Ouganda : Des commerçantes s’exposent à un voyage périlleux à la frontière (Global Press Journal)

| octobre 2, 2022

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Nouvelle en bref

En partant de Busia, en Ouganda, la frontière kényane se trouve juste à cinq minutes de marche près d’un chemin de terre poussiéreux. Le terme swahili employé pour désigner ce type de chemins de terre est panya, ou sentier. Ils permettent à Middy Amulé, âgée de 53 ans, ainsi qu’à plusieurs autres femmes d’éviter le poste de contrôle frontalier officiel, avec ses longues files d’attente et ses frais obligatoires qui engloutiraient ses maigres revenus. Mais un danger les guette sur les panya. Selon les femmes, les autorités, disent-elles, les intimident souvent pour avoir un kitu kidogo, qui signifie « un petit quelque chose » en swahili. Il s’agit parfois d’un pot-de-vin, ou d’une pastèque, voire plus. Une femme a peu de possibilités de dire non. Comme elle est considérée comme une contrebandière, les autorités peuvent saisir ses marchandises.

En partant de Busia, en Ouganda, la frontière kényane est très proche, juste à cinq minutes de marche près d’un chemin de terre rouge, le long duquel on aperçoit des maisons basses et des bazars, des manguiers et des champs de maïs, ainsi que des femmes qui titubent, des paniers de pastèques sur la tête. Plusieurs matins, juste après le lever du soleil, Middy Amule rejoint des douzaines de femmes qui se bousculent sur ce chemin pour aller vendre des vêtements, des céréales, du thé, du café, du tabac, du sel et des bananes au Kenya et revenir chez elles en Ouganda à la tombée de la nuit.

Le terme swahili pour les chemins de terre comme celui-ci est panya, ou pistes. Ils permettent à madame Amule âgée de 53 ans, d’éviter le poste de contrôle frontalier officiel, avec ses longues files d’attente et ses frais obligatoires qui pourraient engloutir ses maigres profits. Cependant, pour les autorités l’utilisation des panya est une sorte de contrebande. C’est un terme qui, en pratique, expose les femmes à un risque d’exploitation.

Selon les commerçants et les commerçantes, des fonctionnaires se postent le long de ces sentiers battus, exigent des pots-de-vin, volent de la nourriture, voire pire. Madame Amule déclare : « Une femme est venue me voir une fois pour m’exprimer sa douleur. » La femme lui a dit : « Je me sens sale. Le garde au poste de contrôle s’est servi de moi. » Mais la femme ne l’a pas dénoncé par crainte que son mari l’apprenne.

Les femmes qui vivent ce genre de situations demandent rarement de l’aide auprès des autorités compétentes. Godfrey Ongwabe Oundo est le président régional du commerce frontalier pour le Marché commun de l’Afrique de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe. Il explique que beaucoup de ces femmes n’ont pas terminé leur scolarité et ont de la difficulté avec l’anglais, la langue de l’administration. Dans certains cas, les fonctionnaires sont les personnes qui harcèlent, et, par conséquent, les femmes ne se sentent pas en sécurité de dénoncer les crimes.

Madame Oundo déclare : « Un agent frontalier pourrait lui proposer de l’aider avec les marchandises en contrepartie de quelque chose. Une fois que cela se produit, ça devient une routine, et elle ne peut pas en parler à son mari. »

Certains organismes gouvernementaux interviennent dans la gestion de ces postes de contrôle non officiels. Irene Kiiza Onyango est le porte-parole du ministère ougandais du Commerce, de l’Industrie et des Coopératives. Elle déclare : « Nous intervenons pour des affaires qui sont dénoncées par les voies officielles, et non pour des spéculations, et les femmes n’ont jamais approché nos bureaux pour nous faire part de ce qu’elles vivent. »

Un porte-parole des Forces de défense du peuple de l’Ouganda qui effectuent des rondes au poste de contrôle affirme que les militaires n’ont également reçu aucune plainte.

Ibrahim Kibuuka Bbossa est un porte-parole de la Direction du revenu de l’Ouganda qui encadre le personnel douanier. Il affirme que les commerçants et les commerçantes devraient parler. Il ajoute : « Nous gérons les cas de maltraitances avec une grande intégrité, et nous congédions les personnes reconnues coupables de violation de notre code d’intégrité. Par conséquent, les femmes devraient signaler ces situations. »

Cependant, dénoncer n’est pas aussi facile que cela paraît. Pour déposer une plainte, il faut souvent des preuves, et plusieurs femmes soutiennent que ce fait à lui seul peut détruire un mariage ou une source de revenus.

Ces déboires concernent généralement les petits commerçants et commerçantes, dont le montant de chaque transaction est inférieur à 2 000 $ US. Ce type de commerce alimente une économie importante et informelle des acheteurs, des vendeurs, des bureaux de change et des transporteurs.

Suzan Nagudi est l’une des nombreuses femmes qui comptent sur cette économie pour leur subsistance. Elle vend des mangues et des melons au Kenya depuis plus d’une décennie. Elle déclare que son mari a travaillé à un moment donné comme ouvrier au Qatar, mais depuis qu’il est revenu durant la pandémie, il n’a trouvé aucun emploi. Le couple a trois enfants âgés de 2, 4 et 13 ans, et le revenu de madame Nagudi permet de couvrir les frais de nourriture, de scolarité, médicaux et de location. Pour elle, les sentiers non officiels sont les seuls chemins viables.

La femme de 33 ans déclare : « Je compte aller au Kenya pour vendre mes marchandises et retourner rapidement avant le coucher du soleil. Mais l’utilisation du chemin officiel pourrait faire échouer mon travail. »

Un danger les guette sur les panya. Selon les femmes, les autorités les intimident souvent pour avoir un kitu kidogo, qui signifie « un petit quelque chose » en swahili. Il peut s’agir d’un pot-de-vin, ou d’une pastèque, voire plus. Une femme a peu de possibilités de dire non. Comme elle est considérée comme une contrebandière, les autorités peuvent saisir ses marchandises.

Sanyu, un commerçant qui se rend au Kenya deux fois par semaine, déclare : « Ils veulent avoir un échantillon. Ils utilisent leurs yeux et leur langue pour tester la qualité du produit. »

L’homme de 29 ans passe souvent des heures pour aller chercher des melons pour les vendre au Kenya. Il pourrait gagner au moins 300 000 shillings ougandais (80 $ US) par semaine, déclare-t-il, mais comme il paie très souvent un kitu kidogo, il se sent chanceux de pouvoir ramener la moitié de cette somme à la maison.

La présente nouvelle est inspirée de l’article intitulé « Women traders face a perilous journey across the border. », écrit par Edna Namara et publié par Global Press Journal. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : https://globalpressjournal.com/africa/uganda/women-traders-perilous-journey-across-border/

Photo : Suzan Nagudi, à droite, une petite commerçante, s’occupe d’un client à son stand de mangues à Busia, en Ouganda. Crédit : Edna Namara pour GPJ Ouganda.