Sénégal : Élever des poulets en bonne santé en milieu urbain, même dans des espaces restreints

| juin 10, 2019

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Rama Ndaw monte lentement l’escalier qui mène à la terrasse de la maison familiale. Elle pousse délicatement de côté des sacs d’aliments empilés bien haut sur l’escalier. Une forte odeur se dégage. Derrière la petite porte en grillage situé en haut des marches, il y a environ 300 poulets. Pesant chacun 1,3 kilogramme, ces poulets âgés de 35 jours sont prêts pour la vente.

Pendant qu’elle range les mangeoires et les abreuvoirs, madame Ndaw découvre un poulet mort. Elle le met dans un sac en plastique noir, s’assoit sur un banc en bois à l’entrée du poulailler, hoche les épaules, et déclare : « En six ans, je suis presque habituée… Ça va aller. »

Madame Ndaw a 40 ans et est mère de trois enfants. Elle vit à Guédiawaye, une banlieue de Dakar, la capitale du Sénégal. À l’instar d’autres aviculteurs et avicultrices de banlieue, elle peine à respecter les normes de ventilation et d’hygiène dans son petit espace. Mais après avoir demandé conseil à un vétérinaire, elle a changé ses méthodes, et a moins de pertes causées par les maladies.

Madame Ndaw élève des poules depuis 2011. Elle a commencé par 50 poussins dans un espace de 10 mètres carrés du marché local. Elle a repris les poussins de son frère qui avait abandonné son activité avicole après avoir subi une série de pertes. Elle a passé quatre ans à élever des poulets au marché, mais ne disposait pas d’espace pour élever plus de 100 volatiles.

Elle a économisé 300 000 FCFA (510 $ US) et, en 2015, elle a construit un poulailler sur la terrasse familiale. Le poulailler a une superficie de 20 mètres carrés et est construit avec des blocs de ciment. Le sol est recouvert de copeaux de bois, et les ouvertures grillagées, les bâches et les auvents protègent les poules de la pluie et du soleil. Elle a investi également dans des mangeoires et des abreuvoirs.

Cependant, elle a subi d’énormes pertes. En saison sèche, madame Ndaw perd parfois plus de deux tiers de sa volaille des suites de maladies.

La bursite infectieuse, connue aussi sous le nom de la maladie du Gumboro, est un fait courant dans le secteur avicole sénégalais. C’est une maladie virale contagieuse qui provoque la diarrhée et diminue l’appétit des volailles.

Seynabou Diop élève des poulets à Serigne Mansour Ly, une autre banlieue de Dakar. Selon la saison, elle a 300 à 700 poulets dans son espace de 36 mètres carrés.

Dans un coin du poulailler, 300 poussins picorent dans les abreuvoirs et les mangeoires en carton posés sur le sol recouvert de copeaux de bois. La salle est sombre. Toutes les ouvertures sont fermées pour protéger les poussins de trois jours de la chaleur et du sable soulevé par le vent. Malgré ces précautions, un poussin est mort, et c’est le troisième en deux jours. L’avicultrice de 22 ans est un peu inquiète.

Elle déclare : « Je n’aime pas ça du tout. En août 2016, j’ai perdu 200 des 300 poulets que je possédais à cause de la diarrhée. Et ils étaient à leur 35e jour… Je commençais même à en vendre. Imaginez tout l’investissement, près de 400 000 francs CFA (680 $ US) et pour rien. La diarrhée tue mes poulets tout le temps. »

Le vétérinaire Sarra Ndao conseille madame Ndaw et madame Diop sur la façon d’améliorer leurs activités avicoles. Il explique que le surpeuplement, la mauvaise hygiène et la mauvaise aération favorisent la propagation des maladies. La diarrhée peut tuer les volatiles.

Il déclare : « Dans la première semaine, il faut 30 à 40 poussins par mètre carré. Pendant la deuxième, 25 à 30 par mètre carré; la troisième, 20 par mètres carrés; au cours de la quatrième, 15 par mètre carré; et, enfin, 10 par mètre carré au-delà du trentième jour. Ces normes sont rarement respectées, car nous sommes en zone urbaine. Et avec peu d’espace, les éleveurs veulent en faire plus. C’est le cas de ces deux éleveuses. »

Le Dr Ndao affirme que les poulaillers doivent être de forme rectangulaire, avec des ouvertures munies de grillages près du plafond pour laisser l’air circuler. Le poulailler de madame Ndaw n’a pas ce type d’ouvertures, car elle craint que ses voisins se plaignent des odeurs. Le poulailler de madame Diop est également fermé pour protéger ses volatiles du sable poudreux et de la chaleur.

Comme elles jugent qu’elles ne peuvent pas satisfaire aux normes d’aération, les deux éleveuses axent leurs efforts sur les recommandations hygiéniques du vétérinaire pour améliorer la santé de leurs volailles.

Elles ont commencé à réduire le nombre de poussins pour tenir compte de la surface de leurs bâtiments. Depuis quelques mois, elles marquent un temps d’arrêt de 15 jours entre les éclosions de poussins. Pendant cette période, elles nettoient le poulailler, l’aèrent et le désinfectent avec du détergent pour éliminer tous les germes, même les plus résistants, avant d’y accueillir de nouveaux poussins.

Avant l’application de ces mesures, 40 à 70 % des volatiles mourraient. Les pertes qu’elles ont enregistrées avec les deux dernières couvées varient désormais entre 20 et 30 %. Elles espèrent réduire davantage les pertes en renforçant davantage l’hygiène et l’entretien.

Ces femmes gagnent en moyenne 300 000 francs CFA (510 $ US) tous les 35 à 45 jours. Madame Ndaw utilise son revenu pour contribuer aux dépenses quotidiennes de la famille. Madame Diop aide ses parents et économise pour investir dans l’élevage des moutons.

Les deux femmes rêvent d’avoir de grandes fermes à l’extérieur de la ville, où elles pourraient avoir plus d’espace pour satisfaire aux normes de ventilation et d’hygiène, élever plus de poulets et gagner plus d’argent.

La présente nouvelle a été initialement publiée en octobre 2017. Photo : Rama Ndaw avec ses poulets