Nigeria : Des conflits entre bergers et agriculteurs affament les communautés

| avril 23, 2018

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Le jour s’est levé et le temps paraît clément. Bulus Rimankante et d’autres agriculteurs et agricultrices se trouvent dans leurs champs, occupés à surveiller et munis de fusils. Ils protègent leurs cultures contre les animaux qui cherchent des pâturages. De temps en temps, monsieur Rimankante tire en l’air pour avertir les bergers que sa terre agricole est interdite au pâturage.

Monsieur Rimankanté cultive sept hectares à Takum, dans l’État de Taraba, au nord-est du Nigéria (pour des raisons de sécurité, nous n’utilisons pas son vrai nom). Il a construit une cabane temporaire au champ, où il peut se reposer lorsqu’il veille sur ses cultures. Il explique : « Cela est [commun] pour empêcher le bétail de détruire nos champs. »

Les tensions entre agriculteurs et éleveurs dans la région s’exacerbent. La sécheresse force les éleveurs à s’aventurer de plus en plus au sud à la recherche d’eau et de pâturages. Parfois, quand ils s’approchent des zones agricoles, des conflits violents éclatent.

Selon monsieur Rimankante, plusieurs agriculteurs et agricultrices récoltent en novembre et aussitôt commencent leurs cultures irriguées. Mais cette année, plusieurs d’entre eux ont abandonné leurs terres à cause du conflit.

Mafindi Umaru Danburam représente l’association d’éleveurs Miyetti Allah. Il dit que la crise entre éleveurs et agriculteurs démontre les impacts réels des changements climatiques. La hausse des températures et les précipitations irrégulières ont réduit la disponibilité des ressources telles que l’eau et les pâturages.

Il ajoute : « Il y a un pénurie d’eau et un rétrécissement des pâturages dans le nord [aride], ce qui semble pousser les éleveurs vers le sud dans les prairies de la savane et des forêts. »

Le Dr Agoso Bamaiyi est un expert en résolution de conflits qui travaille pour le gouvernement de l’État d’Adamawa en qualité de médiateur dans le conflit. Il déclare : « Les échauffourées au sujet des ressources naturelles, notamment l’eau et les zones de pâturage, pourraient s’aggraver à mesure que l’impact du changement climatique prendra de l’ampleur. »

Le Dr Bamaiyi ajoute : « Les éleveurs peuvent parcourir des centaines de kilomètres en grands nombres avec leurs troupeaux à la recherche de pâturages. Ils sont souvent armés de fusils pour protéger leur bétail. Ils se disputent souvent avec les agriculteurs et les agricultrices qui les accusent constamment de détruire leurs cultures et d’être incapables de contrôler leurs bêtes. Les [éleveurs] répondent qu’ils sont attaqués par des groupes formés de membres de communautés agricoles qui tentent de voler leur bétail, et qu’ils ne font que se défendre. »

Les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs causent des pertes en vies humaines, en biens et en produits agricoles dans plusieurs localités du Nigeria.

Le gouvernement nigérian a créé des comités techniques pour trouver les voies et moyens de mettre fin au conflit. Des délégations se sont rendues dans les zones concernées pour rencontrer les parties prenantes. Le président nigérian Muhammadu Buhari a ordonné le déploiement de troupes pour faire cesser les conflits dans les États de Benue, Taraba et Nassarawa.

Cependant, malgré ces mesures de sécurité, monsieur Rimankanté affirme que la crise semble perdurer dans plusieurs localités du pays, particulièrement au nord.

Moses Japhet vit dans la collectivité de Dong, à environ 100 kilomètres de la frontière camerounaise. Son frère a perdu la vie dans ces conflits. Il raconte que beaucoup d’exploitations agricoles se trouvent à plus de deux heures de marche des villages et que les agriculteurs et les agricultrices ne s’y rendent plus en raison de l’insécurité. Il déclare : « Nous devons cultiver aux alentours de nos maisons. Nous pouvons cultiver uniquement [pour notre consommation personnelle]. Cela ne suffit pas. Nos enfants ont faim. »

Ngurigon Nathaniel est un responsable communautaire au nord du Nigeria. Il déclare : « Nous ne savons plus quoi faire, car nous vivons tous dans une atmosphère de désespoir et d’incertitude. »

Monsieur Nathaniel ajoute qu’étant donné que certains agriculteurs et agricultrices ont abandonné leurs champs, le résultat final du conflit est la faim.

Toutefois, malgré le risque que cela comporte, monsieur Rimankante a l’intention de continuer à cultiver. Il ajoute : « Bien que les produits agricoles aient été détruits, et réduits en cendres, je resterai ici…. Nous devons rester pour défendre nos terres et nos exploitations afin que la vie continue. »

Photo: Chef des éleveurs