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Sénégal : Des femmes conçoivent des initiatives de financement pour booster leurs affaires

Ramatoulaye Badji est une productrice et une vendeuse de la région de Thiès, à 70 kilomètres à l’est de Dakar, au Sénégal. Les après-midis, elle ne quitte pas son étalage du marché de Keur Abdou Khoye malgré la chaleur de la journée. Elle explique : « C’est l’heure où la clientèle défile, alors je profite pour écouler mes produits. » Keur Abdou Khoye est l’un des plus grands sites d’approvisionnement en produits maraîchers du Sénégal.

Comme plusieurs autres agricultrices, madame Badji souhaite augmenter ses ventes pour avoir un surplus de bénéfice. Toutefois, elle a la difficulté à accéder au crédit, malgré l’augmentation des programmes de financement. Elle se souvient avoir eu une première expérience amère avec les mutuelles de financement. Elle déclare : « C’est au marché que j’ai parlé avec une mutuelle de financement pour la première fois. Mais cela ne s’est pas bien passé. » Une équipe de la mutuelle de financement est passée discuter avec les femmes au marché. Elle s’est laissée convaincre par la mutuelle, mais les réalités étaient tout autres. 

Madame Badji explique : « Nous femmes agricultrices, nous avons des difficultés à nous soumettre aux échéances de paiement du crédit déjà parce que nos ressources dépendent de la périodicité de nos rendements qui complique le reste. Les banques ne prennent pas en compte cette réalité de l’unique activité génératrice de revenus des femmes, surtout en milieu rural. »

Bien que plusieurs agriculteurs(rices) vivent les mêmes expériences, les femmes sont dans une situation plus précaire parce qu’elles n’ont pas le droit de posséder une terre. La propriété foncière peut être une condition pour accéder au crédit.

Les programmes et les institutions de financement ont connu ces dernières années, une floraison remarquable au Sénégal. Ce qui les oblige à diversifier leurs offres et au-delà à les accentuer vers les groupements de femmes agricultrices.

Maty Ndoye est membre du réseau genre de la CONGAD, une plateforme de 178 ONG nationales et internationales, dont le siège se trouve au Sénégal. Selon elle, l’accent est mis sur l’autonomisation économique des agricultrices. Elle soutient que le Sénégal est très en avance sur le développement de solutions de financement en faveur des femmes en Afrique.

En partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD), le Sénégal a obtenu un financement de plus de cinq milliards FCFA (8,9 millions $ US) pour proposer des outils financiers innovants conçus spécialement pour les femmes. Les objectifs définis pour ces outils incluent le partage des risques entre la mutuelle et le bénéficiaire, ainsi que l’offre de formations.

Madame Ndoye reconnait que le système d’octroi de crédits aux femmes rencontre des difficultés. Elle soutient que la CONGAD est consciente que le délai accordé pour le remboursement des prêts ne tient pas souvent compte de l’irrégularité du revenu des femmes et que les taux d’intérêt sont parfois élevés.

Marieme Wade est la coordonnatrice des femmes de l’union nationale des producteurs maraîchers de la zone des Niayes. Madame Wade regrette l’approche des mutuelles de financement. Elle déclare : « On nous fait miroiter les facilités de financement qu’offrent les mutuelles à travers les médias. Mais je demeure convaincue que ceux qui doivent nous tendre la main ne prennent pas le temps de nous évaluer et de jauger nos attentes. »

Elle ne comprend pas les mutuelles de financement qui disent vouloir les aider alors qu’elles ignorent la spécificité des problèmes des femmes agricultrices de Thiès. Mais, heureusement, les mutuelles de financement ne constituent pas la seule option pour les femmes qui veulent obtenir un crédit.

Beaucoup de femmes ont développé des initiatives informelles d’entraide et de prêt à caractère social. Madame Wade indique que cela fait plus d’une décennie que les femmes productrices maraîchères de la zone des Niayes ont mis en place un groupement de financement participatif. Elles ont commencé par une cotisation journalière de 50 FCFA (0,09 $ US) en 2011. Et depuis, l’initiative trouve du succès auprès des maraîchères. Elle explique : « Chaque échéance de mois, nous accordons un prêt 35 000 FCFA (63 $ US) à un membre à faible taux [d’intérêt] [seulement 2,5 %] remboursable sur cinq mois. »

Aujourd’hui, le groupement a un fonds de 13 millions de francs CFA (23 250 $ US). Cela leur permet d’avoir une « caisse secours » pour les membres qui peinent à payer leur échéance à temps.

L’initiative des femmes de Niayes a du succès et plus de femmes y adhèrent. Récemment, une entité d’agricultrices biologiques a rejoint le groupement. Madame Wade explique : « Nous leur avons accordé un planning de crédit de financement très allégé. Nous prospérons dans le financement participatif qui est aujourd’hui notre levier d’autonomisation. »

Même s’il ne manque pas de femmes qui ont recours aux mutuelles de financement et qui s’en sortent, les productrices des Niayes comptent sur leur financement participatif pour accroître leurs ressources et leurs rendements.

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.