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RDC : L’interdiction de consommer la viande sauvage modifie les habitudes alimentaires des communautés

Il est 7 heures du matin et une fine pluie tombe sur le parc des Virunga, au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo au Nord-Kivu. Paluku Kaposolina, qui vit dans la région, se penche pour allumer le feu dans sa bicoque installée tout près. Monsieur Kaposolina n’a que 30 ans, mais son air renfrogné lui donne un air plus vieux.

Le jeune homme se nourrit de la chasse clandestine. Cependant, avec la propagation des maladies virales comme Ebola et le nouveau coronavirus qui proviennent tous les deux d’un animal, la chasse et la consommation de la viande sauvage sont formellement interdites. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour s’assurer que tout le monde comprend ce message. Mais les communautés vivant à proximité des forêts peinent à s’y conformer parce que cela fait longtemps qu’elles tirent la majeure partie de leurs protéines de la viande sauvage.

Monsieur Kaposolina déclare : « Je gagne ma vie ici. Chaque jour, je dois être debout avant 5 heures du matin pour vérifier mes pièges dans la brousse et cueillir mes gibiers … mais je n’y vais plus aujourd’hui et mes clients en pâtissent tout comme moi. »

Depuis bien avant la pandémie du COVID-19 et l’interdiction imposée sur la viande de gibier, la loi congolaise avait interdit le braconnage dans les aires protégées comme le parc national des Virunga, classé patrimoine mondial. Mais, des chasseurs comme monsieur Kaposolina continuent toujours d’y entrer clandestinement pour chasser.

Malese Yirayira est un leader communautaire et un anthropologue, et il craint que l’alimentation et les habitudes traditionnelles soient compromises par les interdictions de chasse. Il explique : « Si l’interdiction de chasse aux espèces sauvages et leur consommation restent formellement maintenues, des millions de personnes dans les communautés autochtones ou rurales dépendant directement de la viande sauvage pour leurs protéines alimentaires seront exposées au risque de malnutrition. »

Selon lui, plusieurs groupes de cette région vivent de la chasse d’animaux sauvages tels que les singes, les renards, les pigeons sauvages, les phacochères, les rats, les antilopes, les buffles et bien d’autres animaux. Certains groupes se servent également de ces animaux pour les sacrifices des rites coutumiers afin d’entre en contact avec les ancêtres et de résoudre des problèmes communautaires.

La transmission de maladies des animaux aux êtres humains n’est pas chose nouvelle. Selon les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies, trois maladies infectieuses nouvelles ou émergentes sur quatre dont souffrent les humains proviennent d’animaux. Un article indique qu’en passant des animaux aux humains, les maladies deviennent beaucoup plus virulentes et peuvent provoquer des pandémies lors de la transmission d’une personne à une autre.

Bahati Kiro est un expert en maladies animales. Monsieur Kiro explique: « Les zoonoses sont des maladies infectieuses qui parviennent à l’homme par l’intermédiaire des animaux. … C’est dans ce contexte que la consommation de la viande de brousse est farouchement interdite aujourd’hui même ici en RDC. Il est clair que c’est la pression humaine sur la biodiversité qui pose un problème. »

Dans cette région, plusieurs populations locales s’introduisent frauduleusement dans les aires protégées comme le parc national des Virunga pour y couper du bois, cultiver la terre, et aussi chasser des animaux sauvages. Le charbon de bois est une activité florissante et il n’y a plus assez de terres arables pour l’agriculture dans la région, et les animaux servent pour la consommation et le commerce. Ces activités sont menées avec la bénédiction des groupes armés actifs dans la région.

Bien que l’origine de la pandémie du coronavirus et sa voie de transmission exacte de l’animal à l’humain restent encore à clarifier, on pense que le virus se serait propagé d’un animal à l’humain.

La viande, et en particulier la viande sauvage n’est pas la seule source de protéines. Bantu Lukambo est le coordonnateur d’une l’organisation locale de protection de l’environnement et de la promotion du développement durable dans l’est de la RDC. Il explique que les besoins en protéines diffèrent d’une personne à l’autre et sont déterminés par plusieurs facteurs, notamment le poids corporel. Il déclare : « On peut obtenir les protéines dans les végétaux tout comme dans les animaux. Le corps humain a besoin de toutes [sortes de] protéines. »

Son organisation a déjà mis en place un clapier communautaire et une champignonnière pour aider les paysans et les paysannes à produire des champignons aux alentours du parc des Virunga en vue de réduire le braconnage et la consommation de la viande sauvage.

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.