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République démocratique du Congo : Un creuseur artisanal de cassitérite converti en agriculteur

C’est sous le froid en haute altitude, dans la zone montagneuse de Nyabibwe, en RDC, qu’Ajuwa Bertin, accompagné de ses deux jeunes frères, se réveille chaque matin, houe et machette à la main, pour aller travailler dans la plantation familiale de café. Monsieur Bertin va pour soigner ses orangers qui sont autour de la plantation de caféiers de son père.

Monsieur Bertin est le fils d’un agriculteur, mais il n’a pas commencé par travailler comme agriculteur. À peine 30 ans, monsieur Bertin a obtenu son diplôme d’État en spécialisation pédagogique il y a 11 ans. Faute de débouchés dans l’enseignement, il a rejoint le carré minier de Kalimbi pour devenir un chisokoma, exploitant artisanal de la cassitérite. Il s’agit d’une espèce minérale composée de dioxyde d’étain utilisé essentiellement dans la fabrication des téléphones portables, des téléviseurs et de l’imagerie médicale.

Il renonce rapidement à cette carrière à la suite d’un éboulement survenu dans un trou du carré minier qui a coûté la vie à une dizaine de travailleurs, parmi lesquels deux de ses anciens camarades d’école. Déterminé, le jeune homme décide d’abandonner ce travail et de trouver un autre emploi, à la fois rentable et plus sécuritaire. Il finit par opter pour l’agriculture.

La culture des oranges lui apparaît un choix sûr. Il justifie son choix par la forte consommation d’oranges dans les carrés miniers, qui aiment le fruit rafraîchissant. Aussi, il y a une demande accrue de ce fruit par des acheteurs en provenance des villes de Goma et Bukavu.

Les oranges sont aussi populaires avec les familles qui veulent manger sainement. Solange Furaha est une ménagère d’une quarantaine d’années. Elle achète beaucoup d’oranges parce qu’elle reconnaît que l’orange est un médicament contre la constipation et son jus, un bon breuvage des enfants.

Richard Kwabene, est nutritionniste au Centre de santé de Birhala, et il dit que : « L’orange a de nombreuses vertus sanitaires. Elle est riche en vitamine C, une source énergétique et stimule les réactions de défense de l’organisme ».

Monsieur Bertin débute empiriquement son nouveau travail autour de la plantation de caféiers de son père. Il entretient un germoir, assure la mise en pépinière et la transplantation des orangers. Des contacts qu’il a créés avec les agents du Service national de l’environnement lui ont permis d’obtenir des conseils pratiques sur l’agroforesterie et la lutte contre les érosions. En fait, les arbres contribuent à la lutte contre l’érosion et à l’ombrage des caféiers.

Le cultivateur néophyte a aussi reçu les conseils sur la lutte contre les ravageurs. Il explique: « J’ai appris du superviseur de l’environnement que la mousse de savon ou l’huile de palme sont efficaces pour lutter contre les cochenilles et les pucerons, des ravageurs qui sont à la base des maladies des orangers dans la région. Lorsque je constate un tel cas, j’enlève les feuilles atteintes et les brûle au feu, j’asperge un peu d’huile de palme sur les feuilles saines et le résultat est très satisfaisant. »

Monsieur Bertin dispose déjà d’une centaine d’orangers en phase de production. Il produit près de 800 kilogrammes par récolte, ce qui lui rapporte 224 000 francs congolais (136 $ US). Sa renommée attire aussi des vendeurs en provenance des villes qui, contrairement aux vendeurs locaux, lui versent en avance de l’argent avant que les oranges n’atteignent leur maturité.

Mamy Furahisha est une veuve âgée de 42 ans qui vend aussi des oranges et d’autres fruits depuis bientôt quatre ans à Goma où elle réside. Pour obtenir la quantité souhaitée, elle doit avancer à monsieur Bertin une somme d’argent équivalent à deux sacs de 50 kilogrammes d’oranges mûres en guise de réservation. En clair, elle avance l’argent dès l’apparition des fleurs sur les orangers pour concurrencer d’autres acheteurs potentiels, en attendant la période de maturité et de récolte.

À la fois sceptique et optimiste, monsieur Bertin regrette que ce soit la mort de ses collègues dans les décombres qui lui ait inspiré une nouvelle vie. Il se réjouit cependant d’exercer une activité rentable et durable, moins périlleuse pour sa vie. Son rêve est désormais d’étendre son domaine afin de produire beaucoup plus et gagner plus d’argent. Cet objectif ultime lui permettrait d’installer des unités de transformation des oranges et pourvoir de l’emploi à un grand nombre des jeunes exposés aux dangers liés au métier de « chisokoma ».