RDC : Les agriculteurs travaillent ensemble pour tenir les animaux à l’écart de leurs champs

| novembre 13, 2017

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Beatrice Semahane se lève de bonne heure. Le soleil pointe à peine à l’horizon, et, avec une dizaine d’autres agriculteurs et agricultrices, elle nettoie et recolle un long pan de clôture endommagé. Cette clôture marque la frontière entre le parc national de Virunga et les champs d’agriculteurs et d’agricultrices de Kibumba, un village montagneux, situé à environ une cinquantaine de kilomètres de Goma, à l’est de la République démocratique du Congo.

Après les intrusions successives des gorilles et des buffles dans leurs champs, la nuit, pour manger leurs cultures, les paysans et les paysannes de la localité se sont réunis pour réparer la clôture électrique qui sépare leurs champs du parc.

Mme Semahane déclare : « Chaque agriculteur de Kibumba a déjà au moins une fois été d’une façon ou d’une autre victime d’envahissements d’animaux dans les champs. Personne n’est à l’abri. »

Mme Semahane a 38 ans. Elle a presque toujours cultivé des légumes dans son champ de 700 mètres carrés. Au cours des dernières années, des animaux du parc ont détruit ses carottes et ses pommes de terre.

En début 2016, Mme Semahane a perdu l’équivalent de cinq sacs de carottes et huit sacs de pommes de terre, ce qui représente environ 100 kilogrammes, soit un cinquième de sa récolte.

En 2014, les autorités du parc installèrent une clôture électrique pour garder les animaux à l’intérieur du parc, mais celle-ci n’encerclait pas complètement le parc, et fut vite endommagée. Les plantes s’enchevêtrèrent dans la clôture, facilitant à nouveau l’accès des champs aux animaux. En plus, les agriculteurs et les agricultrices affirment que cela fait plus d’un an que la clôture n’est plus électrifiée.

Joël Wenga travaille avec l’agence créée par le gouvernement congolais pour la conservation de la nature, et qui est chargée de la protection des parcs. Selon lui, les habitant(e)s ont également contribué à la dégradation rapide de cette clôture électrique.

Il explique : « Certains habitants du village volent les fils et les poteaux. Cela crée des points faibles au niveau de la clôture, et permet facilement aux animaux d’y passer. »

Mushumo Habineza cultive des carottes et des poireaux à Kibumba. Il soutient que les animaux ont mangé la moitié de ses carottes le mois dernier. Monsieur Habineza croit que les animaux seraient passés par la partie non clôturée du parc. Il déclare : « J’ai récolté 300 kilos au lieu de 500 kilos comme j’en ai l’habitude. C’était après le passage de ces animaux. J’ai bien vu leurs traces le lendemain. »

Les agriculteurs et les agricultrices ont donc dû tout recommencer.

En 2016, Mme Semahane a créé l’association Umoja qui signifie « union » en swahili. L’association compte 46 membres qui, chaque semaine, se relaient pour entretenir la clôture électrique afin de protéger leurs champs.

Tous les lundis, ils se répartissent en groupes de 15 et se déploient aux différents endroits où des réparations s’imposent. Munis de houes, de machettes, de bêches et d’autres outils, ils identifient d’abord les lieux où les fils ont été rompus. Puis, ils coupent les mauvaises herbes autour de la clôture, et attachent des morceaux de bâton aux endroits où la clôture semble vouloir céder.

Parfois, ils achètent du ciment et installent des piquets de clôture, avec l’argent des responsables du parc ou les cotisations des membres.

Selon les agriculteurs et les agricultrices, même si une partie du parc n’est toujours pas clôturée, ils notent une grande différence.

Monsieur Habineza déclare : « Grâce au nettoyage régulier et à l’entretien de la clôture électrique, nous pouvons passer une semaine complète sans enregistrer de nouveaux cas d’attaque de nos champs. Avant, chaque jour on assistait aux attaques de nos cultures. La fréquence des déprédations a vraiment baissé. »

Mme Semahane espère que la clôture sera bientôt électrifiée pour permettre aux champs d’être à l’abri des animaux. Elle souhaite également que les autorités du parc déploient la clôture tout le long du pourtour du parc.

Pour leur part, les autorités du parc soutiennent qu’il y a des problèmes techniques au niveau de l’électrification, mais que des ouvriers rétabliront bientôt l’électricité au niveau de la clôture.

Photo: Le long pan de clôture chez Beatrice Semahane.