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Ouganda : Des femmes craignent que les pénuries alimentaires fassent du coronavirus et du VIH un mélange explosif (Trust)

Avant le confinement imposé en Ouganda en raison du coronavirus, Matina avait une routine matinale. Après s’être réveillée, elle buvait du thé, mangeait un peu et prenait ses antirétroviraux suivant les instructions des médecins. Matina est séropositive.

Mais quand les autorités imposèrent des restrictions pour freiner la propagation du COVID-19 en mars, sa situation changea. Comme elle n’avait rien à manger, elle évitait ses médicaments, car ils lui donnent des nausées et l’étourdissent si elle les prend sans manger.

Matina a 67 ans et a demandé que son nom de famille ne soit pas divulgué à cause de la stigmatisation liée au statut de séropositivité. Elle vit dans une petite maison en toit de paille dans une localité pauvre, au nord de l’Ouganda. Elle affirme que ses proches ne peuvent pas travailler en raison des règles interdisant les déplacements et les services non essentiels. Elle s’occupe de sept enfants qui mangent tout au plus un repas par jour.

Matina déclare : « Le corona m’a causé beaucoup de soucis… Avoir à manger n’est pas facile. Je ne peux pas acheter de haricot, car le prix a augmenté, et je n’ai pas les moyens d’en acheter. Il n’y a pas d’argent. Peut-être que le corona est mieux parce que la faim ne va faire que nous tuer. »

Après deux mois de confinement, plusieurs Ougandais(e)s ont des difficultés. Mais certaines mesures du confinement sont maintenant en train d’être levées. L’interdiction des transports publics a pris fin en début juin.

En Ouganda, environ 1,4 million de personnes, soit un peu plus de 3 % de la population vivent avec le VIH, selon les statistiques du gouvernement. C’est l’un des taux les plus élevés d’Afrique de l’Est, avec environ 23 000 décès et 50 000 nouvelles infections chaque année.

Les femmes sont touchées de façon disproportionnée. Près de 60 % des adultes vivant avec le VIH sont des femmes. Le taux de nouvelles infections chez les femmes âgées de 15 à 24 ans est plus que le double de celui des jeunes hommes. La stigmatisation contre les personnes vivant avec le VIH est monnaie courante.

Cependant, l’Ouganda a fait de grands progrès en matière de lutte contre le VIH et le sida, ce qui a permis une baisse du taux d’infection qui était de 18,5 % en 1992 selon des rapports des Nations Unies. Un million de personnes sont sous traitement pour ralentir le développement du VIH et éviter la progression du sida.

Pour contrer la propagation rapide du coronavirus, l’Ouganda a interdit les voyages à l’échelle nationale. Cette interdiction a été imposée avec seulement un préavis d’une heure, ce qui n’a pas permis aux gens de prendre leurs dispositions. Les autorités locales avaient déclaré ne pas avoir eu le temps de prendre des mesures pour les personnes souffrant de maladies chroniques, ou celles qui avaient besoin de soins d’urgence. Au moins 11 femmes enceintes sont décédées par manque d’accès aux soins de santé maternelle, selon le Projet Women’s Pro-Bono basé à Kampala.

Le Dr Kaggwa Mugagga est le conseiller en matière de VIH de l’Organisation mondiale de la Santé en Ouganda. Il déclare : « Cet élément n’a pas été pris en compte au début du confinement en raison de la pandémie. »

Les autorités sont en train d’évaluer l’impact du confinement sur les différents programmes. Le Dr Mugagga note qu’il y avait des problèmes de distribution des médicaments contre le sida au début, mais que des bénévoles ou des conducteurs de moto livrent de plus en plus les médicaments. Le ministère de la Santé de l’Ouganda a également mis en place un programme pour permettre aux agent(e)s de santé communautaire de récupérer les médicaments contre le VIH pour les malades.

Tout récemment, le Dr Mugagga a déclaré avoir appris une augmentation des cas de pénuries alimentaires dus à l’incapacité de gens d’aller travailler. Il affirme que cette incertitude est une « torture psychologique » pour les personnes vivant avec le VIH.

Le Dr Joshua Musinguzi est le responsable du programme de lutte contre le sida au ministère de la Santé. À ses dires, le gouvernement tente de résoudre les problèmes de nourriture et de ravitaillement des personnes en médicaments nécessaires. Les autorités encouragent le public à ne pas baisser la garde dans la lutte contre le VIH et le sida, même si tous les efforts sont consacrés en ce moment à la lutte contre la pandémie du COVID-19, dont environ 730 personnes étaient infectées en mi-juin.

Le Dr Musinguzi déclare : « Nous ne sommes pas dans une situation normale, donc il est possible que tous ne soient pas touchés … il pourrait avoir des lacunes et les malades pourraient en souffrir. »

Acen rit tristement lorsqu’on lui demande ce qu’elle mangeait pendant le confinement. Cette mère célibataire de cinq enfants fait bouillir des plantes une fois par jour, mais ce n’est pas suffisant.

Elle déclare : « Nous avons faim, les enfants se plaignent. On n’y peut rien, car ce n’est pas là, il n’a rien à leur donner. »

Acen a 36 ans et cela fait six ans qu’elle se bat contre le VIH qu’elle a contracté de son ex-mari. Bien qu’elle continue de prendre ses antirétroviraux, elle soutient que cela lui cause des problèmes. Elle explique : « Cela met beaucoup de pression quand on prend un médicament l’estomac vide. Cela vous rend malade bizarrement. »

Avant la pandémie, elle travaillait chez des gens moyennant un petit salaire. Maintenant, elle n’a pas les moyens de s’acheter un masque qu’elle doit porter même pour aller chercher ses médicaments. Elle déclare : « Nous préférons acheter à manger. »

La présente nouvelle est adaptée d’un article initialement écrit par Sally Hayden de Thomson Reuters Trust et intitulé « Ugandan women fear food storages will make coronavirus and HIV a deadly mix» Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : https://news.trust.org/item/20200521041801-kvrmq [1].