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Sénégal : Des femmes luttent pour le leadership féminin dans la gouvernance locale

En cette nuit du mois d’octobre, il fait 31 degrés à Dakar, la capitale sénégalaise. Il est presque 22 h. Pourtant, la rue qui passe devant la Mairie de Dieuppeul-Derklé, grouille toujours de passants. À l’intérieur de cet Hôtel de Ville, Aminata Faye est toujours dans son bureau. Madame Faye y est conseillère municipale depuis 2014, année des dernières élections locales au Sénégal. Elle est en pleine période de désignation des candidats pour les prochaines élections locales prévues en janvier 2022.

En 2010, une loi a été introduite au Sénégal pour requérir que la moitié de tous les candidats de chaque parti politique soit des femmes. Cette loi a permis de doubler la proportion des femmes élues. Cependant, même élues, beaucoup de femmes n’occupent pas de postes de responsabilité. Elles sont plutôt souvent limitées à des rôles inférieurs, des rôles locaux tels que celui de conseillère municipale.

Madame Faye déclare : « Avec mes 40 ans d’expérience en politique, je suis certaine que si j’étais un homme, j’allais être maire ou au moins candidate à la mairie. »

Malgré sa longue expérience en politique et son engagement indéfectible, madame Faye n’a toujours pas dépassé le rang de conseillère municipale. Elle rencontre des défis que plusieurs femmes en politique considèrent comme du sexisme.

Madame Fatou Sow Sarr est sociologue et chercheuse à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire. Elle est également présidente du Caucus des Femmes leaders du Sénégal. Elle soutient que l’absence de femmes leaders au Sénégal est inacceptable.

Elle affirme que les femmes occupent des postes de décision dans différentes sphères du gouvernement dans seulement 15 des 557 communes du Sénégal.

Par conséquent, qu’est-ce qui justifie cette absence de femmes au niveau les postes de responsabilité?

Madame Faye explique que dans la culture sénégalaise, l’homme est considéré comme le chef de famille et prend les décisions majeures. Pour les femmes, la soumission aux hommes est considérée comme une vertu. Ces normes sociales se reflètent dans les professions des hommes et des femmes.

Amsatou Sow Sidibé est une professeure locale qui travaille en étroite collaboration avec le bureau d’ONU-Femmes en Afrique de l’Ouest. À ses dires les femmes sont généralement considérées comme inférieures aux hommes.

Elle explique : « La majorité des communes sont rurales et au Sénégal la femme rurale a rarement droit à la parole. En plus, la violence qui accompagne la politique en Afrique fait que les femmes ne veulent pas trop s’engager dans le domaine. Elles ont généralement un sentiment de vulnérabilité face à l’intimidation politique et à la violence. Par ailleurs, il est mal vu au Sénégal qu’une femme reste dehors jusque tard le soir alors qu’en politique les rencontres peuvent prendre toute la nuit. »

Cependant, les femmes forment de plus en plus des associations pour encourager la participation des femmes leaders aux postes de responsabilité. Par exemple, madame Faye préside la fédération des femmes de Dieuppeul-Derklé qui regroupe des centaines de femmes de toutes les couches de la société. Les associations telles que celles-ci organisent des campagnes de sensibilisation et des ateliers de formation pour aider les femmes à s’engager de façon significative dans la politique.

La professeure Amsatou Sow Sidibé dirige une autre association dénommée le réseau Dialogue Sécurité Paix en Afrique. Ce réseau a organisé un atelier de formation au profit de 50 femmes en mi-décembre sur les techniques d’observation et de suivi des élections.

Une troisième association, le Caucus des femmes leaders sénégalaises, vise à aider les femmes à réussir en politique en renforçant leur présence dans les médias. Elle apprend aux femmes à s’exprimer à l’antenne et aux journalistes à améliorer la couverture médiatique des femmes en politique. Cette association s’est également engagée à appuyer toutes les candidates indépendantes des prochaines élections. Elle a promis de mettre leur réseau et un représentant local à la disposition des candidates pour les aider à préparer et mettre en œuvre les événements locaux, promouvoir leurs campagnes et former les candidates. Une de ses femmes est Soham Wardini, la mairesse par intérim de Dakar qui a décidé de se présenter comme candidate indépendante après que son parti politique ne l’a pas sélectionné.

Ngoné Ndoye est l’ancienne Maire du département de Rufisque. Elle estime que l’absence de femmes aux postes de responsabilité est liée à leur manque relatif d’instruction, mais que la donne est en train de changer.

Elle explique : « Ce sont les normes socioculturelles qui font que la femme ne prend pas beaucoup la parole en Afrique. Mais je suis heureuse de voir aujourd’hui que beaucoup de femmes ont candidaté et quand elles n’ont pas été retenues par leurs coalitions, elles ont été elle-même sous leurs propres bannières et ça c’est formidable. »

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

Photo : Une électrice du camp de personnes déplacées de Zam Zam, dans le nord du Darfour, soumet son bulletin de vote le premier jour des élections nationales au Soudan, en 2010. Crédit : UN Photo/Albert Gonzalez Farran.