement généralisé de bétail provoque des « conflits tribaux, des razzias de bovins et des éclosions de maladies. [Ces problèmes] ont atteint un niveau sans précédent, menacent le cheptel national et détruisent le tissu social, politique et économique du Soudan du Sud. »

La FAO estime qu’au moins 80 pour cent de la population du Soudan du Sud est dépendante du bétail jusqu’à un certain degré. Le Dr Lautze explique : « Si vous voulez vous marier, le bétail entre en jeu. Si vous voulez régler un différend sans qu’il y ait des morts, il vous faut avoir du bétail. Si vous voulez célébrer un événement, réparer une erreur, il est toujours question de bétail … Les animaux sont une ressource de subsistance extraordinaire. »

Le gouvernement du Soudan du Sud est très conscient de la valeur sociale et économique des bovins. Il avait l’habitude de s’occuper de la santé et la protection des animaux, en déployant l’armée et la police pendant la saison sèche pour éviter le vol de bétail. Les agents de santé animale communautaires aidaient les agricultrices et les agriculteurs avec des vaccins.

Cependant, le gouvernement a transféré les ressources destinées aux soins du bétail vers les efforts de guerre, selon le Dr Lautze. Le budget national prévoit seulement 130 millions de dollars américains pour toutes activités relatives à la gestion des ressources naturelles, y compris les soins destinés au bétail. Comparé à cela, un montant de plus de 1,3 milliard de dollars américains est bloqué pour les besoins militaires et de la police.

Les répercussions des changements effectués par le gouvernement au niveau des priorités se font déjà percevoir. La fièvre rhodésienne, la fièvre aphteuse et la trypanosomiase sont devenues des problèmes majeurs. Une communauté a perdu 8 000 bovins à cause la grande douve du foie, un parasite facile à soigner en temps normal.

La paix est le moyen viable pour les bergères et les bergers de rétablir leurs routes habituelles, permettre à leur bétail de retrouver la santé et reconstruire les marchés et les communautés. Mais le Dr Lautze soutient que si les combats se poursuivent, les éleveuses et les éleveurs pourraient perdre les animaux dont ils dépendent.

La paix semble encore très loin. Les agricultrices et les agriculteurs sont énervés par les dégâts que les animaux migrateurs causent à leurs cultures. Le père de M. Mabil recevait des menaces lorsqu’il conduisait ses vaches vers de nouveaux pâturages. M. Mabil déclare : « Ils ont tué certaines vaches et quand on leur a demandé de s’expliquer, ils ont commencé à faire la bagarre. »

Pour lire l’article duquel provient cette histoire intitulée : « Conflit et bétail au Soudan du Sud : une crise au ralenti », cliquez sur : http://www.irinnews.org/fr/report/101023/conflit-et-b%C3%A9tail-au-soudan-du-sud-une-crise-au-ralenti