Sénégal : Un arbuste touffu est de nouveau respecté à cause de sa contribution à la fertilité des sols (NPR)

| juillet 11, 2022

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Nouvelle en bref

Guiera senegalensis, également appelé n’guer en langue locale wolof, est une plante robuste qu’on trouve dans les environs de la capitale du Sénégal depuis des milliers d’années, tout comme son arbuste sœur, Piliostigma reticulatum, ou kafalataku en langue locale dioula, qui lui ressemble, mais qu’on trouve plus dans le sud plus arrosé du Sénégal. Pendant des années, les instructions étaient claires : les agriculteurs et agricultrices devaient arracher les arbustes, et en débarrasser ainsi leurs champs avant la saison de semis. Les gens croyaient que ces arbustes privaient les cultures d’eau. Mais, maintenant, une nouvelle opinion émerge chez un petit, mais croissant, contingent de cultivateurs et cultivatrices et de chercheurs et chercheures, qui recommande de conserver ces arbustes. En fait, ces personnes recommandent de planter plus d’arbustes, soit un à chaque trois mètres carré du champ. Lorsque les agriculteurs et agricultrices sèment, ces arbustes piègent la terre arable, rafraîchissent le milieu environnant et font remonter à la surface l’eau qui se trouvent dans les profondeurs. Les feuilles et les branches de ces arbustes, lorsqu’on les taille, les déchiquette et les éparpille sur le sol, produisent une biomasse fertilisante. Des champs expérimentaux de millet incorporant des arbustes ont un rendement plus élevé de 105 % et 128 % lorsqu’on les plante avec le kafalataku et le n’guer, respectivement. L’utilisation des arbustes élimine également le besoin d’achat d’engrais coûteux et ayant de lourdes conséquences pour l’environnement.

Pendant des années, les instructions étaient claires : les agriculteurs et agricultrices devaient arracher les arbustes, et en débarrasser ainsi leurs champs avant la saison de semis. Ces petits arbustes robustes verdoyants, appelés n’guer en wolof, la langue locale, poussent bien malgré tout dans le climat semi-aride du Sénégal, sur la terre sablonneuse, et arrivent à hauteur de genoux. Les gens croyaient que ces arbustes privaient les cultures d’eau.

Mais, maintenant, une nouvelle opinion émerge chez un petit, mais croissant, contingent de cultivateurs et cultivatrices et de chercheur et chercheures, à savoir qu’il faut conserver les arbustes. Il est recommandé de les tailler, de les émonder jusqu’au niveau du sol, de faire les semis tout autour des arbustes, et même par-dessus, car cela ne dérangera pas les racines profondes des arbustes.

Les conseils vont même plus loin : Il faut planter plus d’arbustes dans votre champ, soit environ un à chaque trois mètres carré.

Sidy Diakhaté peut témoigner du pouvoir des arbustes. Il est consultant agricole et agriculteur. Son exploitation agricole de six acres est située dans les plaines sablonneuses plates de Khombole, à environ 97 kilomètres à l’est de la capitale en pleine expansion, Dakar.

Ses champs sont couverts d’arbustes robustes. Et c’est grâce à eux, dit-il, que ses parcelles de poivrons, d’aubergines et de choux ont bien produit cette saison.

Guiera senegalensis est une plante robuste qui pousse ici depuis des milliers d’années, tout comme son arbuste sœur, Piliostigma reticulatum, ou kafalataku en langue locale dioula, qui lui ressemble, mais qu’on trouve surtout dans le sud plus arrosé du Sénégal. Lorsque les agriculteurs et agricultrices sèment en saison pluvieuse dans les plaines sablonneuses du sahel, les arbustes créent des « îles fertiles » en piégeant la terre arable et en rafraîchissante le milieu environnant. Ils font également remonter à la surface l’eau qui se trouve en profondeur et qui est naturellement hors de portée des autres cultures par le biais d’un processus appelé relèvement hydraulique. La nuit, lorsque la photosynthèse s’arrête, l’excès d’eau remontée vers la surface depuis les racines profondes des arbustes s’échappe, nourrissant ainsi la couche située près de la surface.

De plus, les feuilles et les branches de ces arbustes, lorsqu’on les taille, les déchiquette et les éparpille sur le sol, produisent une biomasse fertilisante

Ibrahima Diedhiou est un professeur de l’université de Thiès qui étudie ces arbustes depuis deux décennies, et qui collabore actuellement avec des scientifiques américains. À ses dires, les agriculteurs et agricultrices sont confrontés à de graves problèmes comme la dégradation des sols, le changement climatique, et surtout la sécheresse.

Il ajoute : « Les agriculteurs peuvent utiliser [ces arbustes] pour réduire leur vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, car les arbustes peuvent améliorer les rendements des cultures, protéger le sol et les rendre moins vulnérables aux sécheresses qui nous posent plus de problèmes ici. »

Après plusieurs années de recherches, des gens comme monsieur Diedhiou et monsieur Diakhaté, qui a obtenu son doctorat après avoir étudié comment les arbustes peuvent agir comme pesticides naturels en tenant les nématodes à distance, essaient maintenant de transporter leurs recherches des classes vers les champs.

En fin 2021, des adeptes de l’utilisation des arbustes, des agriculteurs et agricultrices et des étudiant et étudiantes se sont réunis lors d’une journée champêtre organisée par l’Agro Shrub Alliance et l’Université de Thiès. Dans les champs expérimentaux, les participant et participantes ont été invités à observer le millet qui poussait dans les champs remplis d’arbustes. Les tiges surplombaient beaucoup plus les tiges plus petites du millet cultivé à l’écart des arbustes. Les parcelles expérimentales de millet incorporant des arbustes ont des rendements plus élevés de 105 % et de 128 % lorsque le millet est cultivé avec le kafalataku et le n’guer, respectivement. L’utilisation des arbustes élimine également le besoin en engrais coûteux et qui ont de lourdes conséquences pour l’environnement.

L’Agro-Shrub Alliance élargit actuellement la portée de cette méthode de culture intercalaire avec les arbustes, connue sous le nom de « Système d’arbustes optimisé » au Sénégal. Les arbustes ne sont plantés qu’une fois dans les champs. Par ailleurs, il faut les tailler, les entretenir pour couper les feuilles et les troncs pour faire de la biomasse et les protéger des animaux en pâture. Monsieur Diedhiou note que tout cela augmente la charge de travail des agriculteurs et agricultrices.

Des machines spécialisées pour la fabrication du paillis ont été présentées lors de la journée champêtre pour faciliter la réduction des feuilles et des branches des arbustes en paillis, mais cet équipement n’est pas disponible partout. De plus, des agentes de vulgarisation agricole doivent encadrer les agriculteurs et agricultrices durant la première année à mesure que leurs semis d’arbuste parviennent à maturité et qu’ils/elles apprennent à intégrer les plantes à leurs champs. Tout cela nécessite une volonté politique concertée, ainsi que du temps, des efforts et des financements.

Amanda Davey est la directrice générale de l’Agro-Shrub Alliance, un organisme à but non lucratif créé dans le cadre des recherches de l’Université d’État de l’Ohio sur les arbustes. Selon elle, cette pratique peu coûteuse est indispensable pour renforcer la résilience et la capacité du monde agricole à s’adapter au changement climatique. Elle affirme que, même si les agriculteurs et agricultrices ne peuvent pas s’occuper des arbustes sur toute leur terre agricole, ils/elles pourraient au moins le faire sur une parcelle. Elle déclare : « Je considère cela comme une sorte d’assurance. Si vous ne pouvez pas le faire pour 10 hectares, faites-le sur un hectare, et vous aurez de quoi manger pour votre famille. »

Pour l’instant, monsieur Diakhaté soutient que ses voisins et voisines examinent avec curiosité ses champs de légumes. Il déclare : « Ils sont très curieux. » Certaines personnes lui ont demandé si elles pouvaient appliquer elles-mêmes cette méthode, et il est disposé à les rallier à lui. Il soutient que cette curiosité, ainsi que l’accompagnement du gouvernement, sera nécessaire pour amener plus de gens à adopter ces pratiques et surmonter les obstacles tels que la charge de travail accrue.

Il déclare : « Je pense que nous pouvons essayer de bâtir un nouvel avenir grâce à ce type d’arbuste. »

La présente nouvelle est inspirée de l’article « Farmers in Senegal learn to respect a scruffy shrub that gets no respect. » écrit par Nick Roll et publié par NPR’s Goats and Soda en février 2022. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : https://www.npr.org/sections/goatsandsoda/2022/02/20/1079777745/farmers-in-senegal-learn-to-respect-a-scruffy-shrub-that-gets-no-respect